~~~~Part 49~~~~


La lune trônait haut dans le ciel d'ébène, ronde clarté au visage captivant. Willow rêvait seule dans le parc de l'université. Elle ne savait plus depuis combien de temps elle était assise là à contempler les étoiles, mais comme toujours cela lui procurait un réconfortant sentiment de plénitude. Cet espace si vaste au-dessus de sa tête ne cessait de l'émerveiller, encore plus depuis le départ de Oz. Il lui offrait une présence régulière, infaillible et apaisante. D'autant que ces derniers jours avaient été mouvementés, mais à bien y réfléchir pas beaucoup plus que les précédentes vacances ou les précédentes années depuis sa rencontre avec Buffy. C'était sans doute la meilleure chose qui lui soit arrivée dans la vie, par les révélations que cela avait entraîné et le bouleversement qui s'était opéré dans sa vie. Mais à présent elle se sentait seule. Non pas qu'elle ne soit pas entourée, ses amis étaient là pour lui prouver leur attachement. Mais Oz lui manquait. C'était la première fois depuis Alex qu'elle sentait l'amour au fond d'elle-même, et elle aurait souhaiter franchir un pas supplémentaire en cette année d'université qui marquait le passage pour chacun d'entre eux à l'âge adulte. Une légère pluie la tira de ses rêveries et la força à regagner sa chambre dans le batiment non loin de là. Au moment de franchir le seuil, elle aperçut un point lumineux haut dans le ciel, suivi d'une traînée blanchâtre qui s'étirait dans son sillage.

- "Tiens, une comète", pensa Willow à voix basse en voyant l'astre s'approcher. Elle en profita pour faire un voeu, se disant qu'une comète pourrait tout aussi bien faire l'affaire qu'une étoile filante quand il s'agit de souhaiter le retour de la personne que l'on aime. A cette pensée, elle s'imagina Buffy seule dans le manoir, étrangement petite au milieu de ces grandes pièces emplies d'un vide presque palpable.

De son côté Buffy était effectivement seule dans ce qui fut la maison de tous ses espoirs et qui à présent n'était plus qu'une grande prison sans barreau. Comme souvent à cette heure de la nuit, elle avait envie de courrir dans les bras de sa mère, lui crier sa douleur et se laisser aller à pleurer toutes les larmes de son corps. Mais elle ne voulait pas ennuyer sa mère avec ses états d'âme alors que celle-ci avait bien assez à s'occuper avec ses propres soucis.

Cette nuit pourtant Buffy n'était pas seule; Faith était venue dormir chez elle après avoir passé la soirée avec son frère. Elle avait eu envie de parler à Buffy des informations dont Lindsey lui faisait part, et de plus cette nuit était spéciale pour Giles et Joyce : l'Observateur avait eu la délicate attention d'inviter Joyce à dîner dans un des rares restaurants chics de la ville, et de lui proposer de terminer la soirée devant une pièce de théâtre qui se jouait exceptionnellement dans une des salles du Sun Cinema. Buffy et Faith avaient trouvé ça très élégant de sa part, et aussi très romantique bien que rien ne laissait
supposer que les choses étaient devenues plus sérieuses entre eux. Mais au cas où elles se seraient trompées Faith avait préféré déserter la maison pour ne pas assister à de gênantes effusions... Buffy quant à elle évitait de penser à cette éventualité, la chose la dégoutait toujours autant même si elle tentait de se résonner.

**********

A L.A., Doyle s'acharnait contre Cordelia : "Tu crois vraiment que ce type t'aurait proposé de l'épouser ? Je ne te savais pas aussi naïve ! Tu as lu ce qu'ont dit les journaux ? Il était riche, jeune, fils de bonne famille et FIANCE !!!! Retiens surtout le dernier mot ! Tu n'étais qu'une passade, une greluche de plus !".

- "Je ne suis pas persuadé que ce soit la meilleure chose à dire à une fille trompée" lui murmura doucement Angel.

- "Je... je ne suis pas une gre... et zut tu m'ennerves, qui te dit qu'il aimait cette fille ? Il était sans doute obligé de donner le
change pour ses parents, mais ça ne veut pas dire qu'il ne ressentait rien pour moi !" répliqua Cordelia.

- "Ouais, alors réponds franchement : depuis quand le connaissais-tu ?" lui demanda Doyle.

- "Un jour".

- "Et il t'a invité le jour même ?"

- "Oui".

- "Dans un restaurant gastronomique ?".

- "Oui".

- "Il t'a présenté à ses amis ?"

- "Oui".

- "Et il t'a ramené chez lui, puis t'a laissé partir au matin ?"

- "Oui et alors ??" s'écria Cordelia énervée.

- "T'as pas l'impression qu'il t'a baladé ton Arthur ? Il a eu une fille pour parader toute la soirée sans avoir à en payer les services, si tu vois ce que je veux dire" lui lança Doyle comme une évidence.

Ce qu'il reçut en échange le laissa sans voix. Sa joue cuisait sous les marques incrustées des doigts de Cordy.

- "T'es qu'un salaud ! Ce que tu insinues est complétement faux ! Je ne suis pas une call-girl !!!". Et Cordelia chercha le regard d'Angel afin d'y lire l'approbation, mais tout ce qu'elle y trouva fut le souvenir coupable de leur nuit d'amour à Vegas. Pas de quoi arranger les choses.

- "Non, je ne suis pas comme ça..." finit-elle pas dire comme pour s'en convaincre.

Doyle, remit de sa surprise, entreprit de la rassurer : "Je n'ai jamais prononcé ce mot Cordelia, et je ne le dirai jamais à propos de toi. Malgré tout ce que tu peux penser de moi, je ne suis pas un monstre". Il fut interrompu par le léger toussotement d'Angel qui se terrait toujours dans un coin de la pièce, à l'abri du ring. Doyle lui jeta un regard noir et poursuivit: "Si je te dis tout ça c'est simplement parce que je t'estime. Tu es loin d'être aussi bête que tu veux bien le montrer".

- "Hey, c'est comme ça que tu te rattrapes ??" lui jeta Cordelia.

- "Admets que c'est la vérité. Tu es une fille étonnante, pleine d'humour et magnifique, et je ne voudrais pas que la course au prince charmant te marque à vie. Crois-moi, d'autres s'y sont cassé les dents avant toi. C'est tout ce que je voulais te dire".

Doyle passa devant Cordelia, la regarda tellement droit dans les yeux qu'elle en baissa la tête, puis il sortit.

- "Il a raison ?" demanda timidement Cordy à Angel.

- "Je crois que quelqu'un aurait dû te dire ça depuis longtemps" lui répondit gentimment Angel.

- "Oh, mais Alex l'a fait. Seulement je ne voulais pas écouter. Je mettais ça sur le compte de sa débilité. Remarque peut-être que Doyle souffre du même problème !"

- "Non, je ne crois pas. Peut-être simplement que c'est toi qui te caches la vérité en accablant les autres. Réfléchis-y".

*********

La pièce de théâtre s'était terminé tard, et la soirée encore plus. Giles voulait oublié les Mages Noirs ainsi que la désopilante image de Wesley au lit avec Olivia. Quand son homologue Observateur lui avait annoncé la nouvelle tout penaud, Giles avait d'abord été choqué et puis finalement amusé. Qu'allait-il bien pouvoir lui arriver d'autre ? Il avait décidé de bien réagir et de ne pas leur en vouloir. Après tout il avait quand même mis enceinte la mère de Buffy, ça n'était pas rien dans le rayon "grosse bourde". Ce soir-là après le théâtre, Joyce et lui avaient voulu se changer les esprits autour d'un cappuccino, en évitant
soigneusement tout ce qui pouvait sentir de près ou de loin l'alcool. Et ce faisant, ils s'endormirent tous les deux devant la télé qui passait pour elle seule les scènes légendaires "D'autant en emporte le vent".

Buffy fut surprise par les coups tapés contre la porte du manoir. Qui pouvait bien venir la voir à cette heure ? Faith fut réveillée également , et resta aux aguets alors que Buffy allait ouvrir. Sur le seuil se tenait un homme grand, immobile et la tête penchée.

- "Heu... Bu...Buffy, pardon de te déranger, je... passais juste par là..." ("just passing by" dans le texte ;)

- "Buddy ?? Mais qu'est-ce que tu fais là ? Ca va pas ?" demanda Buffy au comble de la surprise.

- "Hé mec t'exagères !" lui lança Faith. "OK t'es amoureux d'elle, mais faudrait voir à pas emmerder le monde avec ton trop plein d'hormones ! T'es gentil mais y'en a qui essaye de dormir !"

Buffy, amusée par le ton agressif de Faith, regarda le jeune homme baisser encore plus la tête et se confondre en excuses. Contente d'elle, Faith fit un clin d'oeil à Buffy et retourna se coucher.

- "Entre si tu veux" lui dit Buffy. "Il pleut et tu es trempé".

- "Non, ça va. Mais je veux bien entrer" se reprit-il aussitôt.

A ce moment là une forme sombre le percuta violemment, l'envoyant s'écraser contre le mur du salon. Buffy eut à peine le temps de réaliser ce qui se passait que Spike lui asséna un coup de poing dans la figure.

- "Hé mais t'es malade " lui cria Buffy alors qu'elle commençait à saigner du nez.

- "J'en ai marre de toi ! Tu pollues ma vie ! Enfin ma mort, mais bon c'est pareil. Alors je suis là pour en finir une fois pour toute. En garde Tueuse !!" acheva-t-il en mettant les deux poings en avant.

- "Spike, c'est pas le moment" lui répondit Buffy d'un ton las. "Je ne sais pas si tu sais mais Faith est là, et elle va m'aider à te foutre dehors à gros coups de pieds dans le cul. Alors vire avant de regretter d'avoir passer cette porte."

- "Tu bluffes, t'as que de la gueule !"

- "Salut Spike, on est de sortie ?" lui jeta Faith en s'avançant vers lui avec un pieu dans la main. "Buffy, c'est une drôle d'habitude de recevoir des garçons aussi tard dans la nuit. Après c'est moi qui passe pour la mauvaise fille" rajouta-t-elle avec humour.

- "Je ne voulais pas déranger..." recommença Buddy.

- "Oh pardon, j'ai gâcher la partie de jambes en l'air" ricana Spike en se rendant enfin compte de la présence de Buddy. "C'est Angel qui serait pas content... Surtout avec monsieur j'ai-la-tête-aussi-ronde-que-mes- fesses !"

- "C'est de moi que vous parlez ?" demanda Buddy vexé. "Vous me rentrez dedans, vous ne vous excusez pas et en plus vous m'agressez, qu'est-ce que je vous ai fait ?"

- "T'existes petit, c'est tout". Spike le regardait de travers, comme un tout jeune vampire en face de sa première jugulaire.

- "Spike tu ferais mieux de partir. T'es en sous nombre, alors va voir ailleurs si y'aurait pas un rat à tuer" lui conseilla Buffy.

- "Je pourrais vous avoir toutes les deux, les Tueuses je connais. Mais pas ce soir, encore un peu de patience. Et puis surtout j'aurai même pas besoin de le faire. Je suis juste venu pour vous dire un truc : je ne sais pas si vous avez vu les infos à la télé, mais si ce n'est pas le cas, vous devriez le faire." Ceci dit, il s'évanouit dans l'obscurité de la nuit.

- "Qui était ce type ?" demanda Buddy, choqué et en colère. "Et qui sont les Tueuses ?"

- "C'est un pote avec qui on a longtemps fait du théâtre. On s'amuse encore de temps en temps" tenta d'expliquer Buffy.

Visiblement, Buddy avait du mal à avaler la pilule, mais il n'insista pas.

*********

Au petit matin, tout le monde se réunit au domicile de Joyce, devenu pour un temps le nouveau quartier général par intérim. La nouvelle s'était répandue comme un traînée de poudre. Un astéroïde avançant à une vitesse phénoménale approchait de la terre. Les médias rejetaient la faute sur les différents gouvernements ainsi que sur la communauté scientifique, leur reprochant de savoir la nouvelle depuis déjà plusieurs jours et de ne rien avoir dit au public. D'autres les disculpaient en expliquant que de cette manière une trop vive panique avait été évitée, et que de toute façon le savoir plus tôt n'aurait fait qu'aggraver les choses. Mais désormais on pouvait affirmer clairement que Glenn, le nom de baptême de l'astéroïde qui fonçait sur la terre, rentrerait en collision avec celle-ci dans moins de 24 heures. Dès que l'annonce fut officielle et prononcée dans le monde entier, les réactions ne tardèrent pas à fuser.

Buffy était complètement désemparée. Elle qui avait su faire face à tant d'obstacles se retrouvait soudain acculée à l'impuissance comme les simples mortels. Elle était dans l'incapacité d'intervenir cette fois, et Giles ne trouvait rien dans les ouvrages dont il disposait qui aurait pu les aider. Joyce avait tout d'abord cru à une plaisanterie, puis était tombée dans un profond desespoir en réalisant qu'elle ne mettrait jamais l'enfant qu'elle portait au monde. Depuis lors, elle restait prostrée dans le salon, ses deux mains posées sur son ventre et parlant doucement à son bébé. Giles n'avait su trouver les mots pour apaiser ses craintes, car pour la première fois de sa vie, non seulement il les partageait mais n'avait aucun moyen d'empêcher le pire d'arriver : tous ceux qu'il aimait allaient mourrir, et son enfant ne verrait jamais le jour. Il ne saurait jamais s'il aurait donné une petite soeur ou un petit frère à Buffy. S'il n'avait jamais craint la mort en particulier, aujourd'hui il la haïssait de toutes ses forces. Mais cela ne résoudrait pas le problème.

Wesley s'était lui aussi réfugié chez les Summers. Le Gang était plus sa famille que la sienne et le Conseil réunis, et de toute manière il était impossible de penser à rentrer en Angleterre : plus personne n'était à son poste de travail et les transports aériens se retrouvaient dans la même situation que tout le quotidien : plongés dans l'anarchie totale. Tara avait prévenue Willow qu'elle allait passer ses dernières heures avec sa cousine Eléanor, et qu'elles envisageaient de rentrer dans leur famille si toutefois les routes étaient praticables. Leurs adieux furent très éprouvants, les larmes se mélèrent aux sourires effrayés par tant d'incohérence.

Dès qu'elle eut quitté Tara, Willow alla trouver Buffy pour lui demander d'aller ensemble à L.A. Elle n'arrivait pas à joindre Oz, les réseaux téléphoniques étant saturés de toutes parts, et elle refusait de vivre ses derniers moments sans lui. Buffy fut plus que d'accord, d'autant qu'elle même ne pensait qu'à retrouver Angel et se blottir à jamais dans ses bras. Faith resta abasourdie par la nouvelle et regretta surtout de ne pas avoir eu plus de temps pour connaitre son père et son frère.
Inconsciemment, elle espérait que la condition de Mage Noir pourrait leur empêcher la mort à tous trois. Elle se reprocha de suite cette pensée égoïste mais pourtant bien légitime en une pareille situation. C'est à la vue de Xander qu'elle comprit combien elle avait à perdre, et quand il la serra très fort dans ses bras elle se laissa aller à pleurer comme rarement elle l'avait fait. Elle ne craignait pas la mort, elle l'avait si souvent donné, mais elle se demandait si les âmes étaient effectivement jugées à leur arrivée au ciel. Car si elle commençait à trouver sa place sur terre, peut-être que cela n'irait pas aussi facilement au royaume de la mort. Etrangement, elle repensa à Anya qui les avait précédé dans ce sort funeste, et s'en voulu pour la
première fois d'avoir espéré sa disparition. Finalement, qui méritait de mourir ? Et qui avait le droit de le décider ? A présent, les mots de Buffy lorsqu'elle tua l'assistant du maire lui revinrent en mémoire. Buffy avait raison depuis le début. Une Tueuse n'a pas plus le droit de tuer qu'un autre être. Mais alors pourquoi les avoir créer ? Peut-être pour sauver le plus d'innocents possibles, du moins au regard des PTB. A moins que tous ne soient que des marionnettes entre les mains de puissances supérieures qui s'affrontent depuis la nuit des temps. L'ascension des Mages Noirs et la chute des Tueuses l'amenaient à
considérer cette théorie comme hautement probable.

Le départ de Buffy et Willow ne se fit pas. Elles avaient réussies à joindre leurs amants respectifs par le seul moyen encore à peu près utilisable : le web. Ils étaient à présent en route pour Sunnydale. Oz avait décidé de rentrer de son côté avec les Dingoes qui eux aussi avaient de la famille en ville. Quant à Angel, il arrivait avec ses deux acolytes aussi vite que possible. Bien que ses parents se trouvaient au Canada, Cordelia préférait suivre Angel auprès de Buffy. Son instinct de survie lui disait que là où était Buffy le danger y était aussi mais qu'une solution ne serait sans doute pas loin non plus. Doyle, n'ayant ni famille ni amis à L.A. se joignit à eux sans regret. Il ne tenait à rien de particulier dans ce monde si ce n'était ses rares plaisirs d'un
soir et le sourire de Cordelia. Pelotonné à l'arrière de sa voiture sous une couverture, Angel se laissait conduire. Doyle ne respectait rien, pas plus que les milliers de citadins fuyants les violences de la cité.
Il se faufilait entre les voitures, n'hésitait pas à occuper les trottoirs et à se frayait un mince chemin à travers la cohue. Il leur
fallut plusieurs heures avant d'arriver à Sunnydale, épuisés mais enfin rassurés.

Buffy les accueillit et les fit installer dans le salon. Joyce descendit le temps de prendre un verre de lait et de leur lancer un timide sourire, puis s'éclipsa au premier, se verrouillant dans sa chambre. Aucune des attentions de Giles y faisaient. Elle était à présent dans un autre monde, coupé de la réalité dans une douce torpeur. Aussitôt Angel entré, Buffy se blottit dans ses bras et se laissa aller à verser discrètement sa première larme. L'homme qu'elle aimait était à présent avec elle, et ceci rendait les choses plus supportables. Cordélia était encore plus détestable que d'habitude, surtout après avoir appris de la bouche de Wesley qu'ils n'avaient trouvé aucun moyen d'éviter la catastrophe. Elle s'en prit violemment à Buffy, qu'elle
considéra immédiatement comme la responsable.

- "Tu es une incapable, le monde s'écroule et toi tu restes dans les bras d'Angel au lieu de tous nous sauver ! D'habitude tu te sacrifies pour nous, on pleure et tout rentre dans l'ordre !"

- "Cordelia !!" gronda Giles, "tu n'as pas le droit de dire ça. Buffy pas plus que le Conseil ou tout autre ne peut contrôler les éléments de la nature. Nous sommes impuissants et aussi injuste que cela puisse paraître, il n'y a pas de solution. J'ai contacté une personne de mes connaissances qui est astrophysicien, et il m'a appris que cet astéroïde avait été détecté il y a quelques semaines seulement. Sa trajectoire n'était alors pas dangereuse. Mais il semble qu'il ait percuté entre temps un objet de plus petite dimension, qui au lieu de le détruire lui a modifié son cap. C'est comme ça qu'il se dirige sur nous, vers l'Afrique du Sud apparemment, depuis 4 jours à peine, et personne n'y peut rien. Le plus étonnant est que le secret ait été gardé 3 jours
durant."

- "Je n'aurais jamais pensé finir ainsi" murmura Willow. "Tuée par un démon ou transformée par mégarde en oeuf de Pâques à la limite, mais brûlée et asphyxiée par des nuées ardentes ça sûrement pas."

- "T'as dit quoi là ?? Brûlée et asphyxiée ?? Je ne veux pas mourrir brûlée et asphyxiée !! C'est hors de question, je ne peux pas !!" cria Cordelia complètement affolée. "En plus ça doit faire mal !"

Elle était sur le point de pleurer lorsque Doyle s'approcha d'elle et la prit dans ses bras. Etonné, il la vit se laisser faire et se mit à la bercer doucement, l'entraînant vers le canapé où Wesley échangeait quelques mots avec Alex et Faith.

- "J'ai vu mon frère, mais il m'a dit qu'il ne pouvait pas rester. Apparemment il voulait joindre à tous prix son bureau à L.A. Je ne sais pas ce que des avocats peuvent faire dans une situation pareille, mais il paraît qu'ils ont des contacts avec les démons. Peut-être qu'ils en ont un sous la main qui soit estampillé "repousseur d'astéroïdes"", plaisanta Faith.

Wesley et Xander sourirent gentimment en pensant que si cette idée saugrenue pouvait être vraie...

- "Et ton père ?" lui demanda Xander.

- "Je ne l'ai pas revu. J'ai tenté de le contacter mais je n'y suis pas arrivée. J'espère qu'il passera me voir avant qu'il soit trop tard", rajouta-t-elle avec une note de regret.

- "Ne t'inquiète pas, il viendra" la réconforta Xander.

- "Oui, je suis sûr qu'en tant que Mage Noir ses perceptions doivent l'amener à agir différemment de nous. Mais il n'oubliera pas sa fille", rajouta Wesley dans un sursaut d'attention pour son ancienne Tueuse.

- "Merci les mecs".


L'heure passait, et Oz se faisait toujours attendre au grand désarroi de Willow. Anxieuse, elle tenta de lui téléphoner de nouveau mais ne put l'obtenir pour cause de réseau toujours plus saturé. Ses amis tentaient de lui changer les idées, mais au fur et à mesure l'angoisse devenait intolérable.

- "Je ne peux pas attendre ici à ne rien faire, je vais aller à sa rencontre !" annonça-t-elle.

- "Ne sois pas ridicule" la raisonna Buffy, "tu n'es pas sûre du chemin qu'ils auront réussi à emprunter, et sortir en ce moment relève du suicide. Les gens sont tellement paniqués qu'ils sont prêts à tuer pour un rien. Même si je comprends ton impatience, je ne te laisserai pas sortir" lui dit Buffy.


Les provisions de Joyce s'amenuisaient à mesure que le temps s'écoulait. On mangeait plus pour tromper l'ennui et la peur que par réelle faim. Buffy s'était plusieurs fois mise à l'écart avec Angel, pour partager leurs derniers moments d'intimité. Les télé et radios recommandaient de rester cloîtrés dans les maisons et promettaient de tenir la population au courant à l'approche de l'impact. La tension était palpable, les coeurs serrés et les estomacs plus lourds que jamais.

Willow pleurait à chaudes larmes à l'idée de ne pas avoir revu Oz une dernière fois, et Faith se voyait pour la première fois dans le rôle de la bonne âme consolatrice. Alors que seulement 2 heures les séparaient à présent de l'échéance fatidique, Oz frappa chez les Summers. Willow courrut à sa rencontre, et ne s'aperçut qu'après quelques minutes que son visage était tuméfié.

- "Qui t'a fait ça ?" lui demanda-t-elle surprise.

- "Les types dehors. Ils sont tous devenus fous."

- "Heureusement, tu es avec nous maintenant". Et Willow le serra contre son coeur.


Tout le monde s'était rassemblé dans le salon. Même Joyce se trouvait parmi eux, confortablement installée entre Giles et Buffy. Le présentateur télé était blême et avait du mal à ne pas bégailler.

- "Mesdames et messieurs, nous sommes les rares personnes aujourd'hui à occuper nos postes. Par conscience professionnelle, nous avons tenu, mon équipe et moi-même à rester présents à l'antenne le plsu longtemps possible. Mais je pense que vous comprendrez parfaitement que nous désirions passer nos derniers moments avec nos familles. Pour empêcher
tout abus ou désinformation, nous allons couper l'accès aux studios, comme l'ont fait avant nous nos collègues. Je vous souhaite bon courage, et au nom de notre Président : "Que dieu bénisse l'Amérique"".

L'image fut coupée et l'écran ne transmettait plus que de vagues grésillements.

- "Nous n'avons plus qu'à attendre", murmura Willow.

- "Je veux que vous sachiez que vous avez fait de ma vie une expérience plus belle que tout ce que j'aurais pu espérer. Malgré les difficultés et les peines que nous avons endurées, je considère que j'ai eu une existence privilégiée et je vous remercie tous pour ça" déclara Giles.

Buffy se leva et prit son Observateur dans ses bras. Seule Joyce put entendre le "merci... papa" que murmura sa fille à l'oreille de Giles. Elle rendit grâce au ciel d'avoir cet homme avec elles et de constater une fois de plus l'importance qu'il avait eu dans la vie de sa fille, remplaçant le vide que Hank n'avait su combler, pas même alors que le pire était imminent.

Ils se levèrent tous sous l'impulsion d'Alex : "Nous ne parlerons peut- être pas tous, alors je vous propose de nous donner la main et de chanter. Qui a une idée ?"

- "Yellow submarine des Beatles" proposa Oz.

- "Pas sûre que ce soit de circonstance" rattrapa Faith.

- "Que pensez-vous de "love me tender" ?" se hasarda Joyce faisant enfin entendre le son de sa voix.

- "Allons pour Elvis" l'encouragea Giles.

Et tous se mirent à entonner la mélodie du King, avec ferveur et chaleur pour oublier leur dénuement. Les regards se croisaient, certains plus intensément que d'autres, mais toujours avec l'amour dans les yeux. Du loin de son cerveau, Faith entendit retentir un "Je suis avec toi mon enfant" qui la remplit de courage et de bonheur. Son père s'était enfin manifesté, quelque fut le moyen dont il disposait. Elle chanta avec un élan redoublé, suivie par le choeur de ses amis qui s'élevait toujours plus haut, jusqu'à devenir une clameur criante de désespoir et de colère.


Un bruit d'une puissance gigantesque retentit de toutes parts et se propagea à l'infini. Les secousses phénoménales et le souffle destructeur envahirent les entrailles et la surface de la Terre. L'atmosphère se voila d'un noir grisatre et l'air était d'une épaisseur opaque. Tout n'était que désolation et suffocation. Certaines régions étaient submergées par de prodigieuses inondations alors que d'autres subissaient de redoutables incendies. La vie animale et végétale quittait cette planète. Seuls quelques specimens résisteraient peut-être grace à des spécificités particulières salvatrices, et repeupleraient un jour l'astre dévastait.


Sous un bloc de ciment, enfoui sous les gravas et entouré de détritus en feu, un être se releva avec peine en s'extirpant d'une maison en ruine. Autour de lui, tout n'était que mort. Des corps gisaient à ses pieds, leurs visages figeaient dans une expression d'horreur. Ils étaient difficilement reconnaissables, mais à en juger par l'endroit où ils se trouvaient, il savait qui ils étaient. Alors doucement il saisit une dépouille féminine dans ses bras. Et il pleura.

Ses facultés lui permettaient de se maintenir dans cet environnement hostile : il voyait dans l'obscurité, n'avait pas besoin de respirer l'air empoisonné et il ne craignait plus la lumière du soleil, masquée pour des milliers d'années derrière cet écran nuageux.
- "Tu parles d'une secousse !" ricana une voix à quelques mètres de lui. "Ouah, j'en avais pas vu de pareille depuis Hiroshima ! C'était quelque chose !".

Angel se retourna vivement en reconnaissant cette intonation trop familière :

- "Spike ?! Tu es vivant ?"

- "Bien sûr, cette question. C'est pas un caillou qui allait me tuer ! Oh, mais ta chérie ne semble pas avoir eu la même chance..." ironisa-t- il. "Pauvre Angel, condamné à vivre parmi les siens... t'en fais pas, on va te bichonner !"

Angel déposa le corps de Buffy à terre et, ivre de douleur, se jeta sur Spike.

*********

Le Maître du Destin se tourna vers la Pourvoyeuse des Tragédies. Son visage altier reflétait une contrariété non voilée. Sa voix résonna dans l'espace inter-dimensionnel qu'ils occupaient.

- "Puis-je émettre une objection ?" demanda-t-il poliment.

- "Faîtes, je vous en prie".

- "Je ne crois pas que ce soit opportun. De tous les scénarios que vous avez préparé, celui-là est incontestablement de grande qualité. Mais cette anticipation à l'échelle planétaire ne me paraît pas être au goût de tout le monde ici. Nous savons ce que vont vivre les habitants de la terre avant même qu'ils puissent en douter. Mais voyez-vous, j'ai plaisir à observer les humains se débattre avec leurs émotions et à assister aux multiples évolutions de la vie. Je sais que pour vous tout ceci n'est qu'ennui et qu'ils ont épuisé vos réserves de catastrophes, mais si vous pouviez juste retarder l'échéance de quelques centaines
d'années, je vous en serais reconnaissant", lui expliqua-t-il poliment.

- "Ca ne me dérange pas plus que ça. Mais alors que vais-je faire ? Attiser les guerres civiles et propager des épidémies ça n'amuse qu'un temps. Proposez-moi autre chose" se plaignit-elle.

- "Il me semble que si vous suiviez de près le quotidien d'une humaine tueuse de vampires, vous passeriez des heures agréables à vous divertir : peine, sang, frustration, tout ce que vous aimez. J'avoue ressentir un plaisir taquin à me jouer de sa vie et de celle des siens. En tout bien tout honneur", se reprit-il, "mon rôle n'est pas de les faire souffrir
pour l'éternité".

- "Moi si. Mais heureusement pour eux, vous êtes là pour me contrer" répliqua-t-elle enjoleuse. "Bon, dans le fond pourquoi pas... si vous voulez changer quelque chose à l'histoire..."

- "Bien, nous sommes d'accord alors ? J'efface l'arrivée de l'astéroïde de la programmation ?"

- "Soit. En plus le Vieux sera content : on ne lui détruira pas sa planète préférée. Il ne l'aurait pourtant pas volé. C'est moi qui ai gagné notre dernier pari. Mais vous le connaissez, il n'aime pas qu'on lui prenne ses jouets. Vous n'aurez qu'à faire modifier l'annonce télé que nous avions prévue par la détection de plusieurs cas de fièvre mortelle dans le nord de l'Europe, ainsi qu'une recrudescence de la criminalité dans les grandes cités. En attendant, je vais aller observer comment les Lotariens se débrouillent avec l'invasion d'insectes carnivores que je leur ai envoyé. J'aime beaucoup leur dimension, elle
est pleine de -mauvaises- surprises..." se réjouit-t-elle.

- "Pour la terre, j'en informerai le Manipulateur des Energies Vitales dès que je le croise. Oh, j'oubliais, je dois rendre une petite visite aux Oracles. Le Vieux est en colère, il paraît qu'ils en ont encore trop dit..."

Ils se saluèrent rapidement et s'évanouirent chacun de leurs côtés. Car les ordonnateurs de l'Essence même de tout ce qui est n'ont pas de temps à perdre en vaines conjectures. Si l'univers est leur aire de jeu favorite, ils ne faudrait quand même pas songer à leur imposer des règles. Bon, d'accord, sauf celles du Vieux...