Sweet California
Rain
Auteur: Joey
Feedback: Please :)
Archive/ distribution: Buffy &
Angel Rock!
Résumé: Après avoir constaté de quelles
horreurs la firme d'avocat Wolfram & Hart était capable, Lindsey
a décidé de quitter Los Angeles en direction de son Oklahoma
natal. Mais avant de partir, il tient à faire un dernier arrêt
à Caritas, où il va retrouver une fan...
Chronologie: Se passe après l'épisode Dead End (#318
Ats)
Interdiction/classement: PG -13, comme la série
Disclaimer: Tous les personnages appartiennent à Joss Whedon
.
C'est lui Dieu. Oh, et David Greenwalt a aussi son mot à dire ici :)
Couples: En tout cas, pas Buffy/Angel ;)
Dédicace : Pour Sweetie, et nos délires avec Christian!
Note #1:
La chanson que Lindsey chante s'intitule "Sweet Carolina Rain" ;
c'est une vraie chanson, du groupe Kane (dont Christian est le chanteur),
que vous pouvez trouver sur leur album Kane. Pour la télécharger
sous zip, cliquez ici (Vous pouvez télécharger
le programme winzip à www.winzip.com).
Pour plus d'informations, allez sur kanemusic.com
Cordelia quitta l'Hyperion Hotel peu de temps après Angel, qui était
parti avec un écriteau blanc à la main sous prétexte qu'il
avait quelqu'un à voir. Elle n'avait pas vraiment fait attention aux
détails, elle était en train de taper le résumé
du dernier cas pour pouvoir rentrer chez elle... Et elle était bien contente
d'être enfin dehors. Les derniers jours avaient été particulièrement
pénibles pour elle, à cause de cette vision qui ne l'avait pas
quitté avant qu'Angel n'ait réglé le problème. Quel
soulagement ça avait été de voir cette histoire de transplantation
d'organes terminée... Et de plus, Angel semblait avoir la certitude que
Lindsey allait quitter Wolfram & Hart dans les jours à venir, et
même si ça n'allait sûrement pas les débarrasser de
la totalité de la firme, c'était déjà un gros poids
en moins.
Elle entra dans sa voiture en soupirant, déposa ses quelques affaires sur le siège du passager, et mit le contact après avoir ouvert sa fenêtre. La chaleur du printemps californien était maintenant bien installée... Elle démarra et tourna en direction de chez elle, toujours perdue dans ses pensées. Elle ne se sentait pas vraiment fatiguée, maintenant que la vision avait cessé de l'assaillir... Ces visions. Elle étaient tout pour elle, Cordelia le savait bien. Même si elle avait ce casting dans quelques jours pour cette publicité nationale, elle sentait bien qu'elle était très attachée à son rôle à Angel Investigations maintenant. Plus encore, elle se sentait réellement indispensable et utile, et elle aimait ça. C'était pour ça qu'elle n'aurait abandonné ses visions sous aucun prétexte, aussi douloureuses soient elles... N'empêche qu'elle ne comprenait pas pourquoi les visions la faisaient de plus en plus souffrir, et personne ne pouvait vraiment l'aider à comprendre... Elle se reprit alors qu'elle s'arrêtait à un feu rouge. Bien sûr que si, quelqu'un pouvait l'aider! Après tout, elle ne pouvait pas chanter plus mal qu'Angel, et personne ne serait là pour constater de toute façon.
**********
Ce ne fut qu'en arrivant au niveau du carrefour de Caritas qu'une légère vague de nostalgie envahit Lindsey. Le bar-karaoké était le seul endroit de Los Angeles qu'il allait regretter, et dont il garderait quelques souvenirs liés à autre chose qu'à l'argent et sa carrière... Il tourna le regard vers sa guitare, qui occupait le siège du passager. Après tout, qu'est ce qui l'empêchait d'aller se produire une dernière fois? Il s'était senti tellement bien quand il était retourné à Caritas pour la première fois depuis des mois, quelques jours auparavant... Alors en y retournant ce soir, il se ferait plaisir, et The Host pourrait éventuellement lui dire si son futur se présentait bien pour lui, loin de Wolfram & Hart. Sans hésiter, Lindsey tourna vers la petite rue où se situait l'entrée de Caritas, ignorant la quatrième personne qui lui faisait un appel de phare en le doublant.
**********
Le bar résonnait aux notes de la chanson 'Possession' de Sarah McLachlan quand Cordelia entra. Des spots bleus éclairaient la salle, et comme d'habitude, celle-ci était presque remplie, sans être bondée. Cette ambiance un peu chaleureuse avait le don de mettre les gens à l'aise, malgré la présence de nombreuses personnes avec des 'problèmes de peau'. Pourtant la situation semblait un peu étrange à Cordelia, c'était la première fois qu'elle venait là seule. Elle s'empressa de trouver The Host dans la foule de démons, et une fois qu'elle l'eut aperçu derrière le bar en train de servir un grand démon jaune, elle fendit la foule pour s'approcher de lui.
- "Bonsoir Cordelia," sourit The Host sans montrer plus de surprise. "Besoin d'une information?"
- "Je me pose des questions sur mes visions, comment elles évoluent. Je peux chanter?"
- "J'ai quelqu'un qui doit passer tout de suite, mais si tu veux encore monter sur scène après, pas de problème," répondit The Host en se servant un verre d'un alcool inconnu.
- "Pourquoi je ne voudrais plus?" fit Cordelia.
- "Tu es jeune," fit The Host avec un sourire en coin. "Carpe diem."
Cordelia le regarda, perplexe, et finit par hausser les épaules. Il était parfois inutile d'essayer de comprendre les démons, Lorne plus que tous les autres.
- "Je passe juste après, alors."
- "Je te sers un verre de quelque chose? J'espère que tu aimes la tequila."
- "Peu importe," fit Cordelia, qui commençait à être énervée d'avoir l'impression que Lorne essayait de lui dire quelque chose. "Si vous voyez un truc en moi, dites moi quoi, arrêtez de tourner autour du pot. Je suis juste là pour chanter." Voyant que Lorne n'ajoutait rien, elle roula des yeux. "A tout de suite."
Elle s'éloigna du bar sans faire attention à Lorne qui avait souri à nouveau avant de se tourner vers un nouveau client, puis s'installa à une petite table non loin de la scène, seule. Elle écouta quelques secondes le démon chanter les dernières notes de "Possession", puis s'enfonça dans sa chaise en soupirant. La patience n'était pas sa tasse de thé, et le chanteur suivant avait intérêt à être passionnant. Sans Angel sur scène, ou Wesley et Gunn à ses cotés, elle allait bien devoir se résigner à écouter. *Peut-être que j'aurais dû prendre quelque chose à boire finalement...*
Elle se retourna et jeta un coup d'il au bar, où Lorne discutait avec un nouveau démon à cornes. Est ce que ça valait vraiment le coup de retourner là-bas? Elle réfléchit quelques instants, puis décida de rester où elle était. Elle voulait surtout éviter d'avoir à se battre pour récupérer la table où elle s'était installée si jamais un démon venait s'y asseoir entre temps... *Eww,* pensa-t-elle en grimaçant à la simple idée de devoir convaincre une chose gluante avec des yeux rouges qu'elle était installée là avant lui.
Ayant éloigné cette pensée, elle posa son sac à main par terre en soupirant de nouveau, et se mit à tapoter le bout des doigts sur le bord de la table. Elle ressentait le besoin de faire quelque chose, et pesta contre le démon qui l'empêchait de passer sur scène immédiatement. Qu'est ce qu'il faisait, d'ailleurs? Elle releva les yeux sur scène, et s'arrêta même de taper des doigts en voyant celui qui s'avançait sur scène.
Lindsey venait de s'installer sur le tabouret sur scène, et rapprocha le micro de sa bouche. Il lança un regard à The Host par dessus la foule qui emplissait Caritas, et une musique country commença à se faire entendre. Doucement et en rythme, son pied se mit à effleurer le sol.
it gets wetter and when spring rolls along/
it's hotter than hell than when we met last fall/
it gets better and better every time we touch /
a sticky situation we're in/
[traduction]
Devant, Cordelia resta accrochée à la voix de Lindsey sans pouvoir s'en empêcher. Et pourtant, la country était loin d'être son genre de musique. Mais la voix de Lindsey, par dessus toutes les notes, était captivante. Grave, presque rauque par endroit, et terriblement sexy, elle devait se l'avouer. Même les vêtements, beaucoup moins distingués que ceux qu'elle avait vu sur l'avocat, ne réussirent pas à réduire l'engouement de Cordelia.
Elle posa ses coudes sur la table, et les yeux toujours fixés sur la scène, elle appuya sa tête dans ses paumes ouvertes, balançant doucement en cadence avec la musique. Tout à coup, l'impression que la chanson allait être trop longue jusqu'à ce que son tour arrive se dissipa, et elle ne vit jamais The Host s'approcher un peu de la scène et sourire en la voyant si captivée.
we're trapped in the car and it's raining
again/
and girl every time it stops/
lord, i miss it so much/
and i wanna take the top off/
and throw it in the barn, man/
[traduction]
Les quelques quatre minutes de la chanson passèrent en un éclair, les yeux de Lindsey se fermant pour mieux chanter, puis se rouvrant sur le public, sans jamais s'y attarder. Le public ne comptait pas réellement, jamais il ne lui accordait un sourire ; la seule chose qui avait de l'importance, c'était la musique, les cordes de sa guitare et la joie qui lui procurait toujours la sensation de sentir ses cordes vocales vibrer avec celles de son instrument. Il n'était pas là pour une histoire stupide et affreuse de main tueuse, et pour la première fois depuis des mois il se sentit libre. Il était sur scène, il était loin de Wolfram & Hart, bientôt loin de L.A. Jamais il n'aurait cru que cette simple idée lui ferait tant de bien.
braggin'
to your mama's little boy he's a man/
you swear you'll never feel that way again/
no not 'til you're back in that/
sweet carolina rain /
[traduction]
Quand à la fin, il entama le leitmotiv 'sweet carolina rain', il entraîna un murmure collectif dans la salle, alors que tous les spectateurs se mettaient à chantonner l'air de la chanson. Lindsey ne perdit rien de sa concentration, mais s'accorda le premier sourire en coin. Il aimait sentir cette rumeur de fond, cette sensation qu'on lui suivait dans son monde. Finalement il atteint la fin du morceau, laissa un dernière fois glisser sa main le long des cordes, et leva les yeux. Un instant, il plongea son regard dans la masse noire du public, se laissant porter par la vague d'applaudissements, puis se leva pour se diriger vers la sortie de la scène. Il posa sa guitare contre l'estrade, dans l'idée de la récupérer une fois qu'il aurait bu un verre avec The Host. Après tout, rien ne le pressait à quitter Los Angeles, du moment qu'il le faisait cette nuit.
- "Lindsey voyageur, c'était superbe. Tu quittes définitivement la Cité des Anges, alors?"
Il rejoint The Host qui marchait à sa rencontre, prit le verre de Tequila que ce dernier lui tendait, et remonta vers le bar en sa compagnie.
***********
Toujours assise à sa table, Cordelia semblait avoir perdu la notion du temps. Elle regarda Lindsey s'éloigner avec The Host. Comment est ce que ce type pouvait chanter aussi bien et faire de si mauvais choix dans la vie? *Où est ce qu'il a appris à faire vibrer sa voix comme ça, d'ailleurs?* Soudainement obnubilée par le talent du jeune avocat, Cordelia récupéra son sac. Il y avait quelque chose qui l'avait frappé tout à coup. Ce n'était plus cet effet de surprise qui l'avait cloué sur place la première fois qu'elle avait vu Lindsey sur scène. C'était tout à coup un besoin de comprendre, comme si quelque chose était anormal dans la situation. Et à ses yeux, ça l'était! Cet homme, il était... pas ce qu'elle rêvait à une époque, mais il était d'un charme, mieux, d'une beauté indéniable. Une partie d'elle se sentait terriblement attirer par lui, et elle ne comprenait pas comment elle pouvait être attiré par un homme qui avait si peu de principes moraux ; ce n'était pas possible. Elle était Queen C.! Ou alors Lindsey avait un rapport démon, comme Wilson. Il fallait qu'elle sache. Quelque part, elle refusait de croire qu'elle pouvait se sentir attiré par un homme qui était tout bêtement mauvais. Elle quitta sa table et scruta les environs du bar pour trouver la silhouette de Lindsey, mais ne vit que The Host s'approcher d'elle.
- "Sweetie, tu ne voulais pas nous chanter quelque chose?"
- "Je reviens, tout de suite! Le type, là, Lindsey, il est parti où?"
- "Du calme, bella, il est juste dans les coulisses parti récupérer quelque chose," expliqua Lorne en montrant une petite porte près de la scène, son verre toujours à la main.
- "Je peux y entrer? Parce que j'y vais," fit Cordelia en s'éloignant sans attendre de réponse.
- "Je t'en prie," murmura doucement Lorne en la regardant partir, puis il se retourna vers le bar avec un grand sourire. "Qui est le prochain à vouloir savoir qui il est vraiment? Une place vient de se libérer!"
**********
Lindsey avait allumé
une petite ampoule qui pendait au plafond à l'aide d'un simple fil, et
jeta un coup d'il circulaire à la petite remise dans laquelle il
venait d'entrer. Un sourire lui éclaira le visage quand il aperçut
un petit paquet de feuilles blanches griffonnées posées sur une
chaise, et en buvant une gorgée de Tequila, il se pencha pour les attraper,
avant de les feuilleter un peu. Ses partitions... les quelques chansons qu'il
avait écrites pendant ces années à Wolfram & Hart.
Il retrouva le premier jet de 'L.A's girl', quelques griffonages d'une chanson
intitulée 'Spirit boy', tout était là comme il les avait
laissé des mois auparavant. Jamais quand il avait eu la main coupée
il n'avait voulu venir ici et les récupérer. Il n'aurait pas su
dire pourquoi, et il regretta un court instant d'avoir complètement laissé
la musique pendant tant de temps.
Tout à coup, une porte s'ouvrit brusquement derrière lui. Il sursauta
et se retourna, cherchant des yeux la personne qui était entrée.
Cordelia apparut quelques instants plus tard dans l'embrasure de la porte.
- "Ah, vous voilà. Qu'est ce que vous faites dans cet endroit tout sale?"
Lindsey resta un instant muet de surprise, en essayant toutefois de ne pas le montrer. *Règle numéro un, ne jamais laisser paraître ton étonnement. C'est une faiblesse que tes adversaires sauront tourner à leur avantage.* Puis il se reprit, refit un paquet de ses feuilles.
- "Je vous demande pardon?" Comment s'appelait cette jeune femme, déjà? Il était presque certain que c'était la collègue d'Angel, mais il était incapable de remettre le doigt sur son nom exact. C Camilla? Cornelia? Celia?
- "Qu'est ce que c'est que cet endroit?" répéta Cordelia en regardant autour d'elle. La voix de Lindsey était grave et agréable, même s'il ne chantait plus, mais elle ne le remarqua pas vraiment, mise un peu mal à l'aise par la petite pièce sombre.
- "Une remise," fit Lindsey. "Vous êtes?"
- "C'est pas possible une mémoire courte comme ça. Et vous vous souvenez de vos affaires en cours d'un jour à l'autre?" Lindsey crut bon ne pas répondre, et tenta de comprendre pourquoi quelqu'un à la charge d'Angel voudrait le voir. Qu'est ce qu'il avait encore trouvé à lui reprocher? Et d'ailleurs, comment est ce qu'il savait qu'il serait ici? "Bref," reprit-elle. "Je suis Cordelia."
*Cordelia. Mais bien sûr!* Lindsey secoua la tête. C'était stupide de ne pas s'être rappelé d'un nom pareil. *Ce n'est pas comme si ça m'intéressait, remarque,* ajouta-t-il mentalement. Il se serait même plutôt bien passé d'un émissaire d'Angel.
- "Cordelia, c'est ça. Vous souhaitiez me voir?"
- "Je veux vous parler de quelque chose. Vous tenez vraiment à rester dans la poussière?" demanda Cordelia en faisant une grimace.
- "Pourquoi Angel vous a-t-il envoyé ici?"
- "Quoi?" Cordelia fut un instant surprise, mais se remit très vite. "Oh, non, Angel n'a rien à voir là-dedans. On sort, ou vous avez encore des trucs à récupérer?"
- "C'est bon," fit Lindsey, en baissant les yeux sur ces feuilles. Il hésitait quant à l'attitude à avoir face à cette femme qui s'imposait tout à coup à lui sans même qu'il ait donné son avis, puis indiqua la porte d'un mouvement de tête. "Allons-y si vous voulez."
Ils quittèrent les
coulisses, Lindsey derrière Cordelia. Il essayait de mettre de l'ordre
dans ses idées, mais des éléments lui manquaient pour comprendre
ce que Cordelia pouvait lui vouloir. Il espéra juste que ça ne
l'empêcherait pas de quitter la ville durant la nuit, il n'avait pas envie
de rester plus longtemps maintenant qu'il avait chanté une dernière
fois dans ce bar. Caritas, le latin pour amour. Caritas, le seul endroit chaleureux
de la ville froide et dure.
Dans la salle, un jeune homme blond chantait maintenant "Inside" de Moby, et Lindsey posa un instant son regard sur lui avant de s'arrêter. Cordelia s'était stoppée, semblait considérer plusieurs options. Finalement, elle se tourna vers elle, mais mit quelques instants à parler. Sous les lumières bleus du bar, Lindsey lui apparaissait de nouveau charmant, et même séduisant. Elle cligna des yeux.
- "Est ce que c'est mieux de parler ici ou dehors?"
- "Pourquoi pas ici?" fit Lindsey, de plus en plus dérouté par l'air très sérieux que Cordelia avait. "A moins que ce ne soit confidentiel "
- "Oh non, juste personnel." Cordelia repéra une table dans un coin de la salle, assez éloignée de la scène, et s'y assit, invitant Lindsey à faire de même. Derrière le bar, The Host sourit de nouveau en les voyant s'installer.
- "Donc, est ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi vous voulez me parler? Je dois avouer que cela m'échappe un peu," admit Lindsey.
En face, Cordelia hocha la tête doucement. Les grands anneaux à ses oreilles brillèrent un instant , et pour la première fois depuis qu'elle l'avait surprise dans la remise, Lindsey prêta attention à cette femme déterminée à lui parler. Ses cheveux étaient attachés en une demi-queue, et quelques mèches étaient retenues derrière ses oreilles. Elle portait un débardeur rouge qui s'élargissait aux épaules, quelque chose de très simple mais qui lui allait bien. Elle ne portait pas beaucoup de bijou en dehors de ses boucles d'oreilles, juste deux bracelet en argent à son poignet droit, son cou était resté libre de tout ornement, mais Lindsey ne put s'empêcher de penser qu'il préférait ça à ces femmes couvertes de bijoux, ses clientes, qu'il rencontrait dans le cadre de son travail.
- "Hum, je vais être franche. En fait, je suis franche toujours, c'est juste moi. C'est juste, je vous voyais chanter tout à l'heure, et " Quelques secondes passèrent, comme si elle réfléchissait à comment formuler sa question. "Pourquoi est ce que vous avez gâché votre vie?"
- "Je vous demande pardon?" fit Lindsey. Il ne put même pas cacher sa confusion cette fois-ci. Mais sur quelle femme est ce qu'il était tombé? Il avait toujours pensé qu'Angel devait employer des gens étranges, mais là
- "On ne va pas avancer vite si vous continuez à me demander pardon toutes les cinq minutes," remarqua Cordelia en levant les sourcils. "Je vous demande ça en toute honnêteté. Vous êtes un type beau, qui chante à merveille, et vous allez bosser pour une firme qui fait des marchés avec des démons? C'est moi ou vous n'avez pas choisi la bonne vocation?"
Les yeux bleus de Lindsey se posèrent sur Cordelia et fixèrent un instant le regard déterminé de la jeune femme. Il vit qu'elle était honnête, et choisit de prendre ce parti là. Après tout, il n'allait quand même pas se laisser marcher sur les pieds sans répondre, surtout pas lui.
- "Faire de la chanson n'a jamais été mon but dans la vie, et j'ai toujours travaillé très dur pour être avocat. C'est ce que je voulais faire, je ne vois pas où je me suis trompé."
- "Wolfram & Hart?" proposa Cordelia en soulevant un sourcil. Elle voulait qu'il s'explique, elle voulait comprendre. Et entendre sa voix n'avait rien de désagréable, non plus.
- "Qu'est ce que vous essayez de faire? De me psychanalyser? Je l'ai déjà dit à Angel. Si c'est un 'merci de m'avoir montré la lumière' que vous attendez, je ne le dirais pas."
- "Vous allez arrêter de tout ramener à Angel, oui? Ça n'a rien à voir avec lui, je suis venue vous parler de mon propre gré. Bon, je recommence. Comment est ce que vous avez pu en arriver aussi bas? "
Le visage de Lindsey se durcit. Il n'avait pas envie de parler de Wolfram & Hart, il aurait voulu tirer un trait là-dessus et repartir à zéro, pouvoir simplement parler avec cette femme et rire avec elle sans que sans cesse son passé revienne. On ne pouvait pas le laisser tranquille?
- "Ecoutez, les choix de ma vie ne regardent que moi. Cela dit, puisque vous avez l'air d'y tenir, je vais vous dire quelque chose. Wolfram & Hart m'a tout donné, autant l'expérience que le pouvoir, et m'a permis de réussir ma vie autant que je pouvais l'espérer. Et je le méritais. Tout le monde ne se fait pas remarquer par la firme à Hastings."
Cordelia avait écouté, partagée entre l'agacement de l'entendre parler comme ça et de le voir la prendre avec tant de froideur, et le fascination que la voix de Lindsey exerçait sur elle. Elle ne supportait pas cet homme, presque désagréable avec elle et pourtant terriblement séduisant et doué d'un talent certain pour la musique. Elle ne pouvait s'empêcher de se sentir attirer par lui, c'était cette attirance qu'elle essayait de justifier. Tout à coup elle jouait les héros, elle voulait réussir à faire passer Lindsey du coté des gentils? Ca n'avait pas de sens. Pas si on ignorait la partie cachée de l'iceberg en tout cas, c'est à dire les sentiments de Cordelia. Vouloir disculper son attraction pour quelqu'un en se persuadant qu'on se battait pour la bonne cause, est ce que ça rendait la bataille moins admirable?
- "Vous n'êtes pas obligé de me parler sur ce ton, vous savez. Et ensuite, je ne voudrais surtout pas briser un de vos rêves, mais réussir votre vie? Vous avez fait gagné des procès à des gens plus corrompus et malfaisants les uns que les autres, vous vous êtes fait coupé la main et celle qui la remplace vient d'un pauvre type qui n'avait rien fait de mal. Sur quelle planète est ce que ça s'appelle réussir sa vie?"
Lindsey serra un instant les dents. Il détestait cette façon que Cordelia avait de mettre le doigt sur ce qu'il voulait oublier, mais sous aucun prétexte il ne lui aurait laissé gagner un point en abandonnant ou en lui donnant raison.
- "Nous n'avons pas les mêmes valeurs, mademoiselle," répondit-il froidement.
- "Je suis en train de remarquer, oui," fit Cordelia sans se laisser déstabilisée et en roulant des yeux. "Honnêtement, il n'y a vraiment que l'argent qui vous intéresse?"
- "Seul le pouvoir permet de réussir dans ce monde. Je ne serais pas étonné de voir vos illusions sur la générosité et le bienfait de sauver des âmes en détresse se briser en morceaux quand vous vous rendrez compte que cela ne vous a rien apporté. J'ai peut-être travaillé avec des clients discutables, mais j'ai le pouvoir aujourd'hui."
- "Donc ce n'est pas seulement ce qu'Angel disait, alors? Vous êtes réellement un type détestable."
- "Je ne supporterai pas un instant de plus cette conversation," répliqua Lindsey d'une voix glaciale. Il se leva, prit ses feuillets, et un instant Cordelia et lui s'affrontèrent du regard. Puis il fit un signe de tête. "Au revoir, mademoiselle."
Il s'éloigna vivement en direction de la scène. Il n'allait quand même pas laisser cette gamine lui marcher sur les pieds et lui dire ce qu'il aurait du faire, quand même? L'image persistante du corps du propriétaire de sa main dans ce bloc réfrigérant le faisait bien assez. Énervé contre Cordelia et contre lui-même, il se dirigea droit sur sa guitare, la saisit et partit vers la sortie.
- "Tu retournes déjà à ton désert?" demanda la voix de Lorne dans son dos.
Il fit un demi-tour pour faire face au démon, et hocha la tête.
- "Oui. Je m'en vais. Au revoir, et merci pour le karaoké."
- "Ça a toujours été un plaisir de t'avoir ici, chico. A un jour, sûrement," fit The Host. Il leva son verre pour saluer le jeune avocat, qui sourit avant de repartir vers la sortie, sans jeter un coup d'il à la table où Cordelia était toujours assise.
Celle-ci avait regardé Lindsey se déplacer à travers la salle, sidérée. Elle ne comprenait pas la façon dont il raisonnait, dont il marchait. Il était peu impressionnant, physiquement parlant, mais il avait cette assurance et cette froideur... Il était intelligent. Ça se voyait. Pourquoi est ce qu'il n'arrivait pas à s'avouer que travailler à Wolfram & Hart était une erreur grosse comme lui? Partagée entre le désir de laisser tomber, et ce besoin de savoir, de pouvoir comprendre, Cordelia finit par saisir son sac et se lancer hors du karaoké bar.
Dehors, la nuit était sombre. Aucune étoile n'éclairait le ciel, et une atmosphère lourde régnait sur la ville, annonçant un orage imminent comme le Sud des États-Unis était capable d'en produire après une journée plus belle que jamais. Cordelia ne s'attarda même pas à la chaleur qui pesait, et elle tourna sur elle-même pour essayer de repérer Lindsey. Pourquoi est ce qu'elle n'avait juste pas tourner les talons comme avec n'importe quoi? Pourquoi est ce que pour la première fois elle se sentait vraiment séduite par un homme et que cet homme était pourri, le pire ennemi d'Angel? Les PTB faisaient vraiment mal les choses...!
Elle finit par le voir qui s'éloignait à grands pas décidés, la guitare à la main, et s'élança à sa poursuite. Il se retourna en entendant le bruit des talons qui claquaient contre le trottoir dur dans le silence de la nuit, et son visage se ferma en voyant Cordelia.
- "Qu'est ce que vous me voulez encore? Je n'ai pas de temps à perdre ce soir."
- "Écoutez, cette histoire est stupide, d'accord?" déclara-t-elle en se postant devant lui. "Je veux juste comprendre." Il se retourna, reprit son chemin vers sa voiture, mais elle n'abandonna pas. "Soyez coopératif, un peu! Expliquez moi. Vous êtes avocat, vous devriez pouvoir argumenter, non?"
Lindsey fronça les sourcils sans entendre la fin de la phrase. Quelqu'un avait touché à son 4x4, il en était certain. Il y avait quelque chose de blanc à l'arrière, ce n'était pas normal. Il accéléra et s'approcha de cette tache blanche étrange, Cordelia sur ses talons. Son expression d'inquiétude se transforma en incrédulité quand il constata ce qui disait l'écriteau accroché à l'arrière. "Cops suck".
- "Qu'est ce que c'est que ce truc?" fit Cordelia en constatant la présence du panneau. "C'est parce que vous êtes avocat? Vous voulez vous prouver que vous pourriez vous défendre si on vous attaquait pour insulte à force de l'ordre?"
- "Je ne comprends pas," fit Lindsey en oubliant un instant à qui il parlait. "Je n'avais pas ça quand j'ai sorti ma voiture du garage... Quelqu'un me l'a peut-être mis pendant que j'étais à Caritas..." Lindsey réfléchit pour essayer de comprendre, et se rappela quelques personnes qui lui avaient fait des appels de phares alors qu'il roulait vers Caritas. "A moins que... Angel?" Lindsey réalisait bien que c'était complètement stupide, mais c'était la seule personne qu'il avait vu près de sa voiture.
- "Angel?" s'étonna Cordelia. "Non, il a deux cents quarante ans, il ne ferait pas quelque chose d'aussi gamin... ou alors c'était pour ça qu'il cherchait un carton tout à l'heure?"
Lindsey n'avait même pas eu besoin de la dernière réplique de Cordelia pour se convaincre que c'était Angel qui s'était encore amusé avec lui. Il arracha violemment le panneau, et le déchira en deux. Et il avait cru qu'Angel était sincère!! Quel imbécile il faisait encore. Pris d'une envie de torturer lentement Angel, il tenta de déchirer une nouvelle fois le carton mais l'épaisseur était trop grande et il n'y arriva pas. Rageur, il se jeta les papiers dans l'arrière du 4x4, et se retourna vers Cordelia.
- "Vous lui direz de ma part que je suis particulièrement touché par tant de bêtise. C'est minable," fit-il froidement.
- "Je dois avouer que je suis plutôt de votre côté," fit Cordelia en levant les sourcils, et en examinant un instant la voiture mal peinte. "C'est d'un immature, venant d'un type qui a lâché l'amour de sa vie parce que c'était le plus sensé!" Elle se tut un instant alors que Lindsey considérait les cartons déchirés dans son coffre avec haine. "Dites, vous n'avez jamais pensé à acheter une voiture... comment dire? Plus... raffinée que ce vieux truc?"
- "C'est mon camion," répondit Lindsey sans quitter le coffre des yeux.
- "Je ne conteste pas ça," fit Cordelia en faisant un signe de stop avec sa main. "C'est juste... je me serais plutôt attendue à vous voir au volant d'une BMW. Cela dit, je ne pensais pas non plus que les vieux T-shirts usés étaient votre style," remarqua-t-elle en jetant un coup d'il au tissu blanc abîmé qui dépassait en dessous de la veste que Lindsey portait.
- "Je ne suis pas avocat en permanence." Toujours sans regarder Cordelia, il leva les yeux au ciel, regarda les nuages qui s'accumulaient, puis prit les clés de la voiture dans sa poche pour déposer la guitare sur le siège du passager. Sa voix était plus fatiguée qu'énervée.
- "Oh, je sais. Mais... l'autre jour, quand on vous a vu à Caritas, vous étiez... je veux dire, je m'y connais, votre chemise ne venait pas des soldes de Wal-Mart."
- "Je ne pensais pas chanter ce soir, je comptais juste rentrer chez moi." Sa rage contre Angel commençait à se transformer en lassitude.
- "Oh." Cordelia l'observa déposer avec délicatesse l'instrument dans la voiture, avant qu'il ne referme la portière et se tourne vers elle.
- "Vous êtes toujours là?" fit-il en se retournant et en constatant qu'elle n'avait pas bougé.
- "Je n'ai pas vraiment eu ce que je voulais," répondit-elle posément.
- "Et ce que vous voulez, c'est...?" fit Lindsey en soupirant.
Il se sentait fatigué de la ville, d'Angel, de Wolfram & Hart. Il voulait juste retrouver l'état dans lequel il avait quitté son appartement, et dont il était arrivé à Caritas. Nostalgique de son Oklahoma natal, et heureux à l'idée de le retrouver. Qu'on en finisse avec Cordelia, qu'il puisse partir, retrouver les grandes routes de la Californie et chanter sur les vieux airs de country.
- "Savoir pourquoi vous êtes arrivés à Wolfram & Hart."
- "Votre curiosité s'arrête à un moment ou pas?"
- "Je veux juste savoir."
- "Et moi je ne veux pas en parler, cela ne vous concerne pas."
- "Si, je voudrais éviter de faire la même erreur," fit Cordelia avec un grand sourire., et Lindsey réprima un sourire devant l'air de la jeune femme.
Cette histoire de panneau, c'était tellement frustrant, tellement stupide, tellement énervante que son sourire était nerveux. Si tout continuait comme ça, il allait faire une crise de nerf avant même d'avoir revu sa famille.
- "Et si je refuse de vous répondre?"
- "Je vous empêche de partir," déclara Cordelia, en s'avançant pour se mettre entre Lindsey et la portière du camion. Elle croisa les bras et le regard avec un regard déterminé, mais sans aucune méchanceté.
- "Rien ne vous arrête, alors," constata Lindsey en se permettant un sourire, cette fois. Ce n'était même plus un tic nerveux. La jeune femme avait quand même quelque chose d'amusant et de plaisant. L'effet de la franchise et de la beauté mêlées, peut-être?
- "Même pas l'idée que travailler avec un vampire avec une âme ne me donnera rien de plus dans une audition. C'est dire." Lindsey sourit de nouveau, et elle ne put s'empêcher de penser qu'il gagnait un réel charme à ne pas rester le visage fermé. "Alors, vous me racontez?"
- "En fait, je..."
Il leva tout à coup les yeux en sentant des premières gouttes atteindre son visage. Cordelia l'imita et réalisa avec surprise que le ciel était noir de nuages très bas. Elle n'eut pas le temps de faire une remarque que la pluie commençait brutalement à tomber, drue et vigoureuse. Hésitant un instant à profiter de l'occasion pour monter dans sa voiture et partir, Lindsey finit par indiquer à Cordelia de le suivre.
- "Venez, allons nous mettre à l'abri."
Il traversa la rue, ouvrit une porte non verrouillée, et Cordelia le suivit. Ils entrèrent à l'intérieur, le bruit de la pluie dehors résonnait dans la petite pièce. Lindsey alluma la lumière, révélant une salle meublée modestement, avec une chaise, une petite table sur laquelle jonchaient des documents, et un canapé d'un goût étrange, rouge avec des coussins jaunes vifs. Seule une partition encadrée et signée ornait les murs, et un poste radio triomphait dans un coin de la pièce, aux cotés d'un petit frigo. Cordelia jeta un regard surpris autour d'elle, puis regarda Lindsey à la recherche d'une explication. Il venait d'enlever sa veste, révélant une chemise en jean dessous, et se passa une main dans ses cheveux déjà mouillés, ce qui les mit en bataille plus qu'autre chose. Cordelia retint un rire amusé devant cette vision de Lindsey décoiffé et habillé si simplement, et pourtant toujours doté de ce charme irrésistible.
- "Où est ce qu'on est?" demanda-t-elle.
- "Chez The Host," fit simplement Lindsey, en posant sa veste sur le dos de la chaise. Il leva les yeux, vit que Cordelia attendait plus. "C'est ici qu'il est installé. Là," fit-il en indiquant une porte, "cela mène au karaoké et à la chambre."
- "C'est..."
- "Un peu spécial, surtout le canapé," finit Lindsey. "Je sais."
- "Comment est ce que vous connaissez cet endroit?"
- "Longue histoire, mais je connais plutôt bien The Host." Il s'assit sur la chaise, jeta un coup d'il au frigo, puis reposa le regard sur Cordelia. La pluie avait commencé à mouiller son débardeur, qui lui collait à la peau, mais elle n'avait rien perdu en assurance. "Je me répéterais si je disais que ça ne vous regarde pas, n'est ce pas?"
- "Et ce serait inutile, de toute façon," confirma-t-elle avec un sourire. "Alors, vous me racontez?"
Elle s'assit dans le canapé, et lui lança un regard l'incitant à commencer.
- "Comment j'en suis arrivé à travailler à Wolfram & Hart?" Lindsey se passa une main sur le visage. "J'avais vingt et un ans, j'avais réussi à entrer à Hastings, un exploit si on considère ma situation sociale passée. Bref, tous les ans la firme envoie des émissaires pour repérer les avocats du futur. C'est là que j'ai été abordé par Holland Manners. Il m'a pris sous son aile et j'ai commencé ma carrière dans la firme. Vous n'avez aucune idée de la réussite que ça a représenté pour moi de gagner ma première plaidoirie."
- "Vous me prenez vraiment pour une imbécile?"
- "Non, du tout. Mais... nous n'avons pas exactement commencé la vie avec les mêmes chances de réussite."
- "Comment est ce que vous pouvez le savoir?"
- "J'ai vécu mon enfance, et j'ai lu votre dossier."
- "Vous avez un dossier sur moi?"
- "Dans les archives de la firme, bien sûr. Mais je ne l'ai lu qu'une fois, je n'ai retenu que la position sociale de vos parents. Je ne comprenais pas comment vous aviez pu gâcher votre chance comme ça, ça me paraissait aberrant."
- "Je n'ai pas vraiment eu le choix."
- "Je sais bien, c'est juste l'impression générale." Il se leva, et alla ouvrir le frigo. Il en sortit deux verres et une bouteille de tequila (Cordelia ne pensa même pas à demander ce que les verres faisaient dans le frigo), qu'il proposa à Cordelia. "Vous en voulez un verre? Elle est très bonne."
- "Et vous vous permettez de...?" fit Cordelia en acceptant le verre.
- "J'en repayerais une s'il le faut... Je ne m'inquiète pas pour les stocks de The Host," fit Lindsey en servant la boisson. Il but une gorgée, imité par Cordelia, qui gardait un oeil sur lui.
- "Je comprends pourquoi vous avez commencé par Wolfram & Hart," reprit-elle finalement. "Mais pourquoi y être resté? Je veux dire, quand vous avez découvert le genre d'affaires qu'ils menaient?"
- "L'argent. Le pouvoir. J'étais avocat, je faisais ce que je voulais, en gagnant mieux que beaucoup d'autres. Une situation parfaite, si on oublie que tout le monde essaye en permanence de se donner des coups de couteau dans le dos et la façon très particulière de la firme de traiter ceux qui envisagent de trouver un contrat ailleurs."
- "Ça ne vous a jamais gêné d'aider des démons? Des gens qui avaient tort, qui avaient fait des choses affreuses?" persista Cordelia. Il allait bien finir par dire que si, il regrettait, non? C'était ce qui devait arriver, parce que... Cordelia ne pouvait vraiment pas se résoudre à l'idée qu'elle était charmée par une sorte d'humain sans coeur, une sorte de monstre, comme Buffy avait régulièrement l'habitude de le faire. Non, la Reine de Mai de Sunnydale devait forcément avoir de meilleure goût que la Tueuse pleurnicharde...!
- "Pas plus que ça. A part les démons, c'est le quotidien de beaucoup d'avocats, vous savez. L'argent et la puissance valaient bien plus pour moi que la vie d'un quelconque citoyen," répondit Lindsey sans saisir que ce n'était pas la réponse que Cordelia attendait.
- "Je peux comprendre," avoua Cordelia en se remémorant ses années lycées, oubliant d'être frustrée que le jeune avocat n'est pas montré de remords. "Mais ce n'est plus ce qui vous intéresse maintenant?"
- "Oh, si. Je ne vois pas beaucoup d'autre intérêt dans la vie que celui d'avoir un peu de puissance pour avoir un peu de liberté. Mais... pas ici. J'ai besoin de retourner chez moi, de retrouver mes racines. Ma maison est là-bas."
- "Où ça?"
- "L'Oklahoma," répondit Lindsey d'un voix évasive, alors qu'il buvait une nouvelle gorgée d'alcool.
- "Oh, je comprends mieux les habits."
Lindsey rit un instant, mais le rire sonnait faux.
- "Je ne sais pas si je devrais prendre ça comme une insulte, je préfère le laisser passer. Finalement, j'aime bien ces vêtements," répondit-il en baissant le regard sur lui-même. "Non pas que j'aie décidé d'abandonner mes Ralph Lauren, mais pour quelques jours j'ai besoin de T-shirts sales. C'est une bonne thérapie pour se décontracter."
- "Et ça fait longtemps que vous chantez?"
- "C'était ma seule raison de vivre, ado. Je travaillais pour pouvoir quitter la misère, et je jouais de la musique. C'était tout ma vie."
- "Toute votre vie?? D'habitude, le lycée, c'est plutôt..."
- "Les ragots, les trahisons et les petites copines? Oui, pour quelqu'un comme vous, j'imagine. J'étais trop préoccupé de savoir si j'allais manger pour accorder une quelconque importance aux autres. Être individualiste ne m'a jamais apporté que des avantages."
- "Le beau garçon solitaire qui joue de la guitare. Vous frôlez le stéréotype, des fois. Quoique, la fille riche et belle qui jettent tous ceux dont elle se lasse n'est pas vraiment mieux," nota Cordelia, presque pour elle-même.
Lindsey semblait rêver un peu, et à la lumière de la pièce, elle le trouva encore plus beau qu'avant. *Qu'est ce que tu racontes? Peu importe ce qu'il dit, ce type reste fondamentalement mauvais.*
- "C'est vous qui l'avez dit," finit-il par remarquer.
- "Vous voulez que je vous dise?" Cordelia s'était levé tout à coup et Lindsey leva un regard étonné sur elle, arraché à ses pensées de soleil et de sable. Elle posa son verre vide sur la table, et s'approcha de lui. "Vous restez un imbécile. Vous avez tout pour réussir, vous êtes beau, vous avez une voix à faire pâlir d'envie Brian Adams, vous êtes intelligent, et vous n'avez pas été capable de partir plus tôt."
- "Je vous ai déjà dit. Le pouvoir. J'ai un pouvoir de décision extraordinaire, et j'ai accumulé une somme que vous n'oseriez même pas rêver."
- "Magnifique! Et vous êtes là, à quoi? 30 ans? A boire une tequila dans le salon d'un démon à peau verte et à parler à la collègue de votre plus grand ennemi, avant de repartir retrouver vos racines, le genre de voyage que les jeunes de 20 ans ou les vieux de 70 ans font. Sans compter que socialement, vous avez juste gagné le droit de rendre jaloux tout le monde sans que personne ne tienne réellement à vous."
- "Pourquoi m'attaquer comme ça?" demanda Lindsey, avec un regard honnête et au fond duquel brillait un lueur d'amertume. La seule personne dont il avait eu envie... elle n'avait toujours été que tournée vers Angel. A vous désespérer de la vie.
- "Parce que j'avais envie de vous le dire. Je trouve que c'est vraiment stupide de gâcher un potentiel comme le votre." Lindsey hocha vaguement la tête, l'esprit soudain assaillie de souvenirs de Darla. "Je ne voulais pas vous déprimer non plus," ajouta Cordelia. "Je dois avouer que je vous préfère souriant."
Sans réellement écouter, Lindsey se servit un nouveau verre de tequila, puis se leva pour aller remettre la bouteille au frigo. Il retourna, et vit que Cordelia l'observait, toujours debout près de la table. Malgré les images qui le hantaient, il devait avouer qu'elle était très belle. Et elle avait une présence qu'il ne souvenait avoir trouvé que chez Lilah. Il éloigna son ancienne collègue de ses pensées, et se prit soudain à vouloir en savoir plus sur Cordelia. Les trois verres de tequila commençaient à lui faire oublier qu'elle était amie avec Angel.
- "Et vous alors? Qu'est ce qui vous a amené à Los Angeles? Vous n'êtes pas venue de votre plein gré ici, si?" interrogea-t-il alors qu'il s'avançait vers elle.
- "Si, bien sûr. Je vais faire carrière à Hollywood."
- "Oh. J'aime les personnes qui ont de grands objectifs S'ils ne coïncident pas avec les miens," ajouta-t-il en repensant à Lilah. "Je penserai à vous si je vous vois sur une affiche un jour."
- "J'imagine que je suis touchée." Cordelia le suivit du regard alors qu'il allait s'asseoir dans le canapé, et s'installa à coté de lui. "Qu'est ce que vous allez retrouver dans l'Oklahoma?"
- "Une partie de ma famille. Les chevaux, la poussière. Les grandes routes droites, le soleil écrasant."
- "Et ça vous manque?"
- "Pas exactement. Mais je sais que ça me fera du bien," sourit-il. "Il y a tellement de choses que j'ai oublié. Ca doit faire quatre ans que je n'ai pas vu un seul cheval."
- "Ce n'est pas comme si c'était une grande perte," nota Cordelia, qui n'avait jamais songé aux chevaux que comme des preuves de richesse mais qu'on regardait de loin -qui aurait voulu toucher ces bêtes pleine de poussière? "Comment s'appelle la ville? Je veux dire, l'endroit où vous habitez. Le bled, peut-être?"
- "Le bled, oui," murmura Lindsey en laissant son regard glisser sur le corps de Cordelia. Il rit un peu, ce qui sembla la surprendre. "Ca s'appelle Cardmell, mais ça ne vous donne rien du tout. Même certains habitants de la région ne connaissent pas, c'est vous dire. Je ne sais même pas trop pourquoi j'y retourne... Ce sont mes racines, mon enfance. Peut-être que j'ai besoin de gagner contre la pauvreté la bataille que j'avais perdu quand j'étais enfant. "
- "Vous êtes quelqu'un d'un peu contradictoire, des fois. Je vous avoue qu'associer les images de vous au bureau et vous chassant le bison me laisse perplexe."
- "J'imagine," fit Lindsey avec un sourire. Cordelia y répondit par un autre sourire, de plus en plus troublée. "La dualité de l'homme, c'est l'origine de tout. Après tout, je reste un homme."
Le silence s'établit dans la pièce, seulement perturbé par le son de la pluie dehors. Ils se regardèrent quelques instants sans rien dire, puis Lindsey le premier fit un mouvement pour se pencher vers elle. Cordelia n'attendit pas que les lèvres de Lindsey atteignent les siennes. Elle se pencha à son tour, et prit son visage entre ses mains alors qu'elle se rapprochait de lui. Le baiser fut long et langoureux, envahissant les deux partis d'une chaleur qu'ils avaient oublié. Puis tout à coup Cordelia se recula, comme si deux neurones s'étaient enfin branchés et qu'elle avait brusquement réalisé ce qui venait de se passer.
- "Je... Qu'est ce qu'on est en train de faire?" demanda-t-elle doucement en regardant les yeux bleus de Lindsey qui brillait à la lumière de l'ampoule.
- "Je suis désolé." Il se recula de quelques centimètres, et détourna le regard pour le poser sur sa veste qui reposait toujours sur la chaise. "Je n'aurais pas dû "
- "Eh! Vous n'allez pas lâcher le morceau juste parce que je dis ça?!! Je finis par me demander si vous êtes vraiment un bon avocat. Et n'allez pas non plus vous excuser. Pas de ça!" s'exclama Cordelia.
Lindsey tourna de nouveau la tête vers Cordelia, surpris. Elle leva une nouvelle fois les sourcils en signe d'encouragement, et il ne put retenir un sourire. L'instant d'après, elle l'embrassait de nouveau. Quelque part, elle savait toujours que c'était mal, que c'était presque humiliant, mais Lindsey la fascinait. Il la fascinait à cause de sa voix, à cause de ses yeux durs et délicats, à cause de son âme souillée et complexe, à cause de cette humanité et de cette nostalgie qu'il dégageait ce soir là... Il la fascinait tellement.
Ca faisait des mois maintenant. Tellement qu'elle avait arrêté de compter, pour éviter de déprimer. Des mois qu'elle n'était pas sortie avec un homme, des mois depuis cette première fois qui lui avait valu de se retrouver enceinte jusqu'aux dents le lendemain matin. Des mois en tout cas, tellement longtemps qu'elle avait perdu toutes ces sensations, que celles-ci n'avaient plus été que des souvenirs. La passion, la chaleur de l'autre peau contre la votre. La douceur des lèvres qui vous glissent sur la peau. Pouvoir glisser une main dans ses cheveux et enrouler une mèche autour de ses doigts. Faire descendre sa main le long du T-shirt et éviter délibérément d'aller plus loin. Sentir la tension monter, la recevoir et profiter de chaque instant.
Quelque chose bouillonait dans le cerveau de Lindsey. Il avait répondu au baiser de Cordelia avec un automatisme qu'il ne se connaissait pas ; qui était-elle pour qu'il soit là à l'embrasser alors qu'ils venaient tout juste de commencer à parler, et alors qu'il lui avait fallu des mois -et une incitation orale- pour embrasser Darla? Peut-être qu'il répondait à ce baiser parce qu'il était agréablement surpris par l'audace de Cordelia. Peut-être que c'était la fatigue, mélangée à l'alcool, peut-être que c'était juste que Cordelia avait fait le premier pas et que tout à coup il ne semblait pas trouver de raison de reculer.
Il passa une main sous le débardeur de la jeune femme, et laissa ses mains effleurer le dos satiné de Cordelia. Depuis quand est ce qu'il n'avait pas été aussi hardi avec un femme? En même temps, tous les rapprochements entre Cordelia et Angel avaient été noyés dans un coin de son cerveau, l'alcool aidant sûrement, et il ne sentait plus en face de lui qu'une jeune femme dont il avait tout à coup très envie. Il n'était pas sûr de savoir pourquoi, elle était belle bien sûr, mais pourquoi ressentait-il ce besoin subit de se prouver séduisant, spontané, téméraire peut-être? De toute façon, il était loin de se sentir prêt à s'auto-analyser. Carpe diem, non? Il déboutonna sa chemise, et Cordelia lui fit aussitôt enlever son T-shirt, plus vite qu'il ne s'y attendait, révélant sa poitrine parfaite.
Un instant le silence s'établit entre eux deux, Cordelia voulait dire quelque chose mais elle ne trouvait rien, ce qui frôlait le miracle... Il était beau. Quelque part, ça pouvait bien compenser pour son manque de volonté à ne pas vouloir être pardonné, non? Elle n'était quand même pas sûre qu'elle pouvait se permettre... Toutes ces pensées lui traversaient très vite l'esprit ; en même temps, elle sentait une vague de chaleur en elle, un besoin terrible de retrouver les lèvres de Lindsey contre les siennes. C'était comme avec Wilson, mais... en moins effrayant, quelque part. Il n'y avait vraiment que ce soudain besoin d'être contre lui, de caresser ce torse. C'était assez inexplicable, surtout pour Cordelia qui s'était faite elle-même souvent la promesse de ne se retrouver au lit qu'avec des hommes beaux, riches... est ce que "qui fait le bien" avait jamais été sur sa liste? Elle était certaine qu'elle ne voulait pas de monstre, mais... Tout se mélangeait à présent, quelques secondes seulement s'étaient écoulées depuis qu'ils s'étaient séparés, et Cordelia continuait de sentir cette sorte de précipitation qui avait envahit coeur et corps. Ca ne lui ressemblait pas, pas vraiment. Mais elle sourit à Lindsey et cette fois ils se penchèrent tous les deux l'un vers l'autre pour retrouver la chaleur des chairs.
Lindsey se sentait bien tout à coup, sans problème. Une sensation qu'il n'avait d'habitude que lorsqu'il faisait vibrer sa guitare -c'était étrange. Mieux encore, il se sentait une force, une assurance qu'il avait longtemps oublié. Ils s'allongèrent sur le petit sofa après que Lindsey ait délicatement passé le haut de Cordelia par dessus sa tête, et dégraphé son soutien-gorge. La pluie dehors tombait toujours, rappelant à Lindsey l'ambiance de son sud, ses premières filles. Il embrassa Cordelia, avec douceur et passion, et finit d'abandonner toute pensée construite en sentant les jambes de Cordelia entourer ses hanches.
***********
Il renfila rapidement son T-shirt, et hésita un instant, les yeux sur la porte. Puis il alla jusqu'à elle, l'ouvrit et sortit dans la chaleur californienne. Cordelia, qui venait tout juste de remettre son débardeur, le regarda sortir, voulut le suivre, puis préféra se rallonger un instant en fermant les yeux, savourant les dernières sensations de l'amour avec un sourire satisfait.
[pour le passage qui suit, si vous possédez l'album Kane, il est vivement recommendé de mettre en mode repeat 'Sweet Carolina Rain' et éventuellement 'Crazy In Love' ; si vous ne le possédez pas, vous pouvez télécharger la chanson ici]
Dehors, des cordes pleuvaient toujours, et Lindsey hésita un instant sous le porche, écouta les grosses gouttes s'écraser sur le sol ou sur les carrosseries des voitures. Puis il sourit et rit seul dans l'obscurité de la rue et de la nuit, et s'avança dans la pluie. L'eau l'imprégna aussitôt, et il leva les yeux au ciel, de nouveau envahi par les souvenirs -mais ceux de son enfance, cette fois. Depuis quand est ce qu'il ne s'était pas permis de sortir sous la pluie et de laisser l'eau le tremper? Immobile sous cette douche naturelle, il sentit la musique s'insinuer dans son esprit. *There's singing in my head/Am I crazy?/ Yes I am* [traduction]
Cordelia venait de sortir à son tour quand Lindsey commença à fredonner la chanson qu'il avait chanté plus tôt à Caritas, et elle retint un éclat de rire à la vue de Lindsey ruisselant au milieu de la route. Il se retourna quand il l'entendit, et lui sourit.
- "Allez, viens,"
lança-t-il. "Ca fait du bien."
Un instant indécise,
Cordelia finit par s'avancer prudemment dehors sous la pluie, et rejoignit Lindsey
qui avait recommencé à fredonner avec un sourire en coin. Son
regard était plus rieur qu'avant, et pourtant sembalit fuir des fois.
Il dansait dans un autre monde.
- "Oh, chante, s'il
te plaît," le supplia Cordelia en riant et en remettant ses mèches
derrière ses oreilles. "La chanson de Caritas!"
- "It gets wetter and
when spring rolls along / it's hotter than hell than when we met last fall /
it gets better and better every time we touch / a sticky situation we're in
/ we're trapped in the car and it's raining again," se mit à chanter
Lindsey en rythme et en musique. Il riait tout en chantant, avalant de l'eau
qui tombait du ciel, comme si la pluie l'avait rendu extatique. Cordelia était
aux anges devant lui, elle avait même oublié qu'elle était
en train de se faire tremper en plein Los Angeles. "And girl every time
it stops / lord, i miss it so much," continuait Lindsey. "And i wanna
take the top off / and throw it in the barn, man."
[traduction]
A ces mots, pris d'un accès
d'énergie et d'enthousiasme, il retira brusquement son T-shirt et le
lança à l'arrière de son camion à quelques mètres
de là. Cordelia éclata de nouveau de rire tandis qu'il était
pris d'un fou rire lui aussi, mouillé et torse nu sous le ciel orageux,
sans savoir ce qui lui prenait exactement. Plein d'une audace nouvelle, il s'avança
jusqu'à Cordelia en reprenant son sérieux.
- "Get my guit / pick her out the trunk / and get pickin' boy just to bring me some luck / and i will sweep her off her feet like the southern wind." A ces mots, il entoura Cordelia de ses bras et l'embrassa, la serrant contre lui, les corps trempés rapprochés de nouveau entre rire et passion.
[vous
pouvez arrêter la musique ;)]
**********
Au bout de dix minutes,
l'averse cessa enfin, laissant un Lindsey et une Cordelia dégoulinants
s'asseoir sur le bord du trottoir en finissant de rire. Puis peu à peu
ils se calmèrent et gardèrent le silence quelques minutes. Ce
qui ressentait Lindsey était difficile à décrire. Une sorte
de bien-être, de sérénité. Il s'était laissé
aller, il avait laissé son corps décider de ce qu'il avait envie,
il était mouillé mais heureux. Il sourit dans le vide, le regard
posé sur son camion. Il pouvait partir. Il en était plus que certain
maintenant, il venait de faire ses adieux à cette ville de lumière
et d'hypocrisie. L'euphorie de l'instant, l'euphorie d'après l'amour,
s'était en allé avec les nuages de pluie.
Il se tourna vers Cordelia,
qui semblait aussi perdue dans ses pensées. Il ressentait une gratitude
envers la jeune femme qu'il n'aurait pas pu expliquer lui-même.
- "Je vais y aller," déclara-t-il dans l'écho de la rue maintenant silencieuse. "Je n'ai plus rien à faire ici."
La réalité
l'avait rattrapé, son matérialisme habituel aussi. A la lueur
des lampadaires il commençait à comprendre ; il savait aussi que
l'histoire avec Cordelia n'était qu'éphémère, il
ne sentait pas alourdi par ce qui s'était passé. Plutôt
plus léger, même s'il se sentait loin de retrouver l'enthousiasme
qui l'avait animé quelques minutes auparavant. Son réalisme et
son caractère mesuré était de retour, il n'en était
pas mécontent.
- "Oui, bien sûr,"
fit Cordelia en tournant ses yeux noisettes sur Lindsey qui était toujours
torse nu. Elle le regarda se lever et se passer une main dans les cheveux sans
rien dire, profitant peut-être encore une fois de cette vision presque
invraisemblable, celle du jeune avocat sans chemise et qui ruisselait, le visage
éclairé.
Il alla récupérer
son T-shirt à l'arrière de son camion, l'essora avec un sourire
au dessus du caniveau, puis ouvrit son sac de voyage pour y prendre un haut
sec avant de mettre le T-shirt mouillé sur le dossier du siège
passager. Puis il se retourna, baissa les yeux sur Cordelia qui était
restée assise. Elle finit par se lever, et lui faire face.
- "Au revoir, alors,"
fit Lindsey.
- "Au revoir,"
répondit Cordelia. "J'espère que tu vas bien rentrer chez
toi et que tu vas trouver un travail là-bas."
- "Je peux essayer,"
fit Lindsey en s'installant devant son volant, pragmatique.
Il mit le contact, alluma
le moteur, et commença à reculer, la fenêtre ouverte. Ne
pouvant pas le laisser partir aussi simplement, Cordelia posa une main sur son
bras, l'arrêta dans sa manoeuvre.
- "Pour ce qu'il s'est
passé à l'intérieur..." commença-t-elle. Elle
ne savait pas trop encore si elle se sentait coupable ou pas. Pas coupable,
ce n'était pas son genre. Sans doute simplement consciente de la déception
qu'elle lirait sur le visage de Wesley et Angel s'ils l'apprenaient. Non pas
qu'elle s'attendait à ce que Lindsey aille leur dire, c'était
juste une histoire de conscience.
- "Ce n'était
qu'un désir fugace, non?" fit Lindsey, la lueur de sincérité
au fond de ses yeux bleus. "Personne n'en saura rien."
- "C'était ce
que je voulais vérifier. On n'a jamais..."
- "Non. Jamais,"
assura Lindsey avec un sourire. "Et je n'ai jamais chanté torse
nu sous la pluie en pleine ville."
- "Non, jamais,"
répondit Cordelia, un sourire aux lèvres à son tour.
- "Mais... pour ce
qu'il s'est passé?" fit-il. "Pas seulement le sexe, je veux
dire, pour tout? Merci."
- "Je n'ai rien fait...
Je suis loin de t'avoir ramené du bon coté de la Force."
- "Non, pas de la façon
dont tu vois les choses. Mais... je suis mieux. Je n'ai plus envie que de partir."
- "Je ne sais pas si
c'est un compliment. Je te fais fuir."
- "C'est un compliment,"
affirma-t-il.
- "J'imagine qu'on
a pas les mêmes valeurs," finit Cordelia en souriant.
- "Mon merci était
sincère."
- "Je sais. Je suppose
que c'est déjà bien, venant de toi. Ne le prends pas comme une
insulte, c'est juste une constatation."
Lindsey se contenta de sourire,
ce sourire en coin auquel Cordelia résistait presque aussi peu qu'à
sa voix, et elle se permit un dernier baiser. Il l'accueillit avec plaisir,
attirant une dernière fois le corps de Cordelia à lui, et elle
caressant une dernière fois son visage. Puis leurs lèvres se séparèrent,
Cordelia s'éloigna du véhicule, laissant Lindsey finir rapidement
sa manoeuvre. Avant qu'il ne quitte définitivement la rue, ils partagèrent
un regard puis un ultime sourire, et le vieux camion mal peint disparut au coin
de la rue.
Plusieurs minutes après
le départ de Lindsey, Cordelia resta immobile au milieu de la rue, comme
incapable de se décider à faire quelque chose. *Oh. Mon soutien-gorge.
Et mon sac.* Elle quitta enfin le coin de la rue des yeux, abandonnant ce semblant
d'espoir qu'il allait revenir, et retourna dans le petit logement de The Host.
Tout semblait différent maintenant, comme si l'atmosphère était
transformée, plus pleine de sens. Cordelia repéra vite son sous-vêtement,
l'enfila hâtivement, attrapa son sac, puis avant de quitter la pièce,
fixa quelques secondes le canapé.
Quand elle quitta de nouveau
la pièce, tout avait retrouvé sa place initiale.
***********
Le lendemain, elle arriva
au travail à neuf heures et demi comme tous les matins, et salua Wesley
et Angel comme à l'habitude. Elle entreprit de ranger quelques dossiers
tandis que Wesley s'occupait d'un client, et ses pensées se tournèrent
un peu vers Lindsey et la soirée de la veille. Elle avait du mal à
déterminer son avis sur le jeune avocat. Elle l'avait toujours cru mauvais,
et elle savait qu'il le restait -jamais il n'avait exprimé de regret
d'avoir travaillé pour Wolfram & Hart, jamais il n'avait affirmé
que le bien-être des autres l'intéressait maintenant plus que l'argent.
Il avait juste... été humain. Été heureux, été
gentil, été tendre. Comment aurait-elle pu classer complètement
dans la case 'méchants' quelqu'un avec qui elle avait fait l'amour quelques
heures plus tôt, et avec qui elle avait adoré ça?
*Après tout, Lorne
est gentil, et Lorne est un démon,* songea Cordelia en rangeant le dossier
Mantlajolie sous F. Elle n'avait pas d'intérêt à se torturer
avec cette histoire, personne ne le saurait jamais et jamais elle ne reverrait
Lindsey. C'était un homme avec des mauvais principes mais qui dans le
fond n'était pas méchant. Aussi simple que ça, non?
Une vision lui traversa
tout à coup le cerveau, stoppant toutes ses réflexions. Elle n'y
revint jamais réellement. La douleur des visions, les batailles, le travail
reprirent leur place normale dans l'esprit de Cordelia, réduisant sa
vie sociale à un petit coin perdu dans son inconscient. La nuit avec
Lindsey s'y enfonça doucement au fil de la journée alors que Cordelia
parlait et travaillait avec ses trois collègues, ces trois hommes avec
qui elle se sentait bien, en sécurité. Avec Angel qui semblait
réapprendre à sourire.
Une seule chose ramena l'image
de Lindsey aux pensées de Cordelia avant que son inconscient ne déclare
définitivement l'anecdote de la veille comme un souvenir. Quand elle
rentra chez elle le soir, et après qu'elle eut avalé une pilule
contre son mal de tête, elle trouva une confirmation qu'elle passerait
l'audition de la publicité sur son répondeur, et un message en
attente sur son portable. Intriguée, se demandant quel potin une de ses
amies avait encore trouvé à lui faire partager, elle ouvrit le
message.
"'Sweet
California rain,' maybe we'll meet again."
-Lindsey
[traduction]
Elle ne pensa même pas à se demander comment Lindsey avait pu obtenir son numéro de portable, dans la surprise fugitive du moment. Sans qu'elle puisse vraiment expliquer pourquoi, elle n'appuya pas sur la touche 'effacer', et se contenta d'enregistrer le message avant de répondre au téléphone qui sonnait impérieusement, une des Cordettes probablement à l'autre bout du fil.