FAN DE BTVS

 

C'est une histoire comme une autre, qui ne vaut pas mieux qu'une autre. Celle d'une gamine de 14 ans tout juste, qui revient des grandes vacances d'été et s'apprête à retrouver le collège et sa microsociété. Celle d'une adolescente qui s'est trouvé un nouveau film à adorer, des nouveaux acteurs à aduler, et qui partage son engouement avec sa meilleure amie.

Ce film, c'était Cruel Intentions. J'avais une passion naissante pour le cinéma à ce moment là, encore fan de Titanic, et j'avais eu un mal fou à réussir à voir le film de Roger Kumble. En y pensant maintenant, sûrement que la difficulté à le voir m'a fait aimé le filme encore plus. Les ados s'attachent plus quant c'est interdit ou déconseillé, ce n'est pas nouveau. Je ne connaissais rien aux séries à l'époque -je n'en sais toujours pas grand-chose, mais je me tiens au courant. Je passais quelques jours chez ma meilleure amie, qui a décidé de me montrer une série dans laquelle jouait cette actrice que j'admirais dans Cruel Intentions -Sarah Michelle Gellar. Buffy contre les vampires, ça s'appelait. J'ai accepté de regarder, pourquoi j'aurais refusé?

J'ai découvert Halloween. Je ne me souviens pas de comment mon amie m'a introduit l'histoire, comment elle m'a décrit les personnages. La seule chose qui reste dans mon esprit, c'est Oz et Willow. Mon amie m'a expliqué que ça faisait plusieurs fois qu'ils se croisaient mais qu'ils ne faisaient pas attention l'un à l'autre. Je crois qu'elle était sûre qu'il allaient finir par être ensemble. J'ignore pourquoi j'ai gardé ce détail en tête, mais si on me parle d'Halloween, c'est la première chose qui me vient à l'esprit.
J'essaie d'être honnête avec moi-même. Je n'ai pas spécialement flashé sur la série. A l'époque, je prétendais encore devant des photos de David qu'il n'était pas génial. C'est dur d'expliquer comment naît une passion, et pourquoi. Pourquoi est ce qu'un jour on cesse de dire 'j'aime bien' et qu'on dit 'j'adore', ou 'je suis fan'. Pourquoi est ce que j'ai pendant plusieurs semaines regardé sur Série Club le début de la saison 2 sans suivre les épisodes de la fin de cette même saison sur M6.

J'ai l'habitude de dire que j'ai réellement accroché à la série le soir où, pendant que mes parents étaient absents, j'ai regardé 'Becoming 2' avec mon frère. Parce qu'après j'ai regardé tous les samedis soirs. Mais je ne me suis pas réveillé le dimanche matin en réalisant que j'étais fan. Je crois que ça se construit. Au fur et à mesure.

Ma passion pour BtvS a quelque chose de très personnel, et je pense que c'est le cas pour beaucoup de monde. On ne suit pas une série aussi régulièrement, avec autant d'attention, si on ne s'identifie pas aux héros à un quelconque niveau, si aucune partie de nous ne résonne avec le récit raconté. Plus encore que pour ses qualités d'écriture, de réalisation, de direction, c'est là que j'admire Joss: dans sa capacité à me faire sentir proche de cette série. J'ai l'habitude d'écrire mes réflexions à un style indirect, mais le lien qui me lie à BtvS est personnel et je ne me sens en aucun cas le droit de parler au nom des autres d'un sentiment qui m'appartient.

Le besoin de voir la série toutes les semaines, de ne louper aucun épisode, s'installe sans qu'on s'en rende compte, sans qu'on puisse rien faire pour l'en empêcher. Mes années collèges n'ont pas toujours été faciles, Titanic avait été un refuge au début, mais un film a le gros défaut d'être unique et de ne jamais évoluer. J'ai retrouvé dans BtVS, 1 ans et demi après Titanic, ce sentiment indescriptible qui fait naître la passion chez moi, avec l'avantage que BtVS était une série, où les personnes 'vivent', évoluent semaine après semaine. J'aime à faire le rapprochement entre les épisodes de BtvS et les lettres d'un ami. A une époque où il faut se faire accepter dans un groupe, où les gens s'éloignent, où l'on trouve pas forcément sa place, la présence toutes les semaine d'une série est rassurante. Quoiqu'il arrive, elle est là. Elle ne peut pas vous abandonner. Peut-être que c'est à cause de ça que je refusais obstinément de partir un samedi soir, que j'étais tellement dévasté si mon magnétoscope n'enregistrait pas un épisode alors que, pour une fois, j'avais accepté de partir en week-end. Peut-être aussi que c'est dangereux pour certains gamins. Je ne pense pas que ça l'ait été pour moi. Je n'ai jamais cherché à remplacer mes amis réels par Buffy, Xander ou Willow, j'ai toujours fait clairement la différence entre la réalité et la fiction. Je l'ai dit, pour moi c'était une présence rassurante. Rassurante, et stable, qui m'a aidé à faire face à tout ce qui peut arriver dans une vie, d'important ou pas. Un phare toujours présent dans l'univers mouvementé d'un ado.

Le paragraphe ci-dessus est, je pense, valable pour beaucoup de séries, en particulier celles pour jeunes. Les producteurs savent y faire, savent ce que les jeunes attendent, et c'est pour ça que beaucoup ne regardent pas une série, mais plusieurs. Je ne regarde que BtVS (et aujourd'hui, Ats). J'ignore pourquoi je suis restée exclusive, pourquoi mon esprit n'a accroché qu'à l'univers de Joss Whedon. Pourquoi je me suis attachée à Buffy plus qu'à Liz, ou Dawson, ou Scully. Mais on ne sait pas toujours pourquoi on s'est attaché à certaines personnes et pas à d'autres, cela fait parti des mystères de l'inconscient, de la vie. Quelque chose en moi résonne quand je regarde BtvS, je m'attache aux personnages, je me sens proche d'eux. Au début, c'était plus que tout le couple Buffy & Angel. Aujourd'hui toujours, c'est la raison pour laquelle je me considère B/Ashipper, une partie de moi ne souhaite que de revoir les deux héros ensemble (mais est ce que ce n'est pas seulement la facilité du passé?); cependant, aujourd'hui je suis très attachée à Buffy elle-même. C'est assez étrange, car ses attitudes ne ressemblent pas forcément aux miennes, je suis même plutôt proche de Willow dans ma personnalité, mais c'est pour Buffy plus que tout que je pleure, que je rie. Quand j'y pense, je me dis que c'est peut-être précisément parce que je ressemble psychologiquement plus à Willow. Après tout, je suis quelqu'un qui essaye d'accorder énormément d'attention à mes amis, et mise à la place de Willow, ma meilleure amie deviendrait Buffy.... Je ne sais pas si je suis claire là. Mais c'est la seule explication que je trouve pour m'attacher autant au personnage de Buffy en lui-même.

J'ai fréquenté pas mal de fans qui ont arrêté de regarder la série parce que leur couple préféré avait été séparé (je pense en particulier aux Bashippers fous). C'est un comportement qui m'échappe un peu. Une partie de moi n'arrive pas à envisager la fin de la série (le fait qu'on ait plus du tout d'épisodes à attendre), et n'arrive pas non plus à visualiser la fin de ma passion. Je suis trop impliquée dans la série maintenant, et je suis quelqu'un qui rend très facilement hommage à ce que j'aime ou ce que j'ai aimé. Même si aujourd'hui je m'accorde à dire que Titanic n'avait rien *d'extraordinaire*, je ne pourrais jamais en dire totalement du mal. Parce que ce film m'a aidé à un moment de ma vie. C'est la même chose avec BtVS. Pour la présence que ça m'a apporté, pour les fous rires que ça m'a donné, je ne pourrais jamais totalement 'renier', ni mépriser la série. Tout comme je continuerais de ne pas dire du mal de mes anciens amis, parce que ce qui compte pour moi, c'est qu'ils ont été là pendant tout un temps. (encore un exemple que notre attitude face à la vie se reflète dans notre abord de la série) Certains appelleront ça de la faiblesse, je crois plutôt que c'est une sorte de respect.

Une autre chose que je ne comprends pas, c'est le manque de respect, justement, qu'on a de la part des gens en général. Etre fan d'une série -encore plus d'une série considérée 'gamine' comme Buffy (Kimberrly, si je te mets la main dessus!!)- semble être une maladie grave. Un défaut. Le pire, ce sont quand les fans de séries s'insultent entre eux. Je n'aime pas Rosewell, je n'accroche pas à X-files. Et alors? Est ce que ça signifie que ces séries sont nulles? Non. Elles ne me correspondent peut-être pas. Les personnages m'intéressent moins. Mais tout ça, tous nos goûts en matière de série, c'est personnel. Chacun réagit différemment, mais on en arrive toujours au même point, et les fans de séries, s'ils s'intéressaient uniquement aux motifs de leur passion (je parle ici des fans 'exclusifs'. Ceux qui regardent beaucoup de séries peuvent plus facilement comprendre. Pourtant quelque part je crois qu'ils manquent quelque chose qu'apporte l'exclusivité d'une série), se rendraient à mon avis très vite compte qu'ils aiment des séries différentes, mais pour les mêmes raisons. Pourquoi se lancer des piques quand on est au fond tous à jeter dans le même panier? Quant à l'attitude des non-fans... L'incompréhension, souvent. La pitié, de temps en temps (et c'est énervant... on n'est pas débiles mentaux, pas besoin de s'apitoyer sur nous). Mais par dessus tout, le mépris. Je suis quelqu'un de très tolérant. Et j'en suis arrivée à la conclusion que pour moi, être fan de BtVS était un peu comme adopter une religion. Je m'explique. Les religions sont faites pour rassurer les gens. Les rassurer sur leur vie, sur la mort, répondre à des questions existentielles auxquelles les pragmatiques n'ont pas de réponses. Une série n'apporte pas de réponses à la vie, n'exagérons rien. Elle aide à comprendre, cependant. Ce matin j'ai appris qu'un copain à moi avait perdu sa mère. J'ai repensé à The Body. Ce n'est pas pour rien que cet épisode est trop douloureux à regarder pour ceux qui viennent de perdre un proche... Une série sert à comprendre, donc. Mais elle sert surtout à se rassurer. On en revient toujours au même point. Le besoin d'avoir quelque chose de rassurant dans notre vie. Pour moi, à partir du moment où on se consacre à quelque chose (et qu'on ne change pas toutes les deux semaines), que ce soit un acteur, une religion, une série, tout est très similaire dans les raisons. Ne montrer que du mépris à quelqu'un dans n'importe lequel de ces cas, ça montre qu'il y a quelque chose qu'on ne comprend pas. Qu'on arrive pas à saisir. Certaines personnes ne le peuvent pas, je ne changerai pas ça. Mais je voudrais quand même le rappeler à ceux que ça pourrait amener à reconsidérer leur vision des fans. Notez tout de même que quand je parle de séries ici, je parle de séries qui ont prouvé avoir un minimum de profondeur, même si toutes fonctionnent sur la même idée de base -que les gens s'identifient. Notez aussi pour finir l'habitude qu'on prit les 'vrais' fans de Buffy de surnommer Joss 'Dieu'. Pour moi, je l'ai montré, ce surnom a vraiment de l'importance. C'est la similitude entre religion et passion pour une série explicité.

Je ne sais pas quelle utilité cette page a pour d'autres personnes. Probablement pas grand chose. C'est surtout l'occasion pour moi d'essayer de comprendre mes sentiments, comprendre cette chose étrange qu'est l'engouement pour une série (ou pour autre chose), et peut-être aussi de montrer aux non-fans que non, non, nous ne sommes pas fous. Ou en tout cas, non, non, moi je ne suis pas folle. J'aime quelque chose, j'aime passer du temps là-dessus, j'aime en discuter, j'aime analyser ce sentiment d'attachement pour la fiction. C'est juste l'histoire d'une gamine de 16 ans, qui a grandi en étant sûr que quelque chose dans ce bas monde était là pour lui remonter le moral. L'histoire d'une adolescente de 16 ans très consciente de sa passion, et qui la revendique. Oui, j'aime Buffy. Et si cette série m'aide des fois à ne pas plonger dans une déprimer profonde, ou à faire travailler un cerveau engourdi par des classes sans intérêt, et bien j'ai vraiment besoin qu'on m'explique où est le mal.

Je l'ai déjà fait, mais je ne le ferais jamais assez. Merci, Joss. Pour tout