Tout simplement
Auteur: Fan'
Feedback: ca fait mauvais genre de supplier, alors disons juste que ça
me ferait énormement plaisir...
Archive/ distribution: Rien
n'est éternel ; Buffy
& Angel Rock!
Résumé: la journée du 11 septembre pour l'équipe
d'Angel Investigations
Spoilers: Seulement si vous ne savez pas qui est Fred, et si vous ne
savez pas que BtVS continue avec toujours la même héroine.
Interdiction/classement: PG-13, comme la série (sujet délicat
traité)
Disclaimer: Les persos et l'univers d'Ats et BtVS ne sont évidemment
pas à moi. Je préfère laisser faire Joss.
Remerciements: à Joey pour avoir inspiré mes muses ainsi
que pour le beta, et à Jade pour le béta et le soutien permanent!
Couples: Mention de B/A, mais jamais rien de physique. Ce n'est pas une
fic à couples.
Note #1: Précisons que cette fic est la contrepartie 'Angelienne'
de "9 am, EST", de Joey, disponible sur ce site.
Note#2: A propos de quand ça se passe: non, le 11 septembre Angel
n'était pas censé être rentré sur LA. Donc fermez
les yeux, dites- vous 'et si on avait tout avancé histoire que Fanny
et Joey puissent écrire leurs fics', et voilà, le tour est joué!
Angel ouvrit un oeil, puis l'autre. Pas de doute, quelqu'un était entré dans l'hôtel. Il avait vraiment le sommeil léger ces derniers temps. Il lança un coup d'oeil vers le réveil: 7h18. Il s'était couché à peine deux heures auparavant, et le réveiller ainsi le mettait de très, très mauvaise humeur. Il se prit donc à espérer que l'intrus soit quelque chose qu'il pourrait tuer.
Il enfila rapidement un pantalon et ouvrit la porte de sa chambre avec précaution. Qui que ce soit, il avait un battement de coeur. Il entendit la télévision s'allumer, mystifié. Qui viendrait à l'Hyperion aussi tôt pour regarder la télévision?
Il descendit rapidement les marches et se dirigea vers le bureau. Cordelia. Un sourire s'esquissa sur ses lèvres, jusqu'à ce qu'il la voie vraiment. Elle ne fit même pas attention à lui. Ses cheveux n'étaient pas coiffés, son visage avait l'air plus fatigué qu'il ne l'avait jamais vu, et ses yeux étaient rougis et bouffis. Elle était assise sur le bord d'un fauteuil et regardait la télévision d'un air terrifié et incrédule à la fois.
"Cordy?"
Voulait-il vraiment savoir ce qui la mettait dans un tel état? Ce n'était plus une question de volonté mais de devoir. Il n'avait aucun choix, il allait savoir.
Cordelia releva les yeux vers lui, lentement, en restant assise.
Des yeux effrayés. "Angel..." Sa voix se brisa et il crut qu'elle
allait éclater en sanglots. Heureusement, elle n'en fit rien. Elle baissa
les yeux sur ses genoux, là où ses deux mains se crispaient l'une
contre l'autre.
Angel se rapprocha du poste afin de voir ce qui y était diffusé. La voix nasillarde du présentateur ne parvenait pas jusqu'à son cerveau. Il lui suffisait d'ailleurs de prendre en compte les images qui lui étaient présentées. C'était une rediffusion, précisait l'écran, de ce qui s'était produit quelques minutes auparavant: une énorme tour était en feu, et le plan de la caméra changeait soudain pour filmer un avion, un avion qui avait l'air si petit et inoffensif, et qui se dirigeait vers une deuxième tour, collision, explosion.
Angel fit un pas en arrière, involontairement. Ce n'était pas vrai. Les tours lui semblaient si familières, mais son esprit refusait catégoriquement de valider leur nom, leur existence, car tout cela ne pouvait pas être vrai.
"Ce ne sont pas..." commença-t-il doucement sans quitter l'écran des yeux.
"Si," répondit tout aussi bas Cordelia dans son dos. "Les tours jumelles."
Il secoua la tête et se tourna vers elle. "Impossible." Il se rappelait la première fois qu'il les avait vues - il était à leur inauguration. Il se rappelait comme elles semblaient fortes et grandes, si impressionnantes, comme tout le monde était persuadé qu'elles leur survivraient à tous... Non. Pas à tous, loin de là.
Cordelia se leva soudain et chercha frénétiquement quelque chose des yeux. Elle saisit une lampe et la jeta au sol avec toute sa force. L'ampoule se brisa, ainsi que le corps en céramique.
"Pourquoi ils ne m'ont pas prévenue?" Elle se tourna vers Angel, ses yeux remplis de larmes. "On est censés empêcher ce genre de saletés d'arriver, non? Pourquoi j'ai pas été foutue d'avoir une vision pour empêcher ça?"
Angel ne savait pas quoi dire. Il la prit maladroitement dans ses bras, sentant ses larmes chaudes rouler sur son propre torse froid. Par-dessus son épaule, il vit alors ce qui se passait en direct. Une tour s'effondrait. Cordelia dut sentir son corps se tendre, ou peut-être écoutait-elle ce qui se passait, car elle se dégagea aussitôt et se tourna vers le poste.
Un sanglot lui échappa alors qu'elle portait une main à sa bouche. "Oh mon Dieu... tous ces gens... et les pompiers..."
Angel sentit alors ses yeux se remplir de larmes. Sa vue se brouilla, rougit. Il n'avait admis cette catastrophe qu'en sa qualité de destruction d'un véritable symbole américain. Il n'avait pas pensé aux *gens*. Manquait-il vraiment de coeur? Là, dans cette tour, un mouchoir blanc s'agitait, à un des étages supérieurs au lieu de la collision. Il aurait voulu voler jusque là-haut, au secours de cette main qui ne perdait pas vraiment espoir... A quoi bon sauver les hommes pour les voir se traiter ainsi?
"Qui?" demanda-t-il d'une voix plus forte, car sa colère avait à présent une destination.
"On ne sait pas... sûrement... sûrement des extrémistes islamiques..." répondit sa voyante d'une toute petite voix.
Ils restèrent ainsi sans bouger ni parler, dans une sorte de torpeur, pendant un long moment. L'image finit par changer, montrant Washington. Un avion sur le Pentagone, aussi. C'est alors qu'Angel eut peur. Où cela allait-il s'arrêter? Combien de morts faudrait-il... Et Buffy, et Willow, et Wesley et Gunn et tous ceux qu'il aimait, est-ce qu'ils allaient bien, est-ce qu'ils iraient encore bien à la fin de cette journée? Connaissait-il quelqu'un qui habitait à New York? Il n'arrivait pas à se rappeler, cela le frustrait, mais son esprit semblait incapable de passer en revue ses connaissances alors que de telles images le hantaient encore.
"Il fallait que je vienne ici," dit alors Cordelia sans quitter la télévision des yeux. "Je voulais voir si c'était vrai... et puis Dennis a beau y mettre de la bonne volonté, c'est dur pour un mort de communiquer de la chaleur humaine..."
Il tourna les yeux vers elle. Elle ne se rendait pas compte de ce qu'elle venait de dire, pour la bonne et simple raison qu'elle ne le pensait pas - n'est-ce pas? Il décida de ne rien dire. Qu'aurait-il pu dire, de toute façon?
C'est alors qu'il entendit des pas descendre de l'escalier. Il alla dans le hall et vit Fred descendre de sa façon mi-hésitante, mi-apeurée. Elle lui sourit dès qu'elle le vit. Il se rendit compte que ses yeux étaient secs, que probablement rien sur lui ne faisait état de ce qui se passait, et s'en voulut immédiatement. Son apparence aurait dû signifier à la jeune femme qu'elle n'aurait pas dû sourire, et ce n'était pas le cas.
"J'ai entendu du bruit, alors, je... je suis venue voir," expliqua-t-elle nerveusement.
"Ce n'était rien. Tu... tu peux remonter," lui dit-il après un instant d'hésitation. Il ne voulait pas qu'elle voie ça. Elle n'était revenue que depuis quelques mois, elle ne devait pas voir ça.
"Oh." Son expression s'assombrit, mais elle avait entendu le bruit de la télévision. Elle finit rapidement de descendre les marches et se dirigea vers le bureau. "Qu'est-ce que tu regardes?"
Il se plaça devant la porte et l'attrapa par le bras, peut-être un peu trop violemment car elle grimaça. Elle ne devait pas voir ça. "Rien. Ce n'est rien, vraiment. Remonte, Fred, s'il te plaît."
Elle fronça les sourcils et se dégagea. Il vit son expression et la reconnut. Elle verrait. "Laisse-moi passer, Angel." Elle le poussa doucement sur le côté et entra dans la pièce. Elle ne fit aucune remarque quant à la présence de Cordelia, se plaçant devant le poste, fermement campée sur ses pieds, les bras croisés sur sa poitrine. Rapidement, son expression butée se décomposa, se remplit d'incompréhension et de refus. Tout son maintien se relâcha, tandis que ses bras tombaient à ses côtés.
Angel était entré dans le bureau à sa suite, et le regard affolé de la jeune femme allait du vampire à la voyante, qui avait repris sa position sur le fauteuil.
"P-pendant ces cinq ans où je n'étais pas là, le World Trade Center, c'est devenu un entrepôt, ou un hangar ou quelque chose comme ça, non? Parce que, c'est pas possible, ils n'auraient pas fait ça à l'endroit que je connaissais, où travaillaient des milliers de personnes et..." Des larmes débordèrent de ses yeux. "C'est pas possible! C'est pas le monde que j'ai quitté! Jamais ça se serait produit! Où est-ce que vous m'avez ramenée?"
Elle s'était mise à crier, au bord de l'hystérie. Angel remarqua la présence de Wesley à ses côtés quand l'Anglais se dirigea vers la jeune femme et lui prit le visage dans ses mains.
"C'est le même monde, Fred. Les mêmes hommes. Les mêmes idioties, et la même haine. Il y avait des milliers de personnes dans les tours jumelles. Des milliers sont morts."
Puis il la prit doucement dans ses bras et la serra, lui caressant les cheveux. Il fermait les yeux quand il reprit la parole, s'adressant cette fois-ci à tous ceux présents: "J'ai de la famille à Manhattan. Je n'arrive pas à les joindre. Une de mes cousines travaillait au World Trade Center."
"Toutes les communications ont été coupées, l'électricité aussi," précisa Cordelia d'une voix compatissante. "Ca ne veut rien dire."
"Je sais," chuchota-t-il, continuant de caresser les cheveux de Fred. Les sanglots de cette dernière s'étaient tus, mais Angel devinait que des larmes silencieuses coulaient encore le long de ses joues.
Ils restèrent tous les quatre en silence pendant quelque temps. La même pensée traversa à nouveau l'esprit du vampire. Où est-ce que cela allait finir? Sunnydale. Il devait appeler Sunnydale. Et pourtant il ne pouvait s'amener à bouger jusqu'au téléphone et composer le numéro de Buffy, ou même celui de Giles. Il resta donc immobile, juste à côté de la porte, observant l'étreinte de Wesley et Fred, et Cordy qui fixait toujours le poste.
"Hé."
Tous se tournèrent vers la deuxième porte. Gunn se tenait dans l'embrasure. Ses yeux aussi étaient rougis.
"Je... je vois que vous savez tous." Ils hochèrent la tête, incapable de prononcer un mot. "J'ai un pote qui travaille là-bas. De tous mes potes c'est celui qui s'en est le mieux tiré, il allait bientôt avoir une promotion, devenir gérant de la cafèt... Je sais pas si... Mais il commence plus tôt que les autres, il devait être là-haut et je..."
"Wesley a de la famille à Manhattan, une cousine dans les tours," l'informa Angel. Il savait rendre service à son ami en l'annonçant à sa place. "Il ne sait pas non plus."
Le vampire essuya ses mains sur son jean. Il se rendit compte qu'il était encore torse nu. "Je... je vais aller me mettre quelque chose sur le dos."
Et il sortit rapidement de la pièce. Comment expliquer, alors que ses amis avaient le plus besoin de lui, qu'il était incapable de soutenir leur regard? Toutes leurs expressions se ressemblaient, les traits étaient fatigués, les yeux bouffis, une lueur au fond de leurs iris qui montrait leur colère, perdue dans un flou qui montrait leur douleur... Et la même culpabilité. Tous étaient prêts à affronter une mante religieuse croisée avec une araignée de trois mètres de haut, ou même une apocalypse, et aucun ne pouvait faire face à ce qui se passait, et aucun ne pouvait ni n'aurait pu l'empêcher.
Ce qu'il fuyait dans leur regard, c'était le reflet de ses propres émotions.
Il monta rapidement dans sa chambre, prit un pull et s'assit sur le lit, le serrant dans ses mains. Allait-il appeler Sunnydale? Est-ce qu'elle serait vraiment soulagée de l'entendre, aussi soulagé que lui serait d'entendre sa voix à elle? Il savait qu'elle n'était pas à New York, ou plutôt qu'elle n'avait aucune raison d'y être, pas plus qu'au Pentagone ou encore dans un de ces trois avions mais... C'était une peur irraisonnée et gratuite, qui lui tordait les entrailles et l'aurait sans doute empêché de respirer, s'il en avait eu le besoin.
Il enfila le pull et se leva, sentant ses jambes trembler sous lui. Le téléphone, dans le coin de sa chambre, l'attirait. Très bien. Il allait le faire. Il composa le numéro des Summers d'une main tremblante. Occupé. Celui de Giles? Dans le vide. Willow? Elle était chez une amie à elle, une certaine Bunny. Il réessaya le numéro de Buffy. Toujours occupé. Etait-ce une bonne chose? Il avait toujours envie, besoin d'entendre sa voix.
Il se résigna et redescendit au rez-de-chaussée. Gunn était
toujours appuyé dans l'embrasure de la porte, les mains dans les poches.
Wesley et Fred avaient rejoint Cordy, tous assis sur des rebords de fauteuil.
Aucun n'osait se mettre à l'aise, s'y enfoncer confortablement, ou peut-être
n'y pensaient-ils même pas. Aucun ne releva la tête vers lui, gardant
les yeux fixés sur la télévision. Angel devina à
la forme de la joue droite de Gunn qu'il se la mordait à pleines dents,
tandis que la lèvre inférieure de Fred tremblait légèrement.
La mâchoire de Wesley n'avait jamais semblé aussi carrée
à Angel, pas plus que les lèvres de Cordelia ne lui avaient semblé
aussi fines. Ils allaient tous craquer.
Il se dirigea vers le poste et l'éteignit. "Ca vaut mieux, je crois."
Ils baissèrent tous la tête, peut-être honteux, peut-être
reconnaissants.
Wesley la releva le premier. "Oui. Sans doute. Je devrais... je devrais essayer de joindre mes parents en Angleterre, peut-être auront-ils des nouvelles."
Il se leva et se dirigea d'un pas mal assuré vers le téléphone. Il lui fallut apparemment quelques secondes pour se rappeler du numéro. Il le composa rapidement, mais dut s'y reprendre à deux fois avant d'y arriver... Son esprit devait être ailleurs. Ou bien ses mains tremblaient trop. Tous les regards étaient fixés sur lui, à présent. Son dos voûté, ses épaules courbées, ses traits épuisés.
Angel ne fit pas vraiment attention à la conversation. Tout ce que Wesley entendait se lisait sur son corps et sur son visage. Il raccrocha enfin et se tourna vers eux.
"Mon oncle, ma tante et deux de mes cousines vont bien. Ils ont dû évacuer l'appartement à cause des fumées, la poussière... mais ça va. Ma dernière cousine... on ne sait pas. On ne sait rien."
"C'est déjà une bonne nouvelle pour le reste de la famille," dit Cordelia d'un ton faussement enthousiaste.
Elle se leva et fit quelques pas rapides vers Wesley, l'attirant dans son étreinte. Ce qui devait être dans son esprit une étreinte de félicitation devint une étreinte de réconfort, pour l'un comme pour l'autre. Ils se dégagèrent enfin et se sourirent tristement. Angel détourna les yeux, gêné, il avait l'impression d'avoir fait intrusion dans une scène bien trop intime, qui ne lui était aucunement destinée.
Cordelia se retourna. "Allez! Je crois qu'une tournée de câlins est nécessaire. Je vous promets, ça fait du bien." Elle tira Wesley par la manche afin qu'il confirmât sa déclaration.
"En effet," dit-il sans se départir de son triste sourire.
Il se tourna vers Angel, car il était le plus proche, et s'approcha, mal à l'aise. Le vampire lui ouvrit les bras et l'y serra, sentant qu'il faudrait aider quelque peu l'Anglais à montrer l'exemple. L'heure n'était pas à la pudeur ni au malaise entre eux, après tout.
Ce fut ensuite une tournée de câlins, comme Cordelia l'avait prédit. Elle prit Gunn, puis Fred dans ses bras, réservant Angel pour la fin. Eux deux étaient là depuis le début de tout ceci, de l'agence, du Scooby Gang à Sunnydale, et leurs liens étaient plus forts que tout le reste. L'étreinte fut chaleureuse et demandante, tout comme tout ce qui s'était passé entre eux.
Wesley et Gunn échangèrent une étreinte rapide mais honnête, avant que Gunn ne prenne Fred dans ses bras, presque fiévreusement, comme s'il avait peur qu'elle disparaisse d'un instant à l'autre. Wesley l'étreignit plus tendrement, avec douceur, comme on étreindrait un jeune enfant qui viendrait de perdre ses parents, peut-être. Gunn et Angel se serrèrent rapidement dans les bras l'un de l'autre.
Enfin, la tournée de câlins prit fin et un silence inconfortable s'installa.
"Je vais aller nous chercher des doughnuts," lança alors Cordelia, considérant cela comme une idée de génie, vu le ton de sa voix. "Qui m'accompagne?"
"Je viens," dit Wesley. "J'ai laissé ce numéro de téléphone à ma mère, des fois qu'ils aient des nouvelles de Cécile."
Angel hocha la tête puis les regarda s'éloigner. Il aurait aimé sortir lui aussi, rencontrer des gens, se rendre compte que la vie continuait et que les gens étaient toujours là, et que d'autres allaient acheter des doughnuts... n'importe quoi pour briser son impression d'être sur une île déserte, assistant à la chute d'un monde. Mais il devait rester là.
Il tourna les yeux vers Gunn et Fred, qui s'étaient assis côte à côte. Il ne pouvait pas rester là, c'était insupportable.
"Je crois que je vais... aller prendre une douche," finit-il lamentablement, conscient que son excuse était bien piteuse.
Ils hochèrent distraitement la tête et il s'en alla sans demander son reste. Il sentait qu'il avait besoin de sang, mais ne pouvait se résoudre à en avaler. Le sang, c'était la vie, et la vie de ces milliers de personnes... Il se déshabilla rapidement et entra dans la douche. Il n'ouvrit que le robinet d'eau froide, frustré que cela n'ait aucun effet sur son corps sans température. Il le ferma donc et ouvrit l'autre.
Au bout de quelques secondes, nécessaires à l'eau pour chauffer, une douche brûlante s'abattit sur sa tête et ses épaules, coulant le long de son dos. Il appuyait ses deux mains contre le mur carrelé, penché en avant. Oui, cela brûlait légèrement, mais il s'en contrefichait. Comme si rien n'arrivait à l'atteindre. Il ferma les yeux et se redressa, basculant sa tête en arrière. Pas de doute, il allait ressortir rouge de cette douche. En quoi cela lui importait-il?
Il y resta un temps indéfini. Cela aurait pu être des secondes, des minutes, aussi bien que des heures. Il arrêta enfin l'eau et attrapa une serviette. Il s'essuya sans même y penser puis s'arrêta devant le miroir qu'il n'avait jamais démonté. Il aurait tant aimé pouvoir se voir. Il baissa les yeux sur ses mains, y vit des rougeurs. Il ne redescendrait pas tout de suite. Il espérait juste qu'ils n'allaient pas remettre la télé en marche, en bas. Il ne fallait pas qu'ils passent leur journée à cela, ce serait malsain, et puis... les images étaient déjà gravées dans leur tête, pas besoin de les visionner encore et encore. Il fallait aussi espérer qu'il n'y aurait pas plus d'avions kamikazes. Il comprenait leur besoin de se tenir au courant, il le ressentait aussi, mais allumer le poste de temps à autre afin de vérifier que rien de nouveau n'était arrivé suffirait - pas besoin de passer la journée devant. Non, ils n'avaient vraiment pas besoin de ça.
Il enroula la serviette autour de son bassin et pénétra dans sa chambre, une deuxième serviette à la main. Il s'assit sur son lit et commença à essuyer ses cheveux, sans prêter attention à quoi que ce soit de particulier. Une image particulière l'obsédait: le visage de Buffy. Peut-être devrait-il essayer à nouveau de les joindre. Il se dirigea vers le téléphone et composa le numéro d'une main tremblante. Ca sonnait toujours occupé. Alors qu'il raccrochait, on toqua à la porte. La poignée tourna et le visage de Cordelia apparut, portant un sourire forcé. Il se décomposa aussitôt et elle courut à lui.
"Mon Dieu Angel qu'est-ce que tu as? Tu as bouffé du sang avarié, t'es allergique à quelque chose? Regarde-moi ces plaques!"
Il baissa ses yeux sur son torse tout en la laissant le reconduire jusqu'au lit, l'y faire asseoir. Effectivement, on aurait pu croire à une réaction allergique. C'en était une, en quelque sorte.
"Ce n'est rien, Cordy," dit-il avec un petit sourire. "L'eau de ma douche était un peu trop chaude."
"Un peu? Tu appelles ça un peu?" Son visage, de catastrophé, devint subitement très sérieux. "Ecoute, Angel, c'est dur pour nous tous, mais si tu crois que je vais te laisser te faire du mal comme ça, tu te mets le doigt dans l'oeil jusqu'à l'omoplate, mon vieux!"
"Je voulais juste me forcer à réagir," lui avoua-t-il.
"Et ça a marché?" lui demanda-t-elle avec un mélange de désapprobation et d'envie.
"Non," confessa-t-il encore.
"Oh."
Ils restèrent assis côte à côte, main dans la main, pendant un temps indéfinissable. Angel ressentit le besoin de lui confier ses peurs, grandissant en lui avec chaque seconde. Elle comprendrait; il pourrait lui parler.
"J'ai essayé de joindre Sunnydale."
Mais avant qu'il ait pu continuer, Cordelia l'interrompit: "Mon Dieu! Carrie, il faut que je joigne Carrie!"
Le vampire fronça les sourcils en l'observant se lever et sortir à toute vitesse de la chambre. Après quelques instants d'immobilité, il s'habilla et la suivit. Elle était à présent attablée à son bureau, devant son ordinateur, et ses doigts volaient à toute vitesse sur le clavier. Alors qu'il atteignait le rez-de-chaussée, elle effectua quelques clics de souris et se renfonça dans sa chaise, mordant sa lèvre inférieure.
Elle releva les yeux sur lui et lui sourit. "Désolée pour la fuite, mais... Carrie, c'était une amie du lycée, une autre Harmony avec un brin plus de cervelle, mais une amie quand même, et elle et son frère sont à l'université de New York, alors... J'étais sortie avec lui à un moment, et elle, eh bien... C'était peut-être une des moins stupides de mes moutons." Elle se reprit, fermant ses yeux embués de larmes pendant quelques secondes. "Tu disais? Ah, oui, Sunnydale. Tu veux que j'envoie un e-mail à Willow pour savoir comment ils tiennent tous le coup?"
Quel idiot. Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt? "S'il te plaît." Il la regarda distraitement leur écrire. Des paroles conventionnelles, sans doute. Il réessaierait de joindre Buffy plus tard, pour lui parler; tout ce qu'il voulait pour l'instant, c'était savoir qu'elle et les autres étaient en vie.
'' Une question qui peut paraître stupide... Je demande à Willow de parler de l'e-mail à Buffy?''
Angel la regarda pendant quelques secondes avant de comprendre sa question, et ses implications. ''Non. Qu'elle ne dise rien.'' Il ne valait mieux pas. Il ne voulait pas qu'elle sache par ordinateurs et amies interposées qu'il se souciait d'elle. Non, il voulait le lui apprendre de vive voix. Elle avait eu raison de le lui demander. ''Merci, Cordy.'' Elle releva les yeux vers lui un court instant et lui sourit, avant de recommencer à taper.
"C'est fait!" annonça-t-elle après une minute.
"Tu me préviens dès qu'il y a du nouveau?"
Elle hocha la tête alors qu'il se dirigeait vers le bureau. Fred et Gunn étaient toujours assis côte à côte, devant une boîte de doughnuts ouverte. Aucun n'était entamé. Wesley se tenait près du téléphone, droit, les lèvres pincées. Tous avaient le même regard absent, qui sembla se concentrer sur Angel à son entrée.
"Des nouvelles de Cécile?"
Wesley se contenta de secouer la tête. Non, aucune nouvelle. Il n'y en aurait probablement pas aujourd'hui. Un cri de douleur venant de la pièce voisine les fit tous sursauter. Angel s'y précipita et se baissa vers Cordelia, qui était tombée au sol sous le choc d'une vision.
Elle sembla alors se calmer, portant la main à ses tempes et grognant doucement. Angel releva la tête, surpris que personne n'ait encore amené d'aspirine. Leurs trois collègues se tenaient debout derrière eux, regardant la voyante avec un air ahuri et stupide, même.
"De l'aspirine, vite!" lança alors Angel.
Les sourcils de Wesley se froncèrent, et il se mit en branle après ce qui sembla être un grand effort de concentration. Bien sûr. Ils n'avaient pas compris, se dit Angel. Ils n'avaient pas réalisé que ça allait continuer. Que la vie allait continuer. La vie et la mort, et surtout notre boulot.
Il massa gentiment l'épaule de Cordelia en lui demandant ce qu'elle avait vu. Ce ne fut qu'après avoir avalé quelques comprimés d'aspirine qu'elle répondit.
"Un bar appelé le Flamingo - un entrepôt juste à côté. Dans l'entrepôt, des vampires. Une gamine. Il faut faire vite."
Une vision banale, à priori, qui ne demanderait aucun éclaircissement, aucune enquête. Rien qu'une bonne vieille bataille qui se finirait par des tas de poussière. De quoi relâcher la pression en se battant de toute sa force. Exactement ce qu'il leur fallait.
Oui, la vie continuait.
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Angel sortit de sa douche, pour la deuxième fois dans la journée. Il avait l'impression qu'elle avait été encore plus longue que la première - évidemment, cette fois-ci, il l'avait passée à frotter vigoureusement toutes les parties exposées de son corps. Il se trouvait que les vampires n'avaient pas été seuls, mais accompagnés d'un démon gluant de la pire espèce dont le liquide gélatineux qui lui servait de sang avait giclé partout. Jusque sur Angel, Gunn et Wesley, les trois qui étaient partis sur cette mission de routine. Merci, les Pouvoirs.
Il enfila rapidement quelques vêtements. Heureusement, ils avaient tous pris l'habitude d'avoir des habits de rechange prêts à l'Hyperion, afin de pourvoir à un cas pareil. Ainsi il n'avait pas eu à imposer à Wesley et Gunn sa propre garde-robe histoire de les dépanner.
A peine étaient-ils entrés dans le hall de l'Hyperion que Cordelia leur avait annoncé la nouvelle - les filles n'avaient pas pu résister et avaient allumé la télé en leur absence. Un quatrième avion, dans la campagne près de Pittsburgh. Il avait aussitôt essayé de joindre Buffy, presque frénétiquement, menaçant de mettre le téléphone en morceaux jusqu'à ce que Cordy le calme. Il ne lui restait plus qu'à attendre une -
"Angel!!" entendit-il alors crier d'en bas.
Il sortit en trombe de sa chambre, imaginant le pire, et dévala les escaliers avant d'apercevoir une Cordelia souriante et apparemment soulagée.
"Le meilleur pour la fin?" lui demanda-t-elle sans lui laisser le temps de répondre. "Le meilleur pour la fin. Déjà, Carrie et son frère vont bien, seulement leurs apparts sont pleins de poussière et bonjour les frais de teinturier... Et je m'égare. Désolée. Et elle m'a aussi dit que Jess et Melany, deux autres copines, étaient à l'université avec eux et qu'elles allaient bien aussi, comme elles habitent à Broadway de toute façon, il n'y a aucun souci. La grande nouvelle, donc: je viens de recevoir un mail de Sunnydale!"
"Vraiment? Comment vont-ils? Où ça?" Les questions se bousculaient dans sa bouche, et lui qui ne voulait pas admettre l'importance qu'il donnait à cet e-mail fut bien obligé de la reconnaître à ce moment-là.
Il se rua sur l'ordinateur et scruta l'écran.
De: redwitch@hotmail.com
À: cordelia@angel-investigations.net
Objet: Re: prise de nouvelles
Cordy! Je me rendais pas compte d'à quel point j'avais peur pour vous avant de voir mon soulagement à lire ton mail. Toute ma sympathie à Gunn et Wesley, j'espère que leurs cousine et ami sont saufs. Evidemment.
Bref. Ici c'est pas la grande joie non plus. Je viens tout juste d'apprendre que mon oncle qui bosse là-haut va bien. *sigh* Tara a une amie là-haut, toujours pas de nouvelles. Je déteste la voir dans cet état. Buffy et Dawn se sont rendu compte qu'elles avaient pas la moindre idée d'où travaillait leur père maintenant (mais si, tu sais bien, celui aux secrétaires pas foutu de venir à l'enterrement de Joyce - non, je lui pardonnerai jamais), d'où grosse angoisse même si c'est qu'un s*****!
Désolée, je m'échauffe. Mais faut dire que comme tout le monde, tout ça... ça me dépasse. Tu sais de quoi je parle. Ouais, on a affronté une déesse, et on l'a même battue. Mais jamais on a été aussi... désemparés. Et impuissants. Et dégoûtés.
Bon allez, je te laisse. En espérant que vous tenez tous le coup. Nous on se débrouille (on est tous chez Buffy, au fait, si vous voulez nous joindre - mais le téléphone est plutôt occupé ces temps-ci). Désolée pour le mail plutôt court, mais je suis branchée sur le téléphone fixe, là, et on veut pas monopoliser la ligne trop longtemps.
Et donc pas de problème, je dis rien à Buffy. Je comprends.
Gros câlins à vous tous.
Willow
Angel releva la tête en entendant le téléphone de son bureau sonner. On décrocha immédiatement, mais personne ne l'appela. Oui, pendant un court instant, il avait espéré que ce fut Sunnydale. La petite sorcière n'avait jamais été très douée pour garder un secret, et il craignait - espérait? - qu'elle ait laissé s'échapper quelque chose. Lui était toujours aussi inquiet. Willow avait dit qu'ils allaient bien, d'accord, seulement... rien ne vaudrait le son de sa voix. Mais son père... elle devait penser à bien d'autres choses.
Il relut le message de Willow encore quelques fois. Elle n'avait pas trop donné de détails, mais il ne pouvait s'empêcher de ressentir que chacun de ses mots avait une signification bien particulière, et était nécessaire à sa compréhension de leur situation, là-bas.
"Angel?"
Il releva la tête vers Fred, qui se tenait dans l'encadrure de la porte menant de la réception au bureau.
"C'est Gunn. Le téléphone... Il est parti
au sous-sol. Il avait l'air... plutôt en rogne."
Wesley apparut derrière elle, ses lunettes dans une main, l'autre passant
dans ses cheveux d'un geste nerveux. "Peut-être vaudrait-il mieux
que tu y ailles... Je ne me sens pas d'attaque. Et puis je veux rester près
du téléphone."
Angel hocha la tête et se dirigea vers le sous-sol. Il savait bien où Gunn était allé. Sa salle d'entraînement. Et maintenant qu'il y pensait, se défouler sur son punching-ball semblait une excellente idée. Taper sur quelques vampires et un démon gélatineux n'aidait pas vraiment - ça se finissait trop vite. Il pénétra dans la salle et s'arrêta à quelques mètres de Gunn.
Ce dernier tapait en effet sur le punching-ball. Avec toute sa force. Angel voyait bien que chaque coup l'épuisait, qu'il ne tiendrait pas longtemps. De la sueur perlait déjà sur son front.
"Dis-moi que ça n'aide pas, sinon je m'en voudrais de ne pas être descendu avant," dit le vampire en enfonçant ses mains dans ses poches.
"Ca aide un peu," répondit Gunn sans s'arrêter, sans détourner son regard haineux du punching-ball.
Ils restèrent ainsi en silence pendant quelques minutes. Seul le bruit des poings contre le sac retentissait à intervalles réguliers. Angel l'observa s'affaiblir, jusqu'à ce qu'il s'arrête, reprenant son souffle.
"Alors?"
"Alors il est mort." C'était une déclaration brutale, sans appel. "Il était noir. Il était musulman. Il était américain. Merde, c'est quoi leur problème?"
"Je ne sais pas," dit le vampire en secouant la tête. "Mais le fait qu'il ait été musulman-"
"Ne change rien à l'affaire, je sais." Le ton colérique de Gunn ne se calmait pas. Il semblait avoir déjà repris haleine, et ses yeux lançaient plus d'éclairs que jamais. "Pourquoi on fait ça, hein?" Il regarda autour de lui d'un air désabusé. "Pourquoi est-ce qu'on s'occupe de sauver ces types si c'est pour qu'ils fassent ça? Et pourquoi les démons se donnent la peine, alors qu'on serait bien capable de nous détruire nous-même sans leur aide?" Il s'était doucement avancé vers Angel, mais celui-ci n'avait pas bougé. Tout geste de recul pourrait déclencher la furie du jeune homme - si sa furie avait besoin d'un quelconque déclencheur. "Comment on peut nous demander de nous battre alors qu'y a rien à sauver!"
En effet, pas besoin de déclencheur. Gunn sauta sur Angel les poings en avant. Heureusement pour le vampire, sa rage l'empêchait de se battre vraiment, le condamnant à tenter désespérément de l'atteindre avec ses poings. Il ne riposta pas, se contentant de bloquer certains coups, d'en encaisser d'autres. "Pourquoi, hein, et comment?" criait encore et toujours Gunn.
Enfin, il s'arrêta. D'un coup, d'un seul. Et il recula de quelques pas.
"Tu te sens mieux?" lui demanda froidement Angel. Il le dépassa et se dirigea vers le punching-ball. Il le frappa de son pied, le plus fort qu'il pouvait, en ramassant au fond de lui toute sa colère et sa haine et sa culpabilité et en s'en servant pour cogner. Le sac se décrocha de son support et vola à travers la pièce. Il atterrit avec un bruit étouffé. "Parce que moi, perso, ça ne m'aide vraiment pas."
Quelques secondes de silence s'étirèrent entre eux deux.
"Il est mort..."
La voix de Gunn, coléreuse, se brisa sur le dernier mot, et il s'effondra sur ses genoux, son corps secoué de sanglots. Angel se rapprocha doucement, s'agenouilla à ses côtés et le prit dans ses bras, s'attendant à chaque seconde à être repoussé. Ce ne fut pas le cas.
"Je me rappelle encore - les premières conneries qu'on a faites - ensemble, on était des gosses... et une fois on s'est disputés et ç'a - ç'a été la guerre entre nous parce qu'il m'avait dit que - il était amoureux d'Alonna... et c'était vraiment - vraiment le seul - le seul à s'en être - sorti - et c'était un type - génial..."
Peu à peu, les sanglots se calmèrent, et Angel se mit à lui parler. Il se sentait tellement stupide à murmurer ces mots si vides de sens. "Toi aussi tu t'en es sorti. Et tout ça n'a pas de sens, c'est tout simplement stupide et bête et cruel, mais quoi qu'il se passe, tu dois continuer de te battre, parce que sinon ils auront vraiment gagné. Et surtout, surtout ne l'oublie jamais, au contraire, bats-toi pour lui."
C'est alors que Gunn le repoussa et se releva, brusquement. "L'oublier? Tu crois que je pourrais l'oublier?" Il passa une main sur son visage, effaçant rapidement ses larmes. "Jamais." Il se détourna et se dirigea vers l'escalier. "Je rentre. On se voit demain."
Angel se releva à son tour, lentement. Oui, Gunn allait très bien s'en tirer. C'était un gamin sacrément fort. Il remonta les marches. Peut-être aussi avait-il raison de partir - peut-être était-il temps pour chacun de se retrouver seul.
Il arriva dans le hall et vit Cordelia prête à partir, à côté de Wesley.
"On va y aller aussi," l'informa-t-elle.
"Toujours rien?" demanda Angel à l'intention de Wesley.
"Rien." Il était visible qu'il utilisait tout son contrôle de soi afin de ne pas exploser - de rage, en sanglots, peu importait. Il ne fallait pas craquer. Il ne fallait pas déjà perdre espoir.
"J'appelle si j'ai une vision," lui promit Cordy en s'éloignant, accrochée au bras de Wesley.
Angel se retourna vers Fred, appuyée au comptoir de la réception. "Tu t'en sors?"
"Pas vraiment," répondit-elle avec un rire nerveux. "Je voulais dire, oui, plutôt. Dis, je... Prends pas ça mal, hein... Je n'ai pas très envie de dormir seule. Est-ce que je pourrais... aucun danger pour ton âme, juste-"
"Bien sûr, Fred."
Comment aurait-il pu le lui refuser? Il la comprenait tellement. A lui aussi, cela lui ferait du bien de dormir avec quelqu'un. Aux côtés de quelqu'un, plutôt, se corrigea-t-il.
"Je suppose qu'on ne va pas s'endormir de sitôt," remarqua-t-il. "Des vidéos?"
"Des vidéos," répondit-elle. "Et une grosse tasse de sang pour toi. Tu as l'air - encore plus mort que d'habitude."
"Seulement si tu manges ces doughnuts qui sont dans le bureau. Et de la pizza?"
Elle haussa les épaules, souriante. Oui, cela leur ferait énormément de bien de rester ensemble, ce soir. Il espérait que Cordy et Wesley feraient de même. Surtout maintenant que la nuit tombait - il ne pouvait supporter l'idée de les savoir seuls cette nuit. Gunn saurait se débrouiller, mais eux...
"J'ai juste un truc à faire avant," précisa-t-il.
Elle hocha la tête et contourna le comptoir, montant les escaliers et s'éclipsant en direction de sa chambre. Elle comprenait. Cette fille était géniale. Il entra dans le bureau et se dirigea vers le téléphone. Il décrocha le combiné et hésita un instant avant de composer le numéro qu'il connaissait si bien. Occupé. Il décida de ne pas suivre son instinct et de laisser le téléphone en vie, et réessaya. Toujours occupé. Jamais deux sans trois... Mais il décida d'attendre un peu.
Il alla dans la cuisine et se fit chauffer une poche de sang dans une tasse. Pendant que le micro-ondes ronronnait faiblement, il se laissa aller. Il était si dur de se maîtriser, de ne pas sauter dans une voiture et foncer vers Sunnydale comme si la survie du monde en dépendait. Car la survie de son monde en dépendait, en quelque sorte. Il ne pourrait pas supporter de la perdre à nouveau, si tôt, d'une façon aussi stupide. Non, pas si tôt, pas comme ça... La sonnerie du micro-ondes le tira de ses pensées. Il se força à avaler le liquide épais et fumant. Ca ne l'avait jamais autant écoeuré. Il passa rapidement la tasse à l'eau et la laissa sécher sur le bord de l'évier.
Il se dirigea d'un pas aussi nonchalant que possible vers le bureau et s'approcha du téléphone. Le décrocha. Composa le numéro. Ca sonnait! Ca sonnait. Bien, ça sonnait. Qu'allait-il lui dire, si elle décrochait?
"Allô?"
C'était elle, c'était sa voix et elle était en vie, et elle lui parlait. Il n'eut qu'un moyen d'exprimer tout ce qu'il ressentait, le soulagement et l'amour, et la joie et la reconnaissance.
"Buffy."