"J'ai une de ces envies de fromage!!" Amy constatait avec angoisse
que les instincts animaux qui l'avaient accompagné pendant presque deux
ans faisaient de la résistance dans son cerveau. Cela allait sans doute
durer encore pas mal de
temps, mais finalement cette perspective avait un aspect rassurant. Après
tout c'était l'élement le plus tangible dans sa vie à l'heure
actuelle. Parce que ce qu'elle pouvait voir d'elle même en ce moment ne
la réjouissait pas vraiment. Elle comptait bien en toucher deux mots
à Willow. Mais de prime abord elle avait paniqué après
sa re-métamorphose, se retrouvant debout pour la première fois
depuis tant de mois. Tout l'avait poussé à s'enfuir. Mais ce qui
l'avait motivé en priorité était l'organe supplémentaire
qu'elle avait senti à un endroit où il n'aurait pas dû être.
Et c'était perturbant.
***************
Cela ne ressemblait pas à Cordelia. Offrir l'hospitalité pour
la nuit à un inconnu, dans une ville où elle ne connaissait à
vrai dire pas grand monde, c'était de la folie. Qu'est-ce qui lui avait
pris d'inviter un paumé irlandais visiblement porté sur la boisson
et atteint d'une maladie bizarre ? Si encore il avait une fortune personnelle
ou d'anciennes relations dans le show bizz... Bon le second cas était
réellement impossible; les acteurs possèdent tous des signes de
reconnaissance extérieurs : dents étincelantes, brushing impeccable,
vêtements à l'image des derniers ensembles de Brad et Jennifer
(Pitt bien sûr) et odeur..., comment dire..., enfin pas celle du trottoir
quoi. Quant à la fortune personnelle, même si elle en doutait fort,
ça méritait tout de même une enquête approfondie pour
le cas où... Le petit-déjeuner avait permis à Cordelia
de se détendre un
peu. Elle sentait vaguement qu'elle n'avait rien à craindre avec ce type
aux manières frustes mais parfois étonnement
prévenant. Elle s'était quand même enfermée à
clef dans sa chambre histoire de pouvoir un peu dormir. Elle l'entendait
de temps en temps grommeler dans le salon, s'énervant contre les personnes
qu'il disait responsables de ses maux de tête. Cordelia connaissait le
problème; elle s'évanouissait beaucoup moins qu'avant mais elle
se rappelait bien les douleurs provoquées par ces migraines. Et celles
de Doyle avaient l'air nettement plus costauds, au point qu'il pouvait s'effondrer
à terre. Il lui avait parlé de visions envoyées par des
types haut placés. Cordelia n'y avait plus vraiment prêté
attention lorsqu'elle sut que ça ne parlait pas d'elle et de son avenir
auréolé de paillettes.
En voyant Doyle avalé avec entrain ses oeufs au bacon -Cordelia avait
constaté avec soulagement qu'il pouvait les
préparer seuls- elle eut soudain peur de le voir s'incruster jusqu'au
déjeuner.
- "Bon, c'est pas que tu m'ennuies complétement mais là
tu vois j'ai des rendez-vous, alors si tu pouvais faire vite..." lui dit-elle
avec son plus beau sourire. "T'avais un souci pour cette nuit et tout le
monde sait que je suis la première à aider mon prochain, mais
là c'est bon, la B.A.c'était hier soir."
- "Pas de problème je finis ça et je te laisse," répondit-il
en enfournant une bouchée. Bizarrement le ton tranchant de
Cordelia ne le blessait pas mais l'amusait plutôt. Il sentait que derrière
cette superficialité se cachait une personne intéressante. Mais
ne lui demandez pas d'expliquer pourquoi... il ne le comprenait pas lui-même.
- "Heu... je crois que cette chose est à toi." Cordelia indiquait du bout du pied une chaussette isolée au coin du canapé.
- "Oh pardon, j'ai tendance à me disperser," fit-il avec un
sourire.
- "Mouais, c'est agréable..." répondit Cordelia avec
une moue écoeurée.
- "Pas habituée à la vie à deux hein?"
- "Quoi!!? Et alors je t'en pose des questions moi sur tes saletés
de migraines et tes allures d'alcolo prématuré??!!"
- "J'ai vu juste."
- "J'ai que ... 22 ans (après réflexion, il lui avait semblé
que gonfler un peu le nombre de ses années feraient un peu plus... professionnel.)
et je suis seule parce que ... je le veux!!"
- "Mmm mm."
- "Tu m'énerves! Dehors. Tu ne sais rien de moi et je ne te permets
pas de me juger."
- "OK, j'arrête. Je dois voir Angel en fin d'après-midi,
tu as un message pour lui?"
- "Non, Xander m'a vaguement parlé d'une affaire en cours, mais honnêtement, j'ai mieux à faire que remettre le nez dans leurs sales histoires. Surtout si tu y mets le tien."
- "Oui y'a des chances, je ne suis pas messager pour rien."
- "Voilà qu'il va se croire investi d'une mission. On aura tout
vu."
- "Non pas encore. Mais ça pourrait venir."
- "..."
- "Non, rapport à mes visions, cherche pas, je ne voudrais pas
que ça te perturbe princesse.
- "Et arrête de m'appeler..."
- "J'dois y aller! Désolé pour la bouteille de cognac, mais
y'en restait qu'un fond! A bientôt!"
- "J'espère pas!!"
- "Je sais que si," dit-il avec un sourire en s'éloignant.
Enervée, Cordelia se rendit compte qu'elle ne lui avait pas demandé pour la fortune personnelle...
**********
Amy déambulait dans le centre commercial, sans autre but que de mettre
un peu d'ordre dans ses idées. Reprendre les cours allait être
délicat et en plus elle n'avait pas terminé le lycée. Et
elle n'existait plus vraiment en tant qu'Amy. Elle était retournée
dans la maison de sa mère et avait constaté qu'elle avait été
mise en vente. L'agent immobilier qui la faisait visiter lui avait dit que la
soeur de la propriétaire avait décidé de s'en débarasser
après la disparition de celle-ci suivie de celle de sa fille quelques
mois après. Il ne restait plus à Amy qu'à retourner chez
son père, mais comment lui expliquer son absence et surtout son retour
en homme. Il ne croierait jamais que c'est elle. Enfin lui...
Elle fit une pause aux toilettes et ne s'aperçut du problème que
lorsqu'une vieille femme s'approcha d'elle
l'air courroucé.
- "Excusez-moi jeune homme mais vous n'avez rien à faire ici."
- "Mais je fais la queue comme tout le monde..."
Elle comprit en voyant son visage dans le miroir au-dessus du lavabo. On a
beau savoir la chose, on a une facheuse tendance à l'oublier.
- "Oh, pardon madame, je suis confuse, oh... heu... confus. Enfin, c'est
compliqué, mais je ne peux pas aller chez les
hommes quand même..."
La vieille femme la regardait sans rien comprendre. Une dame chic proche de la cinquantaine prit le relais.
- "Jeune homme je vous prie de sortir ou j'appelle la sécurité.
Vous nous importunez. Si vous avez des problèmes personnels ou des troubles
de l'identité parlez-en à un médecin. Mais en attendant
pour vous c'est la porte d'en face."
Amy sortit les épaules basses, trop vexée pour même penser
à un petit sort pour se venger. Pour l'instant elle avait
envie d'aller aux toilettes et une seule solution s'offrait à elle. Que
la vie était compliquée.
**********
Doyle devait rencontrer Angel devant un café à la nuit tombée. Il avait déjà commencé sa tournée en attendant histoire de ne pas perdre son temps. Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas le vampire arriver derrière lui.
- "Doyle?"
- "Oh! J'aurai bientôt l'argent..." Il ne termina pas sa phrase,
reconnaissant Angel dans la pénombre.
- "Pardon, déformation professionnelle. Ne fais pas attention.
Ravi de te revoir mec!"
- "Moi aussi je suppose."
Angel restait dubitatif en ce qui concernait ce petit irlandais qui sentait
le whisky et qui apparemment avait
pas mal de problèmes courants.
- "Entrons, je dois te parler sérieusement."
Le dernier mot semblait presque un paradoxe dans la bouche de Doyle.
Ils s'installèrent à une table située au fond du café,
sûrs d'être tranquilles dans ce recoin enfumé.Angel attendait
que Doyle entame la discussion.
- "Je me suis déjà plus ou moins présenté à Vegas la dernière fois que l'on s'est vu, mais je vais reprendre pour que ce soit plus clair. Voilà, je bosse pour les Forces Primordiales qui s'amusent à régenter nos vies, la tienne y compris puisque tu es une de leur créature comme beaucoup d'autres. C'est leur truc à eux, leur hobbie. Bon, et il se trouve qu'ils m'envoient des visions, la plupart du temps elles représentent des gens en danger mais ce n'est pas exhaustif.
- "Pourquoi toi?"
- "Hé bien, j'ai un passé compliqué. Disons pour
faire simple que j'ai des choses à me faire racheter. Tu vois
sûrement de quoi je parle..."
Angel releva l'allusion.
- "Oui très bien. Mais pourquoi charger un humain d'un tâche
pareille, tu n'as pas les ressources qu'il faut."
- "Hé! J'ai tout ce qu'il faut où il faut! En fait je ne
suis pas complètement humain, je le suis qu'à moitié. Ma
mère avait un penchant pour les gars originaux. Et me voilà !
Mais j'te rassure, je vis bien mon côté démoniaque. En ce
qui me concerne, c'est même plus facile à gérer que mon
compte en banque."
- "Et pourquoi moi?"
- "Ah ça ! Je peux pas t'expliquer, parce qu'ils m'ont rien dit.
Je connais ta vie et je sais ce que j'ai à faire, mais ils ne sont pas
avares de détails. D'ailleurs, ils le sont tellement peu que je m'attendais
à ce que notre rencontre soit plus simple. Je m'étais imaginé
que tu allais débarqué à L.A. et que tu me filerais un
coup de main pour les cas d'urgence qu'on me télégraphie direct
en ligne cervicale! Sauf que ton passage à L.A. a été plus
que court d'après ce que j'ai compris, et personne m'avait prévenu
que tu repartirais pour Sunnydale. Moi j'ai carrément pas envie d'aller
vivre dans ce bled. Y'a beaucoup trop de démons à tendance apocalyptique
la-bas, je préfère les nôtres."
- "Les démons de L.A. sont plus... cool?" demanda Angel hésitant.
- "Ouais, y'a des ghettos entre races et même des boites de nuit.
Bref on est organisé."
- "Je vois ça. Mais tu ne m'as toujours pas expliqué ce
que je peux faire dans cette histoire. Parce que j'ai une affaire urgente à
gérer à Sunnydale, et si je suis venu ici c'est pour prendre quelques
informations."
- "Ca tombe bien, je vais sans doute pouvoir t'en donner. Y'aurait pas
un type habillé en noir et blanc dans ton
affaire?"
- "Comment tu sais ça??" Angel était de plus en plus
dérouté.
- "Les visions mec, les visions. Mais avant, j'ai un truc qui me chiffonne...
Dis-moi, Cordelia, t'aurais pas un ou
deux tuyaux à me donner?"
**********
Lindsey était perturbé. Il était rentré plus tôt
du bureau après avoir gagné le procès qu'il avait mené
cet après-midi. Il ne cessait de repenser à Buffy. Finalement
cette rencontre avec Cordelia Chase avait eu des bons côtés. OK
il l'avait trouvé insupportable et creuse dans ses propos, mais il est
vrai qu'il n'avait pas fait très attention à ce qu'elle disait.
Il avait laissé Lee se charger du divorce de la jeune fille, et en avait
fait juste assez pour qu'elle le remarque. Le reste s'était passé
encore mieux
que ce qu'il avait espéré, puisqu'il s'était retrouvé
à dîner chez Buffy. Il n'avait pu s'empêcher de l'observer
toute la soirée, et sans doute l'avait-elle remarqué. Tant pis,
cela n'avait aucune importance. De toute façon, de quoi pouvait-elle
se douter.
Grâce aux appuis occultes dont bébéficiait son cabinet d'avocats,
Lindsay avait cherché à retrouver la trace de son père.
Il ne l'avait jamais connu. Sa mère lui avait dit que pour les gens comme
son père, élever des enfants était proscrit. Mais il ne
savait pas jusqu'où il pouvait la croire. Même s'il avait entrepris
des recherches il y a quelques années, jamais il n'avait bénéficié
de ressources comme celles accessibles au cabinet. Et il s'en était servi,
à tel point qu'il avait retrouvé une piste très
intéressante qui l'avait amené tout droit à la Tueuse.
Il avait croisé par hasard le chemin d'une confrérie, puissante
à en croire Holland, qui cherchait des appuis pour le jour de sa renaissance.
Il ne s'était que vaguement penché sur l'affaire, jusqu'à
ce qu'il voit mentionner dans des chroniques secrètes le nom de sa mère
associé à celui d'un certain Malthus, membre de ladite confrérie.
Il était sûr qu'Holland avait prémédité cette
trouvaille "fortuite", mais il était bien décidé
à poursuivre son enquête. Il en apprit un peu plus sur cette mystérieuse
société bien que la plupart des détails soient hors de
portée. Il parvint néanmoins à éclaircir le point
qui l'intéressait : il était le fils de Maria McDonald et de Malthus
C., membre éminent de l'assemblée des Mages Noirs. Et il savait
que quelques années après, Malthus C. avait eu un autre enfant,
une fille que plus tard on appelerait la Tueuse et qui serait sans doute la
dernière de son espèce. Tout concordait avec les renseignements
qu'il avait accumulé : Buffy était sa demi-soeur.
Sauf que manifestement, Lindsey ne possédait pas toutes les informations...
Mais ça il l'ignorait.
**********
Amy avait fini par prendre le chemin de chez Willow afin d'obtenir son aide
et ses explications sur les nouveautés de ces derniers mois. Malheureusement
Mme Rosenberg l'informa que sa fille passait la soirée chez son amie
Buffy et qu'elle espérait la voir rentrer avant 23h mais qu'elle n'en
était pas sûre parce que les enfants grandissent si vite et qu'ils
n'obéissent plus comme avant à leurs parents et que c'était
dommage mais que l'éducation était devenue une tâche bien
difficile et comment s'en sortait ses parents?
- "Maman avait volé mon corps pour être pom pom girl mais me l'a rendu et a été neutralisée grace à des sortilèges magiques et papa n'a plus de nouvelles de moi depuis bientôt deux ans et ne me reconnaîtra sans doute pas puisque je suis devenu un garçon."
L'effet était réussi, Mme Rosenberg oscillait entre l'horreur et le comique, tous les deux se traduisant par un rire nerveux. Amy abrégea ses souffrances par un "bonne soirée madame et merci du renseignement" et s'en fut, laissant la pauvre dame perplexe sur le palier. C'était un plaisir sadique, mais ça faisait si longtemps qu'elle ne s'était pas amusée !
Elle arriva chez Buffy après de longues minutes de marche à travers
les quartiers de Sunnydale. Elle fut soulagée de voir de la lumière
et s'empressa de frapper à la porte. Elle ne serait pas contre un petit
quelque chose à grignoter.
- "Bonsoir," adressa Buffy au nouveau venu qu'elle regardait avec
curiosité.
- "Salut Buffy, c'est Amy!"
- "Oh pardon Amy je ne t'avais pas reconnu!"
- "Tu es toute excusée," lui répondit Amy avec indulgence.
"Comment tu me trouves?"
- "Heu, t'es plutôt pas mal... comme ça."
- "Mouais. Enfin j'espère que Willow pourra m'aider à redevenir
moi-même."
- "Entre, on va voir ce qu'on peut faire. En tout cas je suis bien contente
de te revoir."
Willow et Tara terminaient de descendre l'escalier. Willow réagit la
première.
- "Amy! On t'a cherché une bonne partie de la journée! Où
étais-tu?"
- "Je me suis baladée un peu partout, histoire de retrouver un
peu mes esprits. Mais ça a été une expérience...
étrange."
- "Tu vas nous raconter ça, venez vous asseoir dans le salon. Quelqu'un
veut boire quelque chose?" demanda Buffy.
- "Je ne voudrais pas gêner. Je veux dire, peut-être que ta
mère..."
- "Non Amy ne t'en fais pas, ma mère ne rentre que demain soir."
- "Bon, alors ce sera une bière pour moi," adressa-t-elle
à Buffy sur un ton qu'elle aurait voulu moins rauque. Buffy, Will et
Tara la regardèrent, interdites. "Oups, je crois que mes hormones
sont touchées." Le visage d'Amy prit soudain une expression terrifiée.
"Je vais devenir comme ces lourdingues qui comparent leurs engins dans
les toilettes publiques?? Willow aide-moi!!!"
- "Heu... on va faire tout ce qu'on pourra..." Mais sa voix était
bien peu assurée. "Tara fait également de la magie, elle
a participé à mes recherches. Oh, c'est vrai je ne t'ai pas dit,
nous nous sommes rencontrées à la fac," poursuivit Willow.
- "Enchantée Tara, une sorcière de plus c'est toujours ça
de pris."
- "Je... je ne suis pas très... douée. Mais... j'essaye."
Amy la regarda avec compassion. Cette fille devait avoir de sacrés complexes.
Elle ne croyait pas possible que
quelqu'un en ait plus qu'elle en ce moment!
- "J'ai trouvé une formule qui pourrait fonctionner. Si tu veux
on essaye tout de suite," proposa Willow.
- Allons-y, je n'ai rien à perdre. Et vraiment je ne serai pas fâchée
de me débarasser de ce corps. C'est toujours
mieux qu'un rat, mais bon y'a certains trucs qui me gênent."
- "J'ai cru com... comprendre que tu t'étais toi... toi-même
transformée," acheva Tara.
- "Oui mais c'était une situation de crise, et j'ai lancé le sort un peu trop rapidement. Je n'en avais jamais utilisé un sur moi, en tout cas pas de cette ampleur. Et j'avoue que depuis tout ce temps j'aurais besoin de réviser mes classiques en la matière.
- "Voilà les jus de fruits," annonça Buffy les mains
chargées. "Amy je n'ai pas de bière alors j'espère
que de l'oran..."
Buffy n'eut pas le temps de terminer sa phrase. A la place d'Amy-homme se tenait
une fillettede 6 ans éberluée. Willow s'approcha d'elle avec précaution.
- "Amy?! Mon dieu c'est pas moi, je n'avais même pas encore commencé,
je ne comprends pas, enchaîna Will.
- "Peut-être que le sort qui l'a rendu humaine est instable..." tenta d'expliquer Tara. Mais elle fut bien vite interrompue par le cri strident d'une tête aux couettes blondes qui hurlait un "MAMAN!!!!!" à tout rompre.