La lune trônait haut dans le ciel d'ébène, ronde clarté
au visage captivant. Willow rêvait seule dans le parc de l'université.
Elle ne savait plus depuis combien de temps elle était assise là
à contempler les étoiles, mais comme toujours cela lui procurait
un réconfortant sentiment de plénitude. Cet espace si vaste au-dessus
de sa tête ne cessait de l'émerveiller, encore plus depuis le départ
de Oz. Il lui offrait une présence régulière, infaillible
et apaisante. D'autant que ces derniers jours avaient été mouvementés,
mais à bien y réfléchir pas beaucoup plus que les précédentes
vacances ou les précédentes années depuis sa rencontre
avec Buffy. C'était sans doute la meilleure chose qui lui soit arrivée
dans la vie, par les révélations que cela avait entraîné
et le bouleversement qui s'était opéré dans sa vie. Mais
à présent elle se sentait seule. Non pas qu'elle ne soit pas entourée,
ses amis étaient là pour lui prouver leur attachement. Mais Oz
lui manquait. C'était la première fois depuis Alex qu'elle sentait
l'amour au fond d'elle-même, et elle aurait souhaiter franchir un pas
supplémentaire en cette année d'université qui marquait
le passage pour chacun d'entre eux à l'âge adulte. Une légère
pluie la tira de ses rêveries et la força à regagner sa
chambre dans le batiment non loin de là. Au moment de franchir le seuil,
elle aperçut un point lumineux haut dans le ciel, suivi d'une traînée
blanchâtre qui s'étirait dans son sillage.
- "Tiens, une comète", pensa Willow à voix basse en
voyant l'astre s'approcher. Elle en profita pour faire un voeu, se disant qu'une
comète pourrait tout aussi bien faire l'affaire qu'une étoile
filante quand il s'agit de souhaiter le retour de la personne que l'on aime.
A cette pensée, elle s'imagina Buffy seule dans le manoir, étrangement
petite au milieu de ces grandes pièces emplies d'un vide presque palpable.
De son côté Buffy était effectivement seule dans ce qui
fut la maison de tous ses espoirs et qui à présent n'était
plus qu'une grande prison sans barreau. Comme souvent à cette heure de
la nuit, elle avait envie de courrir dans les bras de sa mère, lui crier
sa douleur et se laisser aller à pleurer toutes les larmes de son corps.
Mais elle ne voulait pas ennuyer sa mère avec ses états d'âme
alors que celle-ci avait bien assez à s'occuper avec ses propres soucis.
Cette nuit pourtant Buffy n'était pas seule; Faith était venue
dormir chez elle après avoir passé la soirée avec son frère.
Elle avait eu envie de parler à Buffy des informations dont Lindsey lui
faisait part, et de plus cette nuit était spéciale pour Giles
et Joyce : l'Observateur avait eu la délicate attention d'inviter Joyce
à dîner dans un des rares restaurants chics de la ville, et de
lui proposer de terminer la soirée devant une pièce de théâtre
qui se jouait exceptionnellement dans une des salles du Sun Cinema. Buffy et
Faith avaient trouvé ça très élégant de sa
part, et aussi très romantique bien que rien ne laissait
supposer que les choses étaient devenues plus sérieuses entre
eux. Mais au cas où elles se seraient trompées Faith avait préféré
déserter la maison pour ne pas assister à de gênantes effusions...
Buffy quant à elle évitait de penser à cette éventualité,
la chose la dégoutait toujours autant même si elle tentait de se
résonner.
**********
A L.A., Doyle s'acharnait contre Cordelia : "Tu crois vraiment que ce type t'aurait proposé de l'épouser ? Je ne te savais pas aussi naïve ! Tu as lu ce qu'ont dit les journaux ? Il était riche, jeune, fils de bonne famille et FIANCE !!!! Retiens surtout le dernier mot ! Tu n'étais qu'une passade, une greluche de plus !".
- "Je ne suis pas persuadé que ce soit la meilleure chose à dire à une fille trompée" lui murmura doucement Angel.
- "Je... je ne suis pas une gre... et zut tu m'ennerves, qui te dit qu'il
aimait cette fille ? Il était sans doute obligé de donner le
change pour ses parents, mais ça ne veut pas dire qu'il ne ressentait
rien pour moi !" répliqua Cordelia.
- "Ouais, alors réponds franchement : depuis quand le connaissais-tu
?" lui demanda Doyle.
- "Un jour".
- "Et il t'a invité le jour même ?"
- "Oui".
- "Dans un restaurant gastronomique ?".
- "Oui".
- "Il t'a présenté à ses amis ?"
- "Oui".
- "Et il t'a ramené chez lui, puis t'a laissé partir au matin
?"
- "Oui et alors ??" s'écria Cordelia énervée.
- "T'as pas l'impression qu'il t'a baladé ton Arthur ? Il a eu une
fille pour parader toute la soirée sans avoir à en payer les services,
si tu vois ce que je veux dire" lui lança Doyle comme une évidence.
Ce qu'il reçut en échange le laissa sans voix. Sa joue cuisait
sous les marques incrustées des doigts de Cordy.
- "T'es qu'un salaud ! Ce que tu insinues est complétement faux
! Je ne suis pas une call-girl !!!". Et Cordelia chercha le regard d'Angel
afin d'y lire l'approbation, mais tout ce qu'elle y trouva fut le souvenir coupable
de leur nuit d'amour à Vegas. Pas de quoi arranger les choses.
- "Non, je ne suis pas comme ça..." finit-elle pas dire comme
pour s'en convaincre.
Doyle, remit de sa surprise, entreprit de la rassurer : "Je n'ai jamais
prononcé ce mot Cordelia, et je ne le dirai jamais à propos de
toi. Malgré tout ce que tu peux penser de moi, je ne suis pas un monstre".
Il fut interrompu par le léger toussotement d'Angel qui se terrait toujours
dans un coin de la pièce, à l'abri du ring. Doyle lui jeta un
regard noir et poursuivit: "Si je te dis tout ça c'est simplement
parce que je t'estime. Tu es loin d'être aussi bête que tu veux
bien le montrer".
- "Hey, c'est comme ça que tu te rattrapes ??" lui jeta Cordelia.
- "Admets que c'est la vérité. Tu es une fille étonnante,
pleine d'humour et magnifique, et je ne voudrais pas que la course au prince
charmant te marque à vie. Crois-moi, d'autres s'y sont cassé les
dents avant toi. C'est tout ce que je voulais te dire".
Doyle passa devant Cordelia, la regarda tellement droit dans les yeux qu'elle
en baissa la tête, puis il sortit.
- "Il a raison ?" demanda timidement Cordy à Angel.
- "Je crois que quelqu'un aurait dû te dire ça depuis longtemps"
lui répondit gentimment Angel.
- "Oh, mais Alex l'a fait. Seulement je ne voulais pas écouter.
Je mettais ça sur le compte de sa débilité. Remarque peut-être
que Doyle souffre du même problème !"
- "Non, je ne crois pas. Peut-être simplement que c'est toi qui te
caches la vérité en accablant les autres. Réfléchis-y".
*********
La pièce de théâtre s'était terminé tard,
et la soirée encore plus. Giles voulait oublié les Mages Noirs
ainsi que la désopilante image de Wesley au lit avec Olivia. Quand son
homologue Observateur lui avait annoncé la nouvelle tout penaud, Giles
avait d'abord été choqué et puis finalement amusé.
Qu'allait-il bien pouvoir lui arriver d'autre ? Il avait décidé
de bien réagir et de ne pas leur en vouloir. Après tout il avait
quand même mis enceinte la mère de Buffy, ça n'était
pas rien dans le rayon "grosse bourde". Ce soir-là après
le théâtre, Joyce et lui avaient voulu se changer les esprits autour
d'un cappuccino, en évitant
soigneusement tout ce qui pouvait sentir de près ou de loin l'alcool.
Et ce faisant, ils s'endormirent tous les deux devant la télé
qui passait pour elle seule les scènes légendaires "D'autant
en emporte le vent".
Buffy fut surprise par les coups tapés contre la porte du manoir. Qui pouvait bien venir la voir à cette heure ? Faith fut réveillée également , et resta aux aguets alors que Buffy allait ouvrir. Sur le seuil se tenait un homme grand, immobile et la tête penchée.
- "Heu... Bu...Buffy, pardon de te déranger, je... passais juste par là..." ("just passing by" dans le texte ;)
- "Buddy ?? Mais qu'est-ce que tu fais là ? Ca va pas ?" demanda
Buffy au comble de la surprise.
- "Hé mec t'exagères !" lui lança Faith. "OK
t'es amoureux d'elle, mais faudrait voir à pas emmerder le monde avec
ton trop plein d'hormones ! T'es gentil mais y'en a qui essaye de dormir !"
Buffy, amusée par le ton agressif de Faith, regarda le jeune homme baisser
encore plus la tête et se confondre en excuses. Contente d'elle, Faith
fit un clin d'oeil à Buffy et retourna se coucher.
- "Entre si tu veux" lui dit Buffy. "Il pleut et tu es trempé".
- "Non, ça va. Mais je veux bien entrer" se reprit-il aussitôt.
A ce moment là une forme sombre le percuta violemment, l'envoyant s'écraser
contre le mur du salon. Buffy eut à peine le temps de réaliser
ce qui se passait que Spike lui asséna un coup de poing dans la figure.
- "Hé mais t'es malade " lui cria Buffy alors qu'elle commençait
à saigner du nez.
- "J'en ai marre de toi ! Tu pollues ma vie ! Enfin ma mort, mais bon c'est
pareil. Alors je suis là pour en finir une fois pour toute. En garde
Tueuse !!" acheva-t-il en mettant les deux poings en avant.
- "Spike, c'est pas le moment" lui répondit Buffy d'un ton
las. "Je ne sais pas si tu sais mais Faith est là, et elle va m'aider
à te foutre dehors à gros coups de pieds dans le cul. Alors vire
avant de regretter d'avoir passer cette porte."
- "Tu bluffes, t'as que de la gueule !"
- "Salut Spike, on est de sortie ?" lui jeta Faith en s'avançant
vers lui avec un pieu dans la main. "Buffy, c'est une drôle d'habitude
de recevoir des garçons aussi tard dans la nuit. Après c'est moi
qui passe pour la mauvaise fille" rajouta-t-elle avec humour.
- "Je ne voulais pas déranger..." recommença Buddy.
- "Oh pardon, j'ai gâcher la partie de jambes en l'air" ricana
Spike en se rendant enfin compte de la présence de Buddy. "C'est
Angel qui serait pas content... Surtout avec monsieur j'ai-la-tête-aussi-ronde-que-mes-
fesses !"
- "C'est de moi que vous parlez ?" demanda Buddy vexé. "Vous
me rentrez dedans, vous ne vous excusez pas et en plus vous m'agressez, qu'est-ce
que je vous ai fait ?"
- "T'existes petit, c'est tout". Spike le regardait de travers, comme
un tout jeune vampire en face de sa première jugulaire.
- "Spike tu ferais mieux de partir. T'es en sous nombre, alors va voir
ailleurs si y'aurait pas un rat à tuer" lui conseilla Buffy.
- "Je pourrais vous avoir toutes les deux, les Tueuses je connais. Mais
pas ce soir, encore un peu de patience. Et puis surtout j'aurai même pas
besoin de le faire. Je suis juste venu pour vous dire un truc : je ne sais pas
si vous avez vu les infos à la télé, mais si ce n'est pas
le cas, vous devriez le faire." Ceci dit, il s'évanouit dans l'obscurité
de la nuit.
- "Qui était ce type ?" demanda Buddy, choqué et en
colère. "Et qui sont les Tueuses ?"
- "C'est un pote avec qui on a longtemps fait du théâtre.
On s'amuse encore de temps en temps" tenta d'expliquer Buffy.
Visiblement, Buddy avait du mal à avaler la pilule, mais il n'insista
pas.
*********
Au petit matin, tout le monde se réunit au domicile de Joyce, devenu pour un temps le nouveau quartier général par intérim. La nouvelle s'était répandue comme un traînée de poudre. Un astéroïde avançant à une vitesse phénoménale approchait de la terre. Les médias rejetaient la faute sur les différents gouvernements ainsi que sur la communauté scientifique, leur reprochant de savoir la nouvelle depuis déjà plusieurs jours et de ne rien avoir dit au public. D'autres les disculpaient en expliquant que de cette manière une trop vive panique avait été évitée, et que de toute façon le savoir plus tôt n'aurait fait qu'aggraver les choses. Mais désormais on pouvait affirmer clairement que Glenn, le nom de baptême de l'astéroïde qui fonçait sur la terre, rentrerait en collision avec celle-ci dans moins de 24 heures. Dès que l'annonce fut officielle et prononcée dans le monde entier, les réactions ne tardèrent pas à fuser.
Buffy était complètement désemparée. Elle qui avait
su faire face à tant d'obstacles se retrouvait soudain acculée
à l'impuissance comme les simples mortels. Elle était dans l'incapacité
d'intervenir cette fois, et Giles ne trouvait rien dans les ouvrages dont il
disposait qui aurait pu les aider. Joyce avait tout d'abord cru à une
plaisanterie, puis était tombée dans un profond desespoir en réalisant
qu'elle ne mettrait jamais l'enfant qu'elle portait au monde. Depuis lors, elle
restait prostrée dans le salon, ses deux mains posées sur son
ventre et parlant doucement à son bébé. Giles n'avait su
trouver les mots pour apaiser ses craintes, car pour la première fois
de sa vie, non seulement il les partageait mais n'avait aucun moyen d'empêcher
le pire d'arriver : tous ceux qu'il aimait allaient mourrir, et son enfant ne
verrait jamais le jour. Il ne saurait jamais s'il aurait donné une petite
soeur ou un petit frère à Buffy. S'il n'avait jamais craint la
mort en particulier, aujourd'hui il la haïssait de toutes ses forces. Mais
cela ne résoudrait pas le problème.
Wesley s'était lui aussi réfugié chez les Summers. Le Gang
était plus sa famille que la sienne et le Conseil réunis, et de
toute manière il était impossible de penser à rentrer en
Angleterre : plus personne n'était à son poste de travail et les
transports aériens se retrouvaient dans la même situation que tout
le quotidien : plongés dans l'anarchie totale. Tara avait prévenue
Willow qu'elle allait passer ses dernières heures avec sa cousine Eléanor,
et qu'elles envisageaient de rentrer dans leur famille si toutefois les routes
étaient praticables. Leurs adieux furent très éprouvants,
les larmes se mélèrent aux sourires effrayés par tant d'incohérence.
Dès qu'elle eut quitté Tara, Willow alla trouver Buffy pour lui
demander d'aller ensemble à L.A. Elle n'arrivait pas à joindre
Oz, les réseaux téléphoniques étant saturés
de toutes parts, et elle refusait de vivre ses derniers moments sans lui. Buffy
fut plus que d'accord, d'autant qu'elle même ne pensait qu'à retrouver
Angel et se blottir à jamais dans ses bras. Faith resta abasourdie par
la nouvelle et regretta surtout de ne pas avoir eu plus de temps pour connaitre
son père et son frère.
Inconsciemment, elle espérait que la condition de Mage Noir pourrait
leur empêcher la mort à tous trois. Elle se reprocha de suite cette
pensée égoïste mais pourtant bien légitime en une
pareille situation. C'est à la vue de Xander qu'elle comprit combien
elle avait à perdre, et quand il la serra très fort dans ses bras
elle se laissa aller à pleurer comme rarement elle l'avait fait. Elle
ne craignait pas la mort, elle l'avait si souvent donné, mais elle se
demandait si les âmes étaient effectivement jugées à
leur arrivée au ciel. Car si elle commençait à trouver
sa place sur terre, peut-être que cela n'irait pas aussi facilement au
royaume de la mort. Etrangement, elle repensa à Anya qui les avait précédé
dans ce sort funeste, et s'en voulu pour la
première fois d'avoir espéré sa disparition. Finalement,
qui méritait de mourir ? Et qui avait le droit de le décider ?
A présent, les mots de Buffy lorsqu'elle tua l'assistant du maire lui
revinrent en mémoire. Buffy avait raison depuis le début. Une
Tueuse n'a pas plus le droit de tuer qu'un autre être. Mais alors pourquoi
les avoir créer ? Peut-être pour sauver le plus d'innocents possibles,
du moins au regard des PTB. A moins que tous ne soient que des marionnettes
entre les mains de puissances supérieures qui s'affrontent depuis la
nuit des temps. L'ascension des Mages Noirs et la chute des Tueuses l'amenaient
à
considérer cette théorie comme hautement probable.
Le départ de Buffy et Willow ne se fit pas. Elles avaient réussies
à joindre leurs amants respectifs par le seul moyen encore à peu
près utilisable : le web. Ils étaient à présent
en route pour Sunnydale. Oz avait décidé de rentrer de son côté
avec les Dingoes qui eux aussi avaient de la famille en ville. Quant à
Angel, il arrivait avec ses deux acolytes aussi vite que possible. Bien que
ses parents se trouvaient au Canada, Cordelia préférait suivre
Angel auprès de Buffy. Son instinct de survie lui disait que là
où était Buffy le danger y était aussi mais qu'une solution
ne serait sans doute pas loin non plus. Doyle, n'ayant ni famille ni amis à
L.A. se joignit à eux sans regret. Il ne tenait à rien de particulier
dans ce monde si ce n'était ses rares plaisirs d'un
soir et le sourire de Cordelia. Pelotonné à l'arrière de
sa voiture sous une couverture, Angel se laissait conduire. Doyle ne respectait
rien, pas plus que les milliers de citadins fuyants les violences de la cité.
Il se faufilait entre les voitures, n'hésitait pas à occuper les
trottoirs et à se frayait un mince chemin à travers la cohue.
Il leur
fallut plusieurs heures avant d'arriver à Sunnydale, épuisés
mais enfin rassurés.
Buffy les accueillit et les fit installer dans le salon. Joyce descendit le
temps de prendre un verre de lait et de leur lancer un timide sourire, puis
s'éclipsa au premier, se verrouillant dans sa chambre. Aucune des attentions
de Giles y faisaient. Elle était à présent dans un autre
monde, coupé de la réalité dans une douce torpeur. Aussitôt
Angel entré, Buffy se blottit dans ses bras et se laissa aller à
verser discrètement sa première larme. L'homme qu'elle aimait
était à présent avec elle, et ceci rendait les choses plus
supportables. Cordélia était encore plus détestable que
d'habitude, surtout après avoir appris de la bouche de Wesley qu'ils
n'avaient trouvé aucun moyen d'éviter la catastrophe. Elle s'en
prit violemment à Buffy, qu'elle
considéra immédiatement comme la responsable.
- "Tu es une incapable, le monde s'écroule et toi tu restes dans
les bras d'Angel au lieu de tous nous sauver ! D'habitude tu te sacrifies pour
nous, on pleure et tout rentre dans l'ordre !"
- "Cordelia !!" gronda Giles, "tu n'as pas le droit de dire ça.
Buffy pas plus que le Conseil ou tout autre ne peut contrôler les éléments
de la nature. Nous sommes impuissants et aussi injuste que cela puisse paraître,
il n'y a pas de solution. J'ai contacté une personne de mes connaissances
qui est astrophysicien, et il m'a appris que cet astéroïde avait
été détecté il y a quelques semaines seulement.
Sa trajectoire n'était alors pas dangereuse. Mais il semble qu'il ait
percuté entre temps un objet de plus petite dimension, qui au lieu de
le détruire lui a modifié son cap. C'est comme ça qu'il
se dirige sur nous, vers l'Afrique du Sud apparemment, depuis 4 jours à
peine, et personne n'y peut rien. Le plus étonnant est que le secret
ait été gardé 3 jours
durant."
- "Je n'aurais jamais pensé finir ainsi" murmura Willow. "Tuée
par un démon ou transformée par mégarde en oeuf de Pâques
à la limite, mais brûlée et asphyxiée par des nuées
ardentes ça sûrement pas."
- "T'as dit quoi là ?? Brûlée et asphyxiée ??
Je ne veux pas mourrir brûlée et asphyxiée !! C'est hors
de question, je ne peux pas !!" cria Cordelia complètement affolée.
"En plus ça doit faire mal !"
Elle était sur le point de pleurer lorsque Doyle s'approcha d'elle et
la prit dans ses bras. Etonné, il la vit se laisser faire et se mit à
la bercer doucement, l'entraînant vers le canapé où Wesley
échangeait quelques mots avec Alex et Faith.
- "J'ai vu mon frère, mais il m'a dit qu'il ne pouvait pas rester.
Apparemment il voulait joindre à tous prix son bureau à L.A. Je
ne sais pas ce que des avocats peuvent faire dans une situation pareille, mais
il paraît qu'ils ont des contacts avec les démons. Peut-être
qu'ils en ont un sous la main qui soit estampillé "repousseur d'astéroïdes"",
plaisanta Faith.
Wesley et Xander sourirent gentimment en pensant que si cette idée saugrenue
pouvait être vraie...
- "Et ton père ?" lui demanda Xander.
- "Je ne l'ai pas revu. J'ai tenté de le contacter mais je n'y suis
pas arrivée. J'espère qu'il passera me voir avant qu'il soit trop
tard", rajouta-t-elle avec une note de regret.
- "Ne t'inquiète pas, il viendra" la réconforta Xander.
- "Oui, je suis sûr qu'en tant que Mage Noir ses perceptions doivent
l'amener à agir différemment de nous. Mais il n'oubliera pas sa
fille", rajouta Wesley dans un sursaut d'attention pour son ancienne Tueuse.
- "Merci les mecs".
L'heure passait, et Oz se faisait toujours attendre au grand désarroi
de Willow. Anxieuse, elle tenta de lui téléphoner de nouveau mais
ne put l'obtenir pour cause de réseau toujours plus saturé. Ses
amis tentaient de lui changer les idées, mais au fur et à mesure
l'angoisse devenait intolérable.
- "Je ne peux pas attendre ici à ne rien faire, je vais aller
à sa rencontre !" annonça-t-elle.
- "Ne sois pas ridicule" la raisonna Buffy, "tu n'es pas sûre
du chemin qu'ils auront réussi à emprunter, et sortir en ce moment
relève du suicide. Les gens sont tellement paniqués qu'ils sont
prêts à tuer pour un rien. Même si je comprends ton impatience,
je ne te laisserai pas sortir" lui dit Buffy.
Les provisions de Joyce s'amenuisaient à mesure que le temps s'écoulait.
On mangeait plus pour tromper l'ennui et la peur que par réelle faim.
Buffy s'était plusieurs fois mise à l'écart avec Angel,
pour partager leurs derniers moments d'intimité. Les télé
et radios recommandaient de rester cloîtrés dans les maisons et
promettaient de tenir la population au courant à l'approche de l'impact.
La tension était palpable, les coeurs serrés et les estomacs plus
lourds que jamais.
Willow pleurait à chaudes larmes à l'idée de ne pas avoir
revu Oz une dernière fois, et Faith se voyait pour la première
fois dans le rôle de la bonne âme consolatrice. Alors que seulement
2 heures les séparaient à présent de l'échéance
fatidique, Oz frappa chez les Summers. Willow courrut à sa rencontre,
et ne s'aperçut qu'après quelques minutes que son visage était
tuméfié.
- "Qui t'a fait ça ?" lui demanda-t-elle surprise.
- "Les types dehors. Ils sont tous devenus fous."
- "Heureusement, tu es avec nous maintenant". Et Willow le serra contre
son coeur.
Tout le monde s'était rassemblé dans le salon. Même Joyce
se trouvait parmi eux, confortablement installée entre Giles et Buffy.
Le présentateur télé était blême et avait
du mal à ne pas bégailler.
- "Mesdames et messieurs, nous sommes les rares personnes aujourd'hui
à occuper nos postes. Par conscience professionnelle, nous avons tenu,
mon équipe et moi-même à rester présents à
l'antenne le plsu longtemps possible. Mais je pense que vous comprendrez parfaitement
que nous désirions passer nos derniers moments avec nos familles. Pour
empêcher
tout abus ou désinformation, nous allons couper l'accès aux studios,
comme l'ont fait avant nous nos collègues. Je vous souhaite bon courage,
et au nom de notre Président : "Que dieu bénisse l'Amérique"".
L'image fut coupée et l'écran ne transmettait plus que de vagues
grésillements.
- "Nous n'avons plus qu'à attendre", murmura Willow.
- "Je veux que vous sachiez que vous avez fait de ma vie une expérience
plus belle que tout ce que j'aurais pu espérer. Malgré les difficultés
et les peines que nous avons endurées, je considère que j'ai eu
une existence privilégiée et je vous remercie tous pour ça"
déclara Giles.
Buffy se leva et prit son Observateur dans ses bras. Seule Joyce put entendre
le "merci... papa" que murmura sa fille à l'oreille de Giles.
Elle rendit grâce au ciel d'avoir cet homme avec elles et de constater
une fois de plus l'importance qu'il avait eu dans la vie de sa fille, remplaçant
le vide que Hank n'avait su combler, pas même alors que le pire était
imminent.
Ils se levèrent tous sous l'impulsion d'Alex : "Nous ne parlerons
peut- être pas tous, alors je vous propose de nous donner la main et de
chanter. Qui a une idée ?"
- "Yellow submarine des Beatles" proposa Oz.
- "Pas sûre que ce soit de circonstance" rattrapa Faith.
- "Que pensez-vous de "love me tender" ?" se hasarda Joyce
faisant enfin entendre le son de sa voix.
- "Allons pour Elvis" l'encouragea Giles.
Et tous se mirent à entonner la mélodie du King, avec ferveur
et chaleur pour oublier leur dénuement. Les regards se croisaient, certains
plus intensément que d'autres, mais toujours avec l'amour dans les yeux.
Du loin de son cerveau, Faith entendit retentir un "Je suis avec toi mon
enfant" qui la remplit de courage et de bonheur. Son père s'était
enfin manifesté, quelque fut le moyen dont il disposait. Elle chanta
avec un élan redoublé, suivie par le choeur de ses amis qui s'élevait
toujours plus haut, jusqu'à devenir une clameur criante de désespoir
et de colère.
Un bruit d'une puissance gigantesque retentit de toutes parts et se propagea
à l'infini. Les secousses phénoménales et le souffle destructeur
envahirent les entrailles et la surface de la Terre. L'atmosphère se
voila d'un noir grisatre et l'air était d'une épaisseur opaque.
Tout n'était que désolation et suffocation. Certaines régions
étaient submergées par de prodigieuses inondations alors que d'autres
subissaient de redoutables incendies. La vie animale et végétale
quittait cette planète. Seuls quelques specimens résisteraient
peut-être grace à des spécificités particulières
salvatrices, et repeupleraient un jour l'astre dévastait.
Sous un bloc de ciment, enfoui sous les gravas et entouré de détritus
en feu, un être se releva avec peine en s'extirpant d'une maison en ruine.
Autour de lui, tout n'était que mort. Des corps gisaient à ses
pieds, leurs visages figeaient dans une expression d'horreur. Ils étaient
difficilement reconnaissables, mais à en juger par l'endroit où
ils se trouvaient, il savait qui ils étaient. Alors doucement il saisit
une dépouille féminine dans ses bras. Et il pleura.
Ses facultés lui permettaient de se maintenir dans cet environnement
hostile : il voyait dans l'obscurité, n'avait pas besoin de respirer
l'air empoisonné et il ne craignait plus la lumière du soleil,
masquée pour des milliers d'années derrière cet écran
nuageux.
- "Tu parles d'une secousse !" ricana une voix à quelques mètres
de lui. "Ouah, j'en avais pas vu de pareille depuis Hiroshima ! C'était
quelque chose !".
Angel se retourna vivement en reconnaissant cette intonation trop familière
:
- "Spike ?! Tu es vivant ?"
- "Bien sûr, cette question. C'est pas un caillou qui allait me tuer
! Oh, mais ta chérie ne semble pas avoir eu la même chance..."
ironisa-t- il. "Pauvre Angel, condamné à vivre parmi les
siens... t'en fais pas, on va te bichonner !"
Angel déposa le corps de Buffy à terre et, ivre de douleur, se
jeta sur Spike.
*********
Le Maître du Destin se tourna vers la Pourvoyeuse des Tragédies.
Son visage altier reflétait une contrariété non voilée.
Sa voix résonna dans l'espace inter-dimensionnel qu'ils occupaient.
- "Puis-je émettre une objection ?" demanda-t-il poliment.
- "Faîtes, je vous en prie".
- "Je ne crois pas que ce soit opportun. De tous les scénarios que
vous avez préparé, celui-là est incontestablement de grande
qualité. Mais cette anticipation à l'échelle planétaire
ne me paraît pas être au goût de tout le monde ici. Nous savons
ce que vont vivre les habitants de la terre avant même qu'ils puissent
en douter. Mais voyez-vous, j'ai plaisir à observer les humains se débattre
avec leurs émotions et à assister aux multiples évolutions
de la vie. Je sais que pour vous tout ceci n'est qu'ennui et qu'ils ont épuisé
vos réserves de catastrophes, mais si vous pouviez juste retarder l'échéance
de quelques centaines
d'années, je vous en serais reconnaissant", lui expliqua-t-il poliment.
- "Ca ne me dérange pas plus que ça. Mais alors que vais-je
faire ? Attiser les guerres civiles et propager des épidémies
ça n'amuse qu'un temps. Proposez-moi autre chose" se plaignit-elle.
- "Il me semble que si vous suiviez de près le quotidien d'une humaine
tueuse de vampires, vous passeriez des heures agréables à vous
divertir : peine, sang, frustration, tout ce que vous aimez. J'avoue ressentir
un plaisir taquin à me jouer de sa vie et de celle des siens. En tout
bien tout honneur", se reprit-il, "mon rôle n'est pas de les
faire souffrir
pour l'éternité".
- "Moi si. Mais heureusement pour eux, vous êtes là pour me
contrer" répliqua-t-elle enjoleuse. "Bon, dans le fond pourquoi
pas... si vous voulez changer quelque chose à l'histoire..."
- "Bien, nous sommes d'accord alors ? J'efface l'arrivée de l'astéroïde
de la programmation ?"
- "Soit. En plus le Vieux sera content : on ne lui détruira pas
sa planète préférée. Il ne l'aurait pourtant pas
volé. C'est moi qui ai gagné notre dernier pari. Mais vous le
connaissez, il n'aime pas qu'on lui prenne ses jouets. Vous n'aurez qu'à
faire modifier l'annonce télé que nous avions prévue par
la détection de plusieurs cas de fièvre mortelle dans le nord
de l'Europe, ainsi qu'une recrudescence de la criminalité dans les grandes
cités. En attendant, je vais aller observer comment les Lotariens se
débrouillent avec l'invasion d'insectes carnivores que je leur ai envoyé.
J'aime beaucoup leur dimension, elle
est pleine de -mauvaises- surprises..." se réjouit-t-elle.
- "Pour la terre, j'en informerai le Manipulateur des Energies Vitales
dès que je le croise. Oh, j'oubliais, je dois rendre une petite visite
aux Oracles. Le Vieux est en colère, il paraît qu'ils en ont encore
trop dit..."
Ils se saluèrent rapidement et s'évanouirent chacun de leurs côtés.
Car les ordonnateurs de l'Essence même de tout ce qui est n'ont pas de
temps à perdre en vaines conjectures. Si l'univers est leur aire de jeu
favorite, ils ne faudrait quand même pas songer à leur imposer
des règles. Bon, d'accord, sauf celles du Vieux...