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Comme
c'est étrange, c'est la première fois que je prends
la plume (ou plutôt le clavier) pour réagir à un épisode
d'Angel cette saison. Il faut dire que Forgiving, épisode
17 de la saison 3, a de quoi faire réagir... Mais c'était sans compter sur la bande de petits hommes qui travaillent dans ces bureaux, non loin des plateaux, dont le supérieur direct s'appelle Joss Whedon et est connu parmi ses fans pour sa cruauté apparente. Quant en plus, Tim Minear fait parti de la bande (trop bien connu pour son meurtre de Doyle), on aurait dû savoir que tout n'allait pas finir avec l'arrivée d'Arc-en-ciel, le Coquin Adorable... Je ne pardonne pas aux auteurs certaines erreurs du début de saison, mais je suis aujourd'hui de nouveau obligée de leur tirer mon chapeau. Forgiving. Voilà donc la raison de mon admiration, ou plutôt de mon choc. Un épisode, qui, sans surprise vu son nom, décline le problème du pardon, ou de son absence. Cette réflexion va se faire à deux niveaux: d'abord, je vais prendre l'épisode seul, avant de considérer le thème du pardon dans l'ensemble de la série, sur une autre page. Comme je l'ai déjà expliqué dans ma réflexion sur le petit Connor, la série, qui avait en gros plongé depuis la début de la saison (sans que tout soit à jeter, comprenez moi bien), se redressait déjà depuis la fin de Couplet, où Angel a enfin eu, par rapport aux deux problèmes principaux -Connor et Cordelia- une attitude qui lui était cohérente. Forgiving continue dans le sens de Loyalty et de Sleep Tight ; dans chaque épisode, on s'inquiète, on a mal parfois, on retient son souffle, on s'interroge. La suite devient intéressante, la série retrouve ses racines épiques et l'amour (à l'exception de l'amour paternel, mais je reviendrais là-dessus) simple n'a plus de place dans ce monde. Cordelia n'est plus là, et Angel n'a pas besoin d'elle, la relation entre Gunn et Fred n'est pas approfondie, mais tant mieux. On n'est pas dans Dawson's creek. Forgiving commence très fort, pas dans le sens où l'action saisit déjà les personnages, mais dans la force de ces images. Aucune parole, Angel est seul dans l'Hyperion Hotel, le visage fermé. La caméra traîne un instant sur les débris, avant de remonter, et le plan qui suit serre le cur -le lit de Connor, simple. Et vide. Sans un seul mot, par la simple force de la réalisation et du jeu de David (juste comme jamais dans sa douleur, tel la fin de Sleep Tight), la pression est déjà mise sur le spectateur, et la douleur de ce que peut être la perte d'un enfant déjà esquissée.
Une des raisons pour laquelle Angel a pour moi une dimension intéressante -je ne le dirais jamais assez, c'est que l'amour physique n'a pas besoin d'être. Jamais de vraie romance n'a traversé la série, en particulier parce qu'Angel ne peut pas connaître l'amour physique. Et, à un autre niveau, il n'en a pas besoin. Son amour pour Buffy, aussi spirituel et passif, était présent dans les esprits, et suffisait. Angel est donc une série qui a toujours mis en avant une autre sorte d'amour, un amour d'amis. Un groupe soudé, qui passe à travers des épreuves, pas toujours faciles, mais qui ressort toujours uni.
Tout ça pour dire que Connor, d'un point de vue affectif, et emblématique, l'élément le plus important de la vie d'Angel. Connor était tout. Et Connor est parti. La force de l'épisode réside en parti dans ce premier plan, dans sa capacité à transmettre en silence tout ça. Si ces premières secondes n'avaient pas eu cette puissance, le reste de l'épisode ne serait pas aussi bien tenu, n'aurait pas été aussi tendu, et la fin pas aussi marquante. Quant au reste de l'épisode, soit il fait monter la tension, soit il suit le bonhomme de chemin d'un épisode habituel. Mais avec, tout au long, les questions qui subsistent, est ce qu'Angel va réussir à récupérer Connor, jusqu'où est ce qu'il va aller pour obtenir des informations pour y arriver, ainsi que la peur de voir Wesley que personne ne retrouve (j'ai vraiment eu peur pour sa vie, et d'ailleurs c'est toujours le cas). Cet essai n'est pas là pour faire un commentaire de l'épisode, et je préfère donc me cristalliser sur le personnage d'Angel, ses réactions, et celle de Gunn et Fred face aux siennes. Ici, Fred nous prouve qu'elle est quelqu'un d'intelligent et de posé, pas du tout impulsive. D'abord elle refuse de croire que Wesley s'est allié avec Holtz, elle cherche une raison, et essaie de le comprendre. Elle ferait, à vrai dire, probablement un excellent avocat, parce qu'elle est passionnée mais très lucide en même temps. Dans ce sens là, elle attire Gunn, qui pourtant aurait eu tendance, seul, à réagir de façon plus spontanée ; mais son amour et son admiration pour la petite Fred sont plus forts, et la réaction excessive d'Angel l'oblige à aussi à se rendre compte que la violence à tout prix n'est pas la solution. Quant à Angel... ça devient presque difficile d'en parler, au moment où j'écris, alors que la France montre des tendances inquiétantes pour des partis extrémistes violents ou radicaux. Parce que la réaction d'Angel, si on peut la comprendre, est condamnable à tous points de vue. Et c'est rare qu'une attitude aussi négative soit adoptée par le sommet de la pyramide des personnages... on a toujours tendance à se demander si dépeindre tant de violence chez un être auquel les téléspectateurs se sont attachés ne peut pas être, quelque part, dangereux. Là où Whedon, Greenwalt et leur bande sont forts, c'est qu'ils arrivent, sans jamais faire dire à personne "c'est mal", à faire comprendre que la réaction d'Angel n'est pas la bonne. Comment? L'atmosphère joue pour beaucoup. La pitié que l'on développe pour Wesley, qui a essayé de faire ce qu'il pouvait, ce qu'il croyait bien (Fred défend ce discours durant l'épisode), en association avec les réactions plus tempérés de Fred, de Gunn et de Lorne, fait comprendre au téléspectateur que l'attitude qu'Angel adopte pendant une grande partie de l'épisode n'est pas une solution. Et d'ailleurs, on a un soubresaut d'espoir que, la première douleur vive et brûlante passé, Angel va comprendre que Wesley n'y ait pour rien.
Et c'est pour cette raison, par cet espoir que les personnages font tous passer à la quasi-fin de l'épisode, que les dernières secondes ont encore plus d'ampleur et d'horreur. Parce que quelques instants, on a cru qu'Angel allait trouver en lui la force de comprendre. Au début, quand Angel parle seul à Wesley, j'ai réellement supposé qu'il était honnête -et finalement, il l'est, mais ça n'apaise pas sa rage et sa souffrance- et qu'il allait juste s'asseoir à coté de Wesley et se taire, voire enfin fondre en larmes. Puis, quand il a commencé à parler du fait qu'il voulait être sûr que Wesley était conscient qu'il était Angel, et non pas Angelus -j'ai su. J'ai appréhendé, parce que ça ne pouvait rien annoncer de bon. Ce qu'il fait est mal, il le sait (puisqu'il est conscient que ça pourrait être associé à Angelus), et, le pire finalement dans toute cette histoire, il tient à le faire comprendre avant d'essayer d'assassiner Wesley. Il a un geste meurtrier, et il le revendique. Certaines
personnes ont trouvé que ce passage de l'épisode manquait
de cohérence. Parce qu'on sait qu'Angel peut sans problème
tuer un humain rapidement, simplement en lui brisant la nuque ; on
sait que s'il veut prendre le temps, il a assez d'expérience
pour savoir le faire sans déclencher les systèmes d'alarmes
de l'hôpital. Soit c'est simplement peu réfléchi
de la part des auteurs, soit ça pose la question intéressante
de l'état dans lequel est réellement Angel. Conscient
et assez calme pour prendre la peine de préciser qu'il n'est
Angelus, et pourtant assez irréfléchi et affecté pour
essayer de tuer Wesley d'une manière idiote, venant de son
personnage. Mais finalement, je crois que l'important ne se situe
pas vraiment dans la manière dont Angel a tenté d'assassiner
Wesley, dans le fait qu'il l'ait tenté. Dans le fait que lui,
Angel, a voulu tuer de ses propres mains celui qui était son
ami. Derrière ce geste inhumain d'Angel, je crois qu'on peut comprendre, au fond. Angel n'est pas quelqu'un à qui on a beaucoup donné la chance d'aimer... Il a été obligé de quitter Buffy. Le seul autre amour qui ait pu atteindre une telle force pour lui, c'était celui qu'il avait pour Connor. On lui a enlevé, et au fond Lorne a raison, il n'arrive probablement pas non plus à se défaire de l'idée qu'il n'a pas fait le possible pour sauver son fils. Le sentiment de défaite est, chez lui, visiblement un déclencheur de fureur et de bestialité, c'est une idée qui a déjà été développée l'année dernière avec l'histoire de Darla ; Angel avait réellement commencé à perdre pied dans The Trial, quand il a réalisé qu'il ne pourrait pas sauver Darla, et le fait qu'elle soit vampirisé de nouveau n'a fait qu'ajouter à son sentiment d'échec. Ici, c'est un peu similaire. Sauf que Darla était un cas de conscience, et que Connor n'était que du pur amour. En quelque sorte, Angel avait pour la première fois accès à un véritable bonheur sans avoir la menace d'Angelus dans son dos... Et tout ça
lui a été enlevé.
Forgiving et sa fin continue dans ce sens, avec une différence majeure. Que ce soit dans Though Love, Passion, Forever, les personnages ont compris à la fin de l'épisode, même si la douleur est toujours présente, que la vengeance et la violence n'était pas une solution. La situation finale de Forgiving est plus inquiétante, car Angel est loin de l'avoir compris ; pire, il a entendu les discours posés et compréhensifs de Fred et Lorne, il sait que Wesley n'a agit que dans ce qu'il croyait être le bien-être de Connor, et pourtant il a ce geste monstrueux. Vu l'incapacité déjà du L.A. Gang à le raisonner l'année dernière pendant l'histoire avec Darla (et pourtant je crois qu'Angel était moins affectée qu'en ce Forgiving), le futur me paraît bien noir et incertain, voire plein de mauvaises surprises. Je ne suis même pas sûre que le retour (elle va bien revenir un jour, quand même!) de Cordelia va pouvoir arranger les choses et que notre Reine de Mai préférée va arriver à expliquer à Angel que ce n'est pas la solution. Moi qui aime bien Wesley, je me prends à espérer très fort que rien ne va lui arriver, car s'il y en a bien un que je comprends, c'est lui. De nouveau la situation française des derniers jours ressort, avec un Wesley poussée à commettre un acte terrible (enlever Connor) à cause du simple fait qu'il doit éviter un futur encore pire, la mort de Connor par son propre père. En tout cas, c'est ce qu'il croit avec les informations qu'il a... Et évidemment pour le Jossvers, ces informations sont erronées. Wesley, plus que personne, mérite d'avoir le pardon de tout le monde, et ici en particulier celui d'Angel. Mais le chemin sera probablement long et difficile, pour les deux curs brisés et marqués de Wesley et Angel, qui portent tous deux sur leurs épaules la douleur de la disparition de Connor...
Sur cette
dernière phrase, l'occasion est trop belle pour ne pas enchaîner
sur une réflexion sur le pardon dans BtVS, son importance
et les personnages face à cet élément essentiel
des êtes humains. Vous pouvez y accéder en cliquant
ici.
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