~~~~Part 31~~~~
- "J'ai peur de ne pas bien comprendre," reprit Wesley.
- "Oh, ne voyez là rien d'alarmant, après tout cette rumeur
attend d'être confirmée. Ce ne sont que des bruits de couloir pour
l'instant, mais ils se font de plus en plus présents. Et je pense personnellement
qu'ils vont bientôt se préciser."
- "Mais c'est impossible. L'ordre de toute chose impose l'existence des
Tueuses afin de maintenir le fragile équilibre entre le Bien et le Mal.
Sans elles, nous sommes perdus; et d'ailleurs le Conseil perdrait également
toute raison d'être... Personne ne s'affole?" demanda Wesley sensiblement
paniqué.
- "Calmez-vous Wesley. Le Conseil sait veiller au mieux sur ses intérêts.
Comme vous le savez il sert de 'tampon' entre les Forces Primordiales qui sont
au-dessus de tout et le monde humain dans lequel évoluent les Tueuses.
Tant que le Mal existera et que ces Forces enverront des guerriers le traquer,
le Conseil servira de gouvernail humain pour les Elus. Si les Tueuses disparaissent
un jour, en revanche je serais prêt à parier que ce ne sera pas
notre cas," ajouta Nigel avec un sourire déplacé.
- "J'aimerais bien savoir ce qui vous fait penser ça! Et de plus
je trouve votre désinvolture à ce sujet particulièrement
déplaisante. Le sujet est grave, et j'ai l'impression que vous n'accordez
aucun prix aux efforts et à la vie de ces deux jeunes filles!"
- "Pourquoi, le devrais-je? Je vous rappelle que le Conseil existe pour
former et guider les Tueuses dans leur mission. Nous ne sommes pas là
pour 'copiner', même si certains oublient cette règle fondamentale.
Nous sommes les décideurs, et elles sont les exécutrices. Nous
détenons le savoir, et elles y accèdent quand bon nous semblent.
Ce que vous refusez de voir depuis votre séjour en Amérique Wesley,
c'est que depuis toujours les Tueuses n'ont d'autre but que d'obéir au
Conseil!"
- "Je partageais cet avis lorsque l'on m'a envoyé sur le terrain,
mais les expériences pratiques nous montrent combien tout ceci n'est
qu'une illusion. Le Conseil ne peut pas contrôler complètement
une Tueuse, en tout cas si elle a un minimum de tempérament."
- "Ah, nous touchons le point sensible! Je me suis laissé dire
que justement cette prophétie mal définie encore, serait dûe
à cet excès de temparement dont font preuve les deux dernières
Elues. A elles deux, elles cumulent les cas inédits : Buffy morte et
réanimée provoquant l'envoi d'une nouvelle Tueuse qui ne lui survivra
pas -et ce malgré son application tout à fait exemplaire à
la tâche ; Buffy s'amourachant d'un des vampires les plus dangereux de
l'histoire et le libérant du sort qui le neutralisait ; Buffy encore,
à cause de qui M. Giles s'est fait démettre de ses fonctions -fait
sans précédent dans la généalogie des Observateurs
avant que vous ne soyez vous-même renié par Buffy! ; Buffy toujours,
qui mêlent des civils et sa famille à des affaires réservées
aux seuls initiés. Sans parler de Faith qui a tué des êtres
innocents, a trahi notre cause et s'est alliée à un fou démoniaque.
Le summum étant leur affrontement mutuel!! Mais où allons nous??
Voyons Wesley, quelque chose cloche horriblement dans leur histoire. Mon travail
aux archives m'a permis de constater que toutes les deux ont causé plus
de soucis au Conseil que toutes les Tueuses de la création réunie!
Et je pense que c'est afin de contenir tout débordement ultérieur
que les Forces Primordiales ont décidé de ne plus nommer de Tueuses.
Mais nous auront une solution de remplacement, et j'ai peut-être déjà
une idée..."
- "Comment pouvez-vous savoir tout ça?" lui demanda Wesley,
encore sous le choc de la nouvelle.
- "Mr. Travers a confiance en moi et en mon travail," répondit-il
non sans orgueil. "Et je lis mon cher, je lis toute la journée!
Et vous savez combien la bibliothèque du Conseil est abondante. Une vie
entière ne suffirait pas à en venir à bout. Mais j'ai une
tactique : je m'attache en premier à l'étude des derniers ouvrages
rentrés. Et c'est absolument remarquable tout ce que l'on peut apprendre
de ces vieux manuscrits qui refont surface!"
- "Et selon vous, qu'est-ce qui succèdera aux Tueuses?"
- "J'ai une théorie intéressante en la matière. Je
ne devrais pas vous en parler avant que l'information ne soit officielle, mais
je crois que vous mettre au courant pourrait accélérer le processus.
Et si mes suppositions sont bonnes, l'issue de votre audition à la Cour
du Conseil devrait prendre un chemin que vous ne soupçionniez pas."
- "C'est-à-dire...?"
- "Je veux dire que d'anciennes prophéties jusque là gardées
secrètes annonçaient la fin des Tueuses et prédisaient
l'avènement de nouveaux guerriers pour lutter contre les forces du mal.
Ces guerriers existent déjà, mais n'ont jamais été
contrôlé par aucune autorité hormi la leur. Et à
présent nous sommes à un tournant de notre histoire, car la dernière
Tueuse est une hybride des deux races!!"
- "M. Wimdham-Price, veuillez-vous avancer je vous prie," annonça un gros homme en costume rayé.
**********
Alex sursauta dans son lit. Il avait été long à s'endormir
et alors que c'était presque gagné, voilà que son père
hurlait son nom derrière la porte de la cave.
- "Debout là-dedans, quelqu'un veut te voir!"
Péniblement, le jeune homme se mit debout et entreprit l'ascencion de
l'escalier.
- "Oh, tu te grouilles ! Je suis en train de louper le match!!"
- "J'arrive, j'arrive," répondit Alex, écoeuré
par tant de paternalisme bienfaisant.
Il ouvrit la porte et aperçut une silhouette féminine aux côtés
de son père.
- "Tiens, cette fille veut te voir. Je me demande bien pourquoi... En
tout cas au moins, je vais pouvoir rassurer ta mère, y'a des chances
que tu ne sois pas gay... Mais attention, c'est pas un motel ici!"
- "Ca va papa, je paye mon loyer et d'abord c'est pas ce que tu crois!"
- "Quoi, t'es gay??! Petit con, je savais que t'étais de la mauvaise
graine..."
Et alors que le père d'Alex semblait, dans son ivresse, résigner
à prendre son fils pour un punching-ball, Faith réagit avant lui,
se jeta sur Alex et colla sa bouche contre la sienne. La tension retomba, sauf
pour Alex qui sentait grandir un autre genre de tension.
- "Ne vous inquiétez pas pour votre fils Monsieur Harris, il a
tout ce qu'il faut où il faut," lui lança Faith avec un grand
sourire avant de lui claquer la porte au nez.
Alex, encore sous le choc, ne regarda Faith qu'après avoir péniblement
redescendu les escaliers.
- "M...merci," lui dit-il simplement.
- "Pas de quoi. Je vois que je ne suis pas la seule à mal vivre
une certaine autorité parentale!"
Quelque part, cette constation rassurait Faith. Toute sa vie elle s'était
sentie seule et rejetée, comme si personne d'autre qu'elle ne pouvait
savoir ce que c'était que de souffrir. A présent qu'elle s'ouvrait
aux autres, elle découvrait que la vie n'était facile pour personne.
Et cette idée rendait paradoxalement l'existence plus supportable. Alex
reprit le dessus et mit de l'ordre dans ses idées. Faith chez lui, à
la nuit tombée, et elle l'avait embrassée... Soudain, il s'affola
:
- "Qu'est-ce que tu veux??!" demanda-t-il précipitamment.
Le ton de sa voix surprit Faith. Elle ne s'attendait pas à un tel accueil.
- "Heu, je...je ne veux pas te déranger... je..."
Alex la fixait sans broncher, attendant avec appréhension la suite de
la phrase.
- "Oui...?" lui fit-il alors qu'elle tardait.
- "Je suis venue parce que je ne voulais pas être seule," avoua
péniblement la jeune fille, les yeux baissés.
La voyant ainsi, Alex s'en voulut d'avoir été si peu poli, d'autant
que Faith avait fait preuve de tact face au comportement honteux de son père.
- "Excuse-moi Faith. Je crois que je viens d'apprendre quelque chose ce
soir. Alors que tu t'efforces de changer malgrè toutes les difficultés
que cela comprend, nous nous comportons envers toi à l'inverse de ce
que nous te demandons."
Le visage de Faith semblait perplexe. Visiblement elle avait du mal à
comprendre.
- "Toujours aussi clair Harris, se rouspéta Alex. Je veux dire
que tout le monde ne cesse de te répéter que tu dois adopter une
nouvelle attitude face aux gens qui t'entourent, et nous, nous sommes incapable
de faire la même chose avec toi. Donc, ce soir, j'ai décidé
d'arrêter ça et de me conduire différemment."
- "Et comment?" lui demanda Faith. "Tu veux faire l'amour, c'est
ça? Non que ça me déplairait, mais ça revient encore
au même: une fille et un garçon, et ça repart..."
- "Non...heu, j'allais dire : en ami. Tu sais, je te l'avais déjà
proposé, avant. De t'écouter, de t'aider, d'être présent
quoi. Une fille et un garçon, ça ne se limite pas au sexe."
*Et c'est moi qui dit ça* s'étonna Alex dans son for intérieur.
*Wah, je m'impressionne ce soir!*
- "Pardon, j'ai tendance à réagir vite et... mal sans doute."
- "Personne ne te demande de te juger aussi durement. Tu as tout un aspect
de la vie à découvrir: l'amitié, l'entraide, les soirées
télé, et plein d'autres choses qui font les bons moments de la
vie, ceux que tu passent avec les personnes que tu aimes." Faith semblait
mal à l'aise. Alex réalisa que sans doute Faith n'avait jamais
vraiment connu l'amour, qu'il soit filial ou fraternel. C'était étrange
de la voir ainsi, elle qui d'ordinaire pouvait être si sûre d'elle-même
et d'une insolence rare. "Où est-ce que tu habites à Sunnydale?"
- "Joyce et Buffy m'ont accueilli chez elles. J'ai discuté avec
Buffy avant de venir, elle était franchement fatiguée. Joyce n'était
pas là, et j'avais envie de... compagnie."
Elle avisa que sa remarque était peut-être déplacée.
- "Je te propose de rester ici cette nuit," continua Alex. "Attention,
en tout bien toute honneur, pour te prouver qu'un homme et une femme peuvent
être ensemble tout en se respectant. Marché conclu?"
- "OK, ça peut être un défi intéressant. Je
n'ai jamais fait ça avant," lança-t-elle à Alex avec
un sourire plus sensuel qu'elle ne l'aurait voulu. Visiblement, les mauvaises
manies prendraient du temps avant de s'estomper.
- "Bon, pour la télé c'est raté, mais j'ai un petite
radio et un jeu de scrabble, ça te dit ?"
- "Pourquoi pas."
*********
Le casino brillait de mille feux. L'édifice était haut et vaste,
empli d'une rumeur incessante. Les éclats de rire et les paris des joueurs
se mélaient aux tintements des machines à sous et au bruit incessant
des bavardages. Joyce était resplendissante ce soir. Comme un électrochoc,
l'annonce du remariage de son ex mari l'avait amené à reconsidérer
sa vie sentimentale, et le flash-back qu'elle en avait fait la laissait irrémédiablement
frustrée. Le dernier petit-ami en date avait été un robot
psychopathe, vraiment pas de quoi se vanter. Quelque part, elle s'en voulait
de rejeter l'amour que Buffy éprouvait pou Angel. Au moins, ces deux
là étaient sincères jusqu'au fond de leurs âmes.
Sa vie à elle était dépourvue de cet amour, si tant est
qu'elle l'ai connu un jour.
- "M. Giles, que diriez-vous d'essayer la roulette?"
- "Si vous voulez."
- "Vous semblez bien pensif. Quelque chose ne va pas?"
- "Non, j'étais simplement en train de réaliser que je suis
dans un casino à Sunnydale, alors que j'y ai à peine mis les pieds
à Las Vegas..."
- "Oui, vous êtes vraiment quelqu'un à part."
- "Il faut croire en effet. Pensez-vous que ce soit mal?"
La question surprit Joyce. Rupert Giles se remettait-il en question?
- "Non, je ne crois pas, au contraire. Les gens hors du commun sont souvent
bien plus intéressants. Et puis dans notre entourage, peu de personnes
sont dans la norme."
- "Oui, c'est vrai. Je devrais arrêter de me poser des questions
sur mon côté british comme disent les jeunes."
- "Oui, et vous amuser un peu plus. Allez venez, ce soir nous allons faire
des folies!!"
Ceci dit, elle attrapa la main de Giles et l'entraîna vers les tables de jeu.
**********
Angel déambulait dans les rues étrangement désertes de
Sunnydale. Cela aurait dû l'inquiéter, car sans doute était-ce
le signe d'une activité demoniaque accrue décimant la population.
Pourtant cette nuit, il n'y pensait pas. D'ailleurs, c'était préférable,
car personne n'avait cru bon de l'avertir de l'inauguration du nouveau casino
où s'était justement massé les habitants de la ville portés
manquants...
Non, Angel était préoccupé. Plus que d'habitude.
Il repensait à son avenir avec Buffy, n'osait croire encore à
leur bonheur. Même si leur histoire n'était pas parfaite, elle
avait au moins le mérite d'être possible. Ce qui l'inquiétait
le plus à vrai dire, était l'inévitable discussion qu'il
aurait à mener avec Joyce. Il était adulte, beaucoup plus vieux
que la plupart des êtres qui peuplent notre terre, et pourtant il ne pouvait
se départir d'un étrange sentiment qu'il avait oublié depuis
longtemps : l'angoisse des explications familiales. Surtout vis-à-vis
de la belle-famille. En réalité, c'était la première
fois qu'il était confronté à ce problème. Lorsqu'il
était vivant, il se justifiait peu auprès des familles de ses
fugaces conquêtes. Tout au plus présentait-il ses excuses pour
avoir déflorer la petite dernière de la famille qu'on destinait
au noviciat. Mais jamais cela ne l'avait gêné. Aujourd'hui c'était
différent, car il voulait avoir le consentement de la mère de
Buffy, ce qui pour lui était sans précédent. Et les arguments
pour sa défense ne se bousculaient pas. Il était difficile de
faire admettre à une mère qu'un vampire fera tout pour rendre
heureuse sa fille. Même lorsque la mère s'appelle Joyce Summers
et que sa progéniture est une Tueuse. Elle reste une mère, une
montagne écrasante occultant l'immensité paisible qui ouvrait
la voie de leur bonheur.
Tout en réfléchissant au discours qu'il allait tenir à Joyce et qui sans doute manquerait de rationnalité -ou comment justifier qu'un homme de plus de 240 ans envisage son avenir avec une jeune fille de 18 ans..., Angel était troublé par des visions de champs de maïs se perdant à l'infini. Si elles ne lui déplaisaient pas car pleine de soleil et de vie, elles commençaient à le perturber par les massacres de bétail qu'il voyait se perpétrer sous ses yeux. Il avait l'impression d'être l'auteur de ses pillages, qui ne se limitaient pas à cela puisqu'il terrorisait les habitants des hameaux isolés et volait leurs biens. Il n'était pas seul à commettre ses exactions, et il avait bien conscience que cela n'appartenait pas à son propre passé, mais cela ne le soulageait pas vraiment. Il culpabilisait encore plus en se remémorant les faits oh combien plus dramatiques dont il était lui-même l'auteur. En prenant le côté sombre de l'âme de Ridley, Angel avait absorbé des souvenirs qui ne lui appartenait pas et qu'il ne maîtrisait pas vraiment. Il fallait qu'il fasse le point sur ses évènements qui désormais habiteraient sa conscience. Et pour cela il ne connaissait qu'un remède.
**********
Amoureusement installés devant la télé, Willow et Oz visionnaient
une cassette dont le son et l'image servaient avant tout de cadre à leur
discussion contemplative.
- "Oz, à quoi penses-tu?" lui demanda la jeune fille.
- "Je réalise que nous sommes à quelques jours de la rentrée
universitaire et que finalement je n'ai que très peu envie d'y aller,"
répondit-il calmement.
- "Tu ne veux plus faire d'études? Oz, rassure-moi, tu ne vas pas
tout abandonner??"
- "Je n'ai pas d'affinités particulières avec les études.
Je suis doué pour les examens, un point c'est tout. J'hésitais
à accepter des propositions d'emploi, pour commencer une vie d'adulte
et tout. Mais j'hésite. Le côté 'vie d'adulte et tout'...."
- "Tu vas abandonner tes études??"
Willow restait bloquée sur cette idée inconcevable à ses
yeux. Oz lâchait tout.
- "Ce ne sera pas définitif, juste le temps de voir venir. J'ai
besoin de faire le point, sur ma vie, mon avenir et tout le reste."
- "Sur nous...?" demanda fébrilement Willow.
- "Non, 'nous' est bien la seule chose dont je sois sûr sur cette
terre," la rassura-t-il avec un large sourire. "C'est juste que si
je dis oui à cette entreprise de Los Angeles, je devrai partir plusieurs
jours durant."
- "Mais tu rentrerais les week-ends, n'est-ce-pas?"
- "Autant que possible. Peut-être deux fois par mois."
- "Je vois," dit Willow résignée. "Je suppose
que je dois être compréhensive... Tu n'approuves pas complètement
mon engouement pour la sorcellerie et pourtant tu ne cesses de me soutenir,
alors je crois que je dois faire pareil..."
- "Et ce n'est que pour un contrat de 3 mois. Renouvelable ensuite, mais
tu sais comment fonctionne le monde du show-bizz."
- "Quel rapport?" souligna Willow, perdue.
- "Cette boîte s'occupe des arrangements de musiques de film, et
de groupes en général, alors les missions sont souvent ponctuelles.
Mais ça me plaît comme ça : du travail technique et musical,
sur une courte période. C'est cool. Et Devon est emballé à
l'idée de faire des concerts à L.A. avec des affiches des Dingos
devant les boites .Moi je me dis qu'on a intérêt à bosser
dur pour ça..."
- "Apparemment tu y as déjà bien réfléchi."
- "Oui, je veux mettre les études en stand-by pour l'instant. Tu
m'en veux?"
- "Non, je crois que non. Je suis triste c'est tout... Mais je suis aussi
très fière que tu aies eu cette proposition ! J'ai toujours su
que je n'étais pas groupie pour rien, tu as du talent!"
- "Merci," lui répondit-il avec amour.
- "Et puis," enchaîna-t-elle, "je vais prendre un appart
sur le campus où tu pourras venir me rejoindre à chaque fois que
tu rentreras. On ne sera plus obligés d'éviter mes parents et
de rester chez les tiens. Ils sont super, c'est vrai, mais ça manque
de... enfin, tu sais..."
- "D'intimité," finit-il en souriant.
Willow lui rendit son sourire et se laissa aller dans ses bras.
**********
Tara avait fini par se résigner à éteindre la lumière.
La nuit était déjà bien avancée, et elle avait besoin
de sommeil. Ces derniers jours, elle avait tendance à privilégier
une activité nocturne, plus à même de faciliter le bon fonctionnement
des sortilèges qu'elle expérimentait.
Pourtant, cette nuit elle n'était pas tranquille. Eléanor avait promis qu'elle ne rentrerait pas trop tard pour qu'elles puissent partir tôt demain matin rendre visite à des amis communs. Tara ne savait pas encore conduire, et Eléanor devrait être en forme pour prendre le volant. Pourtant elle ne pouvait pas lui en vouloir de sortir. Elle-même s'en voulait tellement de ne pas être capable de l'accompagner par angoisse de la foule et des regards qu'elle trouvait suspicieux à son encontre. *Un jour,* pensa-t-elle, *je vaincrai tout ça.*
- "Quel était son nom?"
Angel parlait tout haut, pour lui-même, dans l'espoir de trouver ce qui
l'agaçait tellement.
- "Mais ce n'est pas vrai, ça n'est pas si vieux pourtant!"
Armé d'un annuaire, il parcourrait les noms qui défilaient devant
ses yeux.
- "Caufield... Christians... Cobarn... Connelly! Oui, c'est ça,
Connelly!"
Angel allait se saisir du combiné téléphonique lorsqu'il
s'aperçut de l'heure tardive. On n'appelait pas les gens en pleine nuit.
Du moins les vivants.
Animé d'une impatience qui lui était peu commune, il décida
d'aller jeter un coup d'oeil chez la personne en question.
Il arriva en face de la maison alors qu'une voiture venait de s'arrêter
presque à sa hauteur. Plus par réflexe que par nécessité,
il se tapie dans l'ombre et observa les deux personnes sortir du véhicule.
L'homme enlaça la femme, l'embrassa et la regarda s'éloigner vers
la porte d'entrée. Elle s'immobilisa sur le seuil et attendit que la
voiture fut partie, en agitant son bras en signe de bonsoir. Soudain, elle se
rendit compte qu'elle n'était toujours pas seule. Sentant une présence
à ses côtés, elle sursauta en se tournant vers l'homme qui
se trouvait tout près d'elle.
- "Bonsoir Melle Connelly," lui dit l'intrus.
- "Qui êtes-vous? Partez où j'appelle la police!!"
- "Non, regardez-moi, vous me reconnaissez?"
Elle sembla chercher au tréfond de son esprit et son visage s'éclaira
lorsque le souvenir refit surface.
- "Ah oui, je me rappelle! Vous êtes celui qui m'a sauvé
la vie ce fameux soir!"
- "Mon nom est Angel," dit-il calmement.
- "Oui c'est ça, Angel... Sur le coup, avec un nom pareil, j'avais
pensé que c'était le Seigneur qui vous avez envoyé. N'y
voyez pas d'offense."
En guise de réponse, Angel lui sourit. Ce n'était pas la première
fois que quelqu'un lui faisait cette remarque. Malheureusement, pour la première
qui l'avait prononcé -sa propre soeur, cela avait été fatal.
Il effaça cette image de son esprit et se concentra sur la raison de
sa venue.
- "Melle Connelly, j'ai besoin de votre aide."
**********
- "Mr. Wimdham-Pryce. Expliquez à cette Cour ce qui vous fait penser
que Faith puisse être réhabilitée."
Assis devant 7 de ses supérieurs en habit d'apparat, Wesley sentait
ses cheville frémir à chaque intonation de voix. Finalement, un
vampire, qu'est-ce que ça avait de si terrible?
- "Et bien, comme je viens de vous le rapporter, Faith a changé
au cours de cette expérience dans le désert..."
- "Oui, vous l'avez dit," le coupa un des hommes en cravate. "Ce
que nous voulons entendre, c'est votre sentiment profond, la raison qui vous
pousse à croire qu'elle peut accéder à la rédemption."
Après une courte seconde d'hésitation, Wesley se lança
:
- "La foi, messieurs. J'ai foi dans les capacités de cette jeune
fille, et je crois qu'elle-même à trouver la foi dans son coeur.
Et si je peux ajouter, elle a le meilleur entourage qui soit pour se remettre
dans le droit chemin."
- "Vous parlez d'une Tueuse rebelle et d'un Observateur démis de
ses fonctions?" dit l'un d'eux, sarcastique.
- "Heu, oui... Enfin, non! Je parle d'une Tueuse comme nous n'en avons
jamais vu auparavant, avec un courage extraordinaire et une capacité
de décision peu commune, qui a su gagner les combats qu'elle a mené
grâce à sa capacité à réagir vite et à
s'attirer l'amitié d'alliés puissants."
- "Des civils!!" gronda un des hommes.
- "Des compagnons de lutte, bien plus habiles sur le terrain que tous
les membres du Coneil réuni!" s'emporta Wesley. "Heu, pardon...
sans vouloir vous offenser."
- "Continuez," lui intima l'homme qui présidait.
- "Quant à son ancien Observateur, sachez qu'il est toujours aussi
compétent et qu'il mène un combat acharné au côté
de la Tueuse. Et que je leur voue tout mon respect, à l'un comme à
l'autre," termina Wesley." D'un coup, il sentit ses épaules
s'affaisser, comme si le regain de courage qu'il venait d'avoir face à
cette Cour inquisitrice l'avait vidé de son energie vitale."
- "Bien, M. Widham-Pryce. Nous allons tenir compte de vos remarques et
vous ferons part de notre décision. Vous pouvez vous retirer."
Ceci dit, ils se levèrent et sortirent en silence de la salle, suivi
par un Wesley sceptique. A l'extérieur, il fut rejoint par Nigel.
- "Alors, comment ça s'est passé?" lui demanda-t-il.
- "Difficile à dire, il vaut mieux attendre le verdict."
- "Si vous voulez mon avis, ils vont être indulgents. Ils ne peuvent
pas faire autrement de toute manière. Ce n'est pas à eux de décider
cette fois. Ca vient de plus haut."
- "Vraiment? Vous me semblez bien sûr de vous et excité par
cette histoire," lâcha Wesley visiblement intrigué.
- "Oui, j'avoue que tout ceci est très motivant. Les choses vont
changer Wesley, une nouvelle ère arrive."
- "Je crois avoir compris quelles sont vos suppositions quant aux successeurs
des Tueuses, et effectivement vos hypothèses sur Faith en la matière
sont tout à fait viables. Mais des mages noirs pour lutter au nom du
Bien, cela ne présente-t-il pas des risques?"
- "Les Forces Primordiales savent ce qu'elles font, vous ne pensez pas?"
- "Si, sans doute... Mais je suis surtout préoccupé par
le devenir de Buffy et de Faith. Comment va se faire la passation des pouvoirs?"
- "Sur ce point, je vous concède que j'ai encore quelques lacunes," avoua Nigel.
*********
- "Angel, qu'est-ce que je peux faire pour vous aider?" demanda Melle
Connelly.
- "C'est un peu compliqué, et il est tard. Peut-être que
je devrais repasser..."
- "C'est important, non? Sinon, vous ne seriez pas venu à cette heure."
- "C'est exact."
- "Alors entrez, nous allons en discuter à l'intérieur."
La jeune femme lui indiqua de ne pas faire trop de bruit pour ne réveiller
personne. Une fois dans le salon, ils seraient plus tranquilles. Alors qu'elle
allait fermer la porte pour isoler la pièce du reste de la maison, une
voix retentit dans son dos:
- "Comment s'est passée ta soirée?"
- "Bien, merci. Fred est un type charmant, je l'aime beaucoup, mais je
me demande si ça va durer."
- "Encore un que tu vas faire souffrir... Une psychologue n'est pas censée
avoir réglé la majorité de ses problèmes avant de
professer?"
- "Ce n'est pas parce que je n'ai pas trouver l'homme de ma vie que je
ne peux pas exercer mon métier!"
- "Je sais, je plaisante! Mais dis-moi, c'est bien un homme qui est assis
sur le canapé??"
- "C'est une vieille connaissance, et il a besoin d'aide."
- "Hum... Ne veille pas trop tard."
- "Oui maman!" lui répondit-elle avec humour. Puis elle referma
la porte du salon derrière elle et vint s'assoir en face d'Angel.
- "Excusez-moi, c'est ma cousine Tara, elle vit avec moi en ce moment.
Elle fait sa rentrée universitaire à Sunnydale cette année,
et je m'occupe d'elle le temps qu'elle soit logée sur le campus. Ca me
fait de la compagnie, c'est sympa..."
Se rendant compte qu'elle bavardait sans retenue comme si Angel était
un ami perdu de vue depuis longtemps, elle s'arrêta net, confuse et l'incita
à lui expliquer son problème.
- "C'est une histoire étrange. J'ai eu un accident il y a quelque
temps, qui a provoqué une amnésie totale. J'ai retrouvé
mes souvenirs peu à peu, mais j'ai le sentiment que certains sont encore
enfouis et ne demandent qu'à resurgir." Angel avait répété
cette tirade plusieurs fois dans sa tête. Elle lui avait semblé
plausible, mais à présent qu'il voyait la réaction de la
jeune femme, il n'en était plus aussi sûr. "J'aimerais me
remémorer ces souvenirs afin de mieux les accepter," termina-t-il.
- "C'est tout à fait compréhensible et sain. Mais vous savez
que cela peut être long. Une psychothérapie prend du temps."
- "Je pensais que peut-être... par l'hypnose..."
- "En effet, c'est une possibilité." Angel ne s'attendait pas à ce que la jeune femme soit aussi ouverte sur ce sujet. Il lui avait toujours semblé que médecine et sciences ésotériques ne faisaient pas bon ménage. "Je ne sais pas si ce genre de choses vous est familier Angel, mais dans ma famille ma cousine et moi faisons figures de mauvaises filles. Moi parce que j'explore le cerveau humain et ses angoisses, elle parce qu'elle a un penchant et des dons pour tout ce qui est... ésotérique."
Elle n'aimait pas employer le mot 'magique' sans savoir vraiment si la personne
en face d'elle était prête à l'entendre. Quelque chose lui
disait que cet Angel n'était pas quelqu'un d'ordinaire et qu'il comprendrait
ce genre de chose, mais il fallait qu'elle en soit sûr. Sunnydale était
une ville pleine de dangers et de phénomènes paranormaux, elle
l'avait appris à ces dépens au cours de cette fameuse nuit au
cours de laquelle Angel lui avait sauvé la vie. Elle avait bien vu le
visage de cet être qui avait essayé de la mordre, comme son acolyte
avait fait avec sa meilleure amie morte quelques secondes avant devant ses yeux.
Depuis, elle ne pouvait qu'encourager Tara à exploiter son don, et elle-même
s'intéresser à ces étranges habitants qui vivaient à
Sunnydale.
La voix d'Angel la ramena à la réalité.
- "... tombe bien, moi aussi," lui dit-il.
- "Heu, pardon?"
- "Je disais que moi aussi, je suis porté vers les activités
plus ou moins paranormales."
- "Alors vous seriez prêt à tenter l'hypnose?"
- "Oui, j'aimerais beaucoup."
- "Il faut que vous sachiez que vous serez mon premier patient humain. J'avoue que j'hésite... Peut-être ne suis-je pas suffisamment compétente. Pourtant, je m'excerce depuis si longtemps et je sais que j'en suis capable... Je..."
- "Je suis persuadé que vous allez y arriver Melle Connelly. J'ai
confiance."
- "D'accord, nous allons le faire. Sachez que tout ce que vous direz restera confidentiel, je suis avant tout un praticien. Jeune c'est vrai, mais assermentée. Donc vous pouvez vous libérer de toute entrave, je suis absolument neutre."
Soudain, Angel se demanda s'il avait choisit la bonne solution. Il n'avait
pas réalisé qu'il pourrait en dire plus long sur son passé
que ce qu'il ne voulait. Il ne suffisait pas de cocher sur un formulaire la
case 'passé de Ridley'. Voyant son hésitation, la jeune femme
demanda :
- "Si vous préférez prendre le temps de la réflexion,
ou consulter un autre spécialiste peut-être..."
Angel sentait un soupçon de soulagement dans sa voix, mais également
de la déception. Il se décida à agir. Il n'avait pas fait
tout ça pour rien, et cette fille était plus que tout autre en
mesure de l'aider et de le comprendre.
- "Non, je suis prêt. Vous pouvez commencer Mademoiselle."
- "S'il vous plait, appelez-moi Eleanor. Ou alors je vous appellerai Mr.
Angel, dit-elle en souriant. "Je vais chercher mon matériel, et
nous allons commencer la séance. La nuit est un des meilleurs moments."
Angel ne resta pas longtemps seul. Eleanor revint avec son pendule et un guide abondamment illustré en guise de sécurité. Il lui expliqua le mieux qu'il put quelle sorte de souvenirs il voulait faire resurgir, et elle prit des notes pour poser les bonnes questions. Au bout de quelques minutes, Angel ne vit plus le balancement du pendule devant ses yeux, et il se retrouva au milieu d'un saloon enfumé.