9am, E.S.T
Partie 1
Partie 2
Quelques minutes après les tentatives de coups de fils
à Giles, nouveau coup frappé à la porte. Cette fois,
Buffy dépassa Dawn et ouvrit la porte à grande volée,
toujours rongée par son incapacité à joindre le seul
adulte de la bande. Bien sûr, elle ressentit de la joie en voyant Xander
et Anya, en bonne forme, mais une partie d'elle n'en était que plus
désespérée de pouvoir un jour revoir Giles. *Arrête,
tu es complètement stupide. Il va bien.*
Xander ne mit pas une éternité à comprendre que Buffy était non seulement au courant de ce qui se passait, mais aussi touchée par tout ça. Sans hésiter il la prit dans ses bras et celle-ci se laissa aussitôt aller à son étreinte d'ami. *Mon dieu, qu'est ce que je ferais sans lui?* Sur le coté Anya fit une remarque, mais Buffy n'entendit que très lointainement, juste avant de se redresser et d'adresser un petit sourire de remerciement à Xander. Ils eurent à peine le temps de se saluer qu'ils étaient rejoints par Dawn, Tara et Willow.
- "Comment se porte le Scooby Gang?" interrogea à la ronde Xander, d'une voix aussi enthousiaste que possible.
- "Tara a une amie à Manhattan, et mon oncle est à New York pour la semaine. On arrive pas à les joindre depuis que les Tours..." Willow était incapable d'aller plus loin, et elle accueillit avec autant de joie l'embrassade de Xander, qui, dans son élan de compassion, serra aussi Tara dans ses bras. Pour se sentir plus concerné par une actualité qui lui échappait?
- "Et toi, Dawnster?" finit-il gentiment en se tournant vers la jeune Summers.
- "A peu près aussi bien que le reste des troupes," murmura Dawn.
- "On arrive pas à joindre Giles," lâcha Buffy. "On a tout essayé, chez lui, le Magic Box. On ne sait pas où il est et on ne comprend pas. Je veux dire, où est ce que Giles peut être alors que-"
Elle fut coupée à son tour par le 4ème coup, et retint son souffle alors que son regard fixait la porte. Xander, encore étranger à l'atmosphère lourde qui régnait chez les Summers depuis le matin, était sans aucun doute, avec Anya, le seul qui ne ressentit pas à cet instant l'impression que le futur allait se jouer dans les secondes à suivre. Peut-être que c'était la présence d'Anya, qui avait encore du mal à comprendre les réactions des hommes, ou le fait qu'il n'ait jamais quitté la Californie et que New York lui semblait presque un autre monde, qui rendait Xander neutre par rapport à toute l'histoire. Il n'avait pas vraiment ressenti de douleur, parce qu'aucune partie de lui ne voulait croire à ce qu'il entendait et voyait à la radio ou à la télé, mais aussitôt il s'était inquiété pour ses amies, et c'était pour ça qu'il était en route pour la maison de Buffy avant même qu'elle n'ait eu le temps de l'appeler. En voyant que personne n'allait faire un mouvement vers la porte, il prit les choses en main.
- "Entrez," lança-t-il, faisant sursauter tous les autres.
La porte s'ouvrit tranquillement, laissant apparaitre Giles dont le costume était mal bouttoné et dont les cheveux rebiquaient devant un peu plus que la normale. Sans doute eut-il un instant du mal à comprendre pourquoi un sourire de soulagement s'afficha sur les visages à son entrée, et pourquoi Buffy se jeta sur lui en le serrant dans ses bras à lui faire mal. Mais il pouvait comprendre la tension qui régnait, et qu'elle avait besoin de lui.
- "Buffy. Bonjour. Que se passe-t-il?" Réalisant ce qu'il venait de dire, il se reprit. "A part les évènements tragiques, bien entendu."
- "Buffy, Willow, Tara et Dawn pensait que vous étiez mort. Ce qui est stupide parce que comment est ce que vous auriez pu être à New York? Je me demande même s'ils laissent les vieux comme vous entrer dans des avions." Les regards se tournaient vers Anya, sans que personne ne sache s'il fallait rire, pleurer, ou s'avouer qu'il y avait un fond de vérité dans ce qu'elle avait dit.
- "Ah, ma fiancée!" s'exclama Xander, presque comme une excuse. "Si elle n'existait pas, faudrait l'inventer, hein!"
- "Quoi, qu'est ce que j'ai dit de mal encore?" fit Anya.
- "Il y a que ce qui se passe est grave. On ne rigole pas avec ça," répondit Xander en la serrant contre lui. "C'est tout." Même l'humour de Xander semblait avoir été aspiré.
- "Tu as de la famille là-bas, Buffy?" demanda doucement Giles.
- "Non," répondit celle-ci d'une petite voix. "Willow oui, et Tara a une amie sur Manhattan..."
- "On a essayé de les joindre mais New York n'est même plus accessible, je crois qu'ils ont coupé l'électricité."
- "Oui," confirma Giles. "Ainsi que le téléphone, semblerait-il. Sauf pour les secours, ils ont tous été mobilisés dans la zone du désastre. Ils parlent déjà d'un bilan absolument effroyable, mais il est impossible de faire une estimation à l'heure actuelle."
- "Toutes les radios ressassent la même chose," nota Xander. "Pendant que notre président se cache. Déjà qu'on le voyait pas beaucoup, le pépère, mais alors là, il pourrait faire président furtif plus tard. On l'a vu en Floride, il a dit trois mots -ce qui, en un sens, est déjà bien- et pouf! disparu."
- "C'est vrai que le Maire de New York est bien plus présent," approuva Giles. "Je crois avoir entendu un avocat faire une remarque tout à l'heure, il disait que Georges W. Bush ressemblait à son père comme déjà le président-"
- "Papa." Avant que le mot soit parvenu au cerveau de tous, Dawn reprenait,"Papa. Buffy, où est ce que papa travaille maintenant?"
- "Je ne sais pas," répondit automatiquement Buffy alors que l'horreur de la réponse l'atteignait. "Oh mon Dieu."
- "Vous avez un père? On ne m'en a jamais parlé," fit remarquer Anya.
Cette fois, Alex lui lança un regard désapprobateur.
- "Il pourrait travailler à New York?"
- "La dernière fois que j'ai eu des nouvelles de lui... par sa secrétaire... il travaillait toujours à Los Angeles. Mais il voulait trouver un poste à New York."
- "Où est son numéro? Buffy, il faut qu'on appelle. Où est son numéro??" s'énerva tout à coup Dawn. Depuis des heures que la tension montait, les nerfs de l'adolescente lâchaient finalement; elle bondit près de la base du téléphone où se trouvait le carnet d'adresse, et se mit à chercher fébrilement dedans, trop lentement d'après elle, et pourtant trop vite pour qu'elle soit capable de trouver quoique ce soit. "Mais où est ce qu'il est?? Pourquoi il n'est pas au début?? Buffy, où est ce qu'il est??!"
Willow et Tara se jetèrent un regard désolé, alors que la réaction irréfléchie de Dawn ne faisait qu'augmenter la douleur. Giles enleva ses lunettes, et baissa les yeux, un peu honteux d'assister à la scène, tandis que Xander observait 'la petite Dawnie' sans savoir comment réagir, et qu'Anya se rapprochait de lui et lui serrait gentiment le bras. Buffy s'approcha de sa petit soeur, et l'arrêta au milieu du carnet. Elle arrivait à être tout à coup étrangement posée, comme si elle était incapable de réaliser.
- "Dawn, du calme. Je vais appeler. Lâche ce carnet. Je vais appeler." L'unique réponse de Dawn fut de fondre en larmes dans les bras de sa soeur, qui se mit à lui caresser les cheveux en lui murmurant des mots tendres à l'oreille, la berçant comme une petite fille, mais incapable d'arrêter les larmes qui coulaient maintenant le long des joues de Dawn sans relâche, pour toutes les heures qu'elle venait de passer à retenir la peine en elle, incapable de mettre fin aux soubresauts qui avaient pris sa soeur. "Dawnie, chut... ne t'inquiète pas, Dawnie... Sois brave, tu te souviens? Dawnie, ne pleure pas... ça va passer... sois brave, Dawnie... je vais appeler..."
Dawn quitta finalement l'étreinte de sa soeur, toujours agitée de sanglots, pour tomber dans celle de Willow et de Tara, qui durent toutes deux faire des efforts incommensurables pour retenir leurs larmes, évitant ainsi de faire redoubler celles de la petite Summers.
- "Xander, tu peux aller éteindre la télé, s'il te plaît?" demanda doucement Buffy alors qu'elle prenait le téléphone.
- "Non!" s'exclama tout bas Anya. Quand Xander se tourna vers elle, elle rajouta, "Je voudrais savoir ce qui s'est passé depuis."
Xander hésita un instant, se tournant vers Buffy, mais celle-ci n'avait pas le courage de se battre contre Anya, ou même d'écouter sa défense, et Anya alla sans bruit se poser dans le canapé, devant la télé qui nasillait toujours, sans relâche.
L'entreprise pour joindre
Hank Summers fut longue. A son ancien bureau, on indiqua d'abord à
Buffy qu'il avait changé de travail au début de l'été,
et on lui avait indiqué le téléphone d'un ami dans le
Montana, où il avait affirmé passer les vacances. Dans le Montana,
il s'avèra que Hank avait en fait passé l'été
dans l'Illinois, pour cause de travaux chez l'ami du Montana. Au numéro
de Chicago, on la dirigea vers le New Jersey, ou peut-être New York,
hésita la dame au téléphone. Les deux nouveaux numéros
devant les yeux, Buffy sentit le désespoir l'envahir de nouveau, et
elle ne put s'empêcher d'en vouloir un instant à son père
de ne les avoir jamais contactées ou prévenues de ses mouvements.
Elle appela quand même New York en premier, pour constater que les communications
étaient toujours impossibles, et elle crut qu'elle allait devenir folle
quand personne ne lui répondit dans le New Jersey. Elle raccrocha définitivement,
posant le combiné sur un guéridon, et se prépara mentalement
à devoir affronter le regard plaidant de sa soeur.
- "Ca ne répond pas. Ni à New-York, ni dans le New Jersey."
Dawn ne trouva rien à dire, rien à ajouter. Les larmes ne coulaient même plus, et le silence s'établit quelques instants entre les cinq protagonistes présents.
- "Hey! Venez, un avion s'est écrasé en Pennsylvanie!!" cria Anya depuis le salon.
Ils se jetèrent tous un coup d'oeil, partagés entre le besoin de savoir ce qui se passait, comment le pays réagissait, et la terreur de revoir les images et d'entendre de nouveau les mots terribles des présentateurs. Buffy posa son regard sur Dawn dont les yeux étaient encore rougis par les larmes.
- "Dawn, tu es sûre que tu peux...?"
- " Oui. " Elle fronça
un instant les sourcils. "Je crois." En voyant que les autres attendaient
une réponse plus tranchée, elle déglutit, respira un
bon coup, et ajouta, "Oui, allons-y. Je veux savoir."
Il était
plus de dix heures et demi quand la totalité du Scooby Gang alla s'installer
dans le salon des Summers, Xander, Anya et Buffy sur le canapé, Dawn
contre le canapé, près de Buffy, Willow et Tara dans le grand
fauteuil, et Giles sur le coté, assis dans un fauteuil lui aussi. Le
reste de la journée se passa dans une sorte de sorte de torpeur touchant
tout le groupe, laissant Anya comme seule personne à pouvoir encore
paraître vraiment enthousiaste. Le téléphone passait de
mains en mains, le cercle infini Buffy, Willow, Tara, dans l'espoir de pouvoir
un jour joindre New-York. A onze heures, Buffy eut une once d'espoir quand
on lui répondit dans le New Jersey, mais ce fut seulement pour entendre
la confirmation que son père travaillait depuis plusieurs semaines
dans la Big Apple, mais où, 'allez savoir, Hank est quelqu'un qui bouge
beaucoup'. *Merci, j'ai remarqué,* pensa Buffy en fermant les yeux.
Au fil du temps les essais pour joindre les connaissances se firent un peu
plus éloignées, d'abord toutes les deux minutes, puis toutes
les cinq. L'espoir semblait peu à peu quitter les troupes, alors que
les images du drame à la télé se faisaient plus nombreuses,
plus réelles, et plus horribles encore. Des gens pleins de poussière
semblant sortir d'un enfer que personne n'aurait imaginé. L'univers
sombre de débris et de destruction, toujours plus effrayant et incompris.
Les images tréssautantes de femmes et d'hommes en pleurs, cachés
derrière les voitures, dernière barrière entre la mort
et eux. Un nuage de fumée et de poussière, pareil à un
monstre, se déversant dans les rues de Manhattan, envahissant les moindres
recoins, les moindres alcolves de vie.
A midi, Xander
se proposa pour aller chercher des sandwiches, espérant remonter le
moral du groupe, mais ses pauvres efforts ne purent jamais atteindre la cheville
de l'effet qu'eut le coup de téléphone qui sonna à 13h14
exactement. Tirant de leur léthargie tout le monde, le bruit strident
fit battre les curs, et Willow aurait été incapable de
dire quelle sorte de sentiments et de peurs la traversèrent quand Buffy
lui tendit le combiné. Et quand elle apprit au reste du groupe que
son oncle David venait de contacter ses parents pour les rassurer sur son
sort, il lui sembla presque qu'elle était sur un petit nuage. Triste
réalité rattrappe vite les rêveurs, et Willow se vit violement
propulser hors son cumulus d'espoir pour ratterrir violement avec la évidence
que projetait toujours la télévision.
Les heures
qui suivirent se passèrent toujours en silence, tous prostrés
devant le poste, engourdis par une réalité qui dépassait
la fiction. De temps à autres Giles essayait de faire des remarques,
mais personne ne se sentait encore d'humeur à répondre, personne
ne se sentait le courage d'analyser quoique ce soit dans la situation. A part
Anya, qui plus que tout les autres tentait de comprendre, sans pouvoir jamais
y réussir. A cinq heures et demi, ils dinèrent ensemble, sans
enthousiasme et sans réelle faim, toujours dans un silence d'incompréhension
des évènements terribles qui avaient eu lieu au cours de la
journée.
*Qui a fait ça? Pourquoi ils ont fait ça? Comment est ce qu'on détourne un avion? Est ce qu'on a fait quelque chose de mal? Les Talibans, c'est ceux qui sont en Afghanistan? Pourquoi est-ce qu'ils ont attaqué New York? Pourquoi ils ont voulu tué tant de gens? Est ce que ces gens avaient tous des familles? Où sont leur familles? Est ce qu'elles savent ?* Les questions se bousculaient dans l'esprit de Dawn, peut-être encore plus que dans l'esprit de tous les autres. De temps à autres les informations lui donnaient les réponses, mais la seule chose à laquelle personne n'arrivait à répondre, c'était 'pourquoi ?'. Et Dawn triturait la question, la prenait dans tous les sens, désespérée de trouver un jour la réponse à une question qui ne pouvait pas en avoir.
*********
A 8 heures
enfin, Giles incita les foules à partir, conscient que Buffy en avait
besoin, et que tout le monde se sentait maintenant très fatigué,
malgré une journée passée -littéralement- à
regarder la télévision. Willow et Xander approuvèrent,
tandis que Tara restait silencieuse, toujours sans nouvelle de son amie, et
qu'Anya hésitait un instant, peu enthousiaste à l'idée
de quitter pour un temps la source d'information vitale qu'était devenue
la télévision. Même si la même question animait
tout le monde, ce 'pourquoi' inéluctable, Dawn et Anya était
peut-être les deux les plus affectées par elle, et même
Anya était consciente ce jour-là qu'on ne pouvait pas tout dire,
mettant donc tous ses espoirs de comprendre l'incompréhensible dans
les flashs d'informations ininterrompus. Finalement ils partirent tous, Willow
et Xander serrant une dernière fois Buffy dans leurs bras en lui souhaitant
bonne chance pour son père, Anya essayant d'être enthousiaste
et positive, et Tara pouvant seulement faire un petit signe de la main. Buffy
savait parfaitement qu'elle s'était retenu de pleurer parce que Dawn
était là, et pour éviter d'enclencher une réaction
en chaîne parmi les gens présents, et qu'elle fondrait probablement
en larmes dans les bras de Willow une fois rentrée sur le campus. *Et
moi, dans les bras de qui est ce que je suis censée pleurer cette douleur
et cette rage ?*
Giles fut le dernier à partir. Il serra lui aussi Buffy dans ces bras, et un instant elle crut qu'elle allait pleurer là. Il lui redemanda si elle était sûre qu'elle ne préférait pas qu'il reste, ou qu'elle vienne avec sa sur dormir chez lui, mais elle refusa de nouveau gentiment, avant de lui assurer que tout irait bien, qu'elle avait juste besoin d'entendre la voix de son père. Il lui promit de passer le lendemain, et sur quelques derniers mots rassurants, il s'éloigna à son tour. Quand Buffy eut refermé la porte, elle posa un instant sa tête contre le pan de bois, retenant encore ses larmes. *Tu vas dire à Dawn de se coucher avant. Tu ne dois pas pleurer devant elle, pas aujourd'hui, elle n'en a pas besoin. Tu es forte, tu te souviens? Forte. Comme Angel.*
- "Buffy? Qu'est ce qu'on fait maintenant?" La petite voix de sa sur résonna dans la maison maintenant vide et silencieuse. Elle avait éteint la télévision.
- "Je..."
commença Buffy, avant que le téléphone ne l'interrompe.
Elle s'excusa à sa sur du regard, et décrocha.
De la conversation, Dawn ne comprit pas tout. D'abord elle crut que c'était une amie qui appelait, puis la façon dont Buffy s'énerva légèrement la laissa un instant perplexe, et tout à coup une connexion se fit dans son cerveau, et elle comprit que c'était son père au bout du fil. A partir de cet instant, tous les éléments qu'elle percevait coïncidaient parfaitement. *Quand est ce que je lui ai vraiment parlé pour la dernière fois ?* Dawn n'arrivait même plus à se souvenir. Pourtant, malgré le soulagement extrême qu'elle ressentait, elle se contenta de regarder Buffy parler, sans avoir vraiment envie de parler à son père. Quand Buffy raccrocha, elle se sentait prête à poser plein de questions, soudainement ragaillardie, après cette journée d'hébétude, par la simple connaissance que Hank Summers, aussi éloignée de lui qu'elle se sentait, était en vie, mais Buffy ne lui laissa pas le temps d'ouvrir la bouche.
- "Oui, c'était papa. Il va bien. Il n'est pas à New York, il était parti hier en déplacement dans l'Idaho. Il a appelé son amie du New Jersey, ou peut-être celle de Chicago, je ne sais plus. Bref, on lui a dit que sa fille avait essayé de le contacter, et là miracle, il s'est dit qu'il pouvait nous accorder quelques minutes d'attention. Il était sur la route et donc il a dû raccrocher assez vite, mais il a promis de rappeler demain pour te parler. Je n'ai même pas pensé à vérifier qu'il sait que maman nous a quitté. Je n'ai pas envie d'en parler ce soir, Dawn, il n'y a vraiment pas grand chose à dire. Il va rappeler de toute façon. Peut-être dans trois ans, mais il rappellera sûrement un jour."
Dawn hocha la tête, et Buffy s'approcha d'elle pour la prendre dans ses bras. *Peu importe que papa ne prenne pas le temps de s'occuper de moi, ou de nous. J'ai une sur, rien que pour moi. Et elle vaut toute les surs du monde, c'est ce que j'ai appris en la perdant et en la retrouvant.*
- "Dawn... peut-être que tu devrais aller te coucher. Je vais faire pareil. Maintenant qu'on sait que papa va bien... d'accord?"
- "Oui. Je... je ne sais pas si je vais pouvoir dormir ce soir."
- "Moi non plus, Dawnie. Mais il faut qu'on se repose. Qu'on essaie, en tout cas. On apprendra rien de plus ce soir, on ne peut rien faire."
- "D'accord."
Dawn passa devant Buffy pour monter vers sa chambre ; alors qu'elle atteignait la première marche, elle se retourna pour faire face à sa sur qui venait de reposer le téléphone sur sa base, pour la nuit.
- "Buffy?" Celle-ci leva les yeux sur Dawn. "Je t'aime, tu sais. Tu m'as manqué cet été." Premier aveu depuis le retour de Buffy.
- "Je t'aime, moi aussi," murmura Buffy en reprenant sa sur dans ses bras et en la serrant fort. La situation avait été tellement étrange -comment dire à quelqu'un, 'j'ai regretté que tu sois morte' ?- que Dawn n'avait encore jamais eu l'occasion de lui dire combien ça avait été dur de continuer à vivre en croyant qu'elles ne se reverraient plus jamais, en se réveillant tous les matins en priant pour que Willow puisse enfin accomplir le rituel. Buffy sentit les larmes lui monter de nouveau aux yeux, des larmes de joie et de tristesse à la fois. "Allez, bonne nuit Dawn. Petite Dawnie. Ne pense pas à tout ça... pas trop. Je crois qu'on n'a pas fini d'en parler."
**********
Buffy
ne resta pas longtemps au rez-de-chaussée après que sa sur
soit montée. Elle rangea quelques derniers couverts qui traînaient,
d'un geste machinal, les pensées plutôt tournées vers
tout ce qui s'était passé dans la journée. Plus que tout,
elle était reconnaissante à tous ses amis d'être venus.
*Au moins, je sais qu'ils vont bien. Ou presque,* se corrigea-t-elle en songeant
tristement à Tara. *Et Giles... lui qui est anglais, ça doit
un peu lui échapper...comme Wesley. Wesley... comment est ce qu'ils
ont vécu ça à Los Angeles?* Un instant ses yeux se tournèrent
vers le téléphone, mais elle se ravisa. *L'appeler? Alors que
tu ne l'as jamais appelé? Qu'est ce que tu as à lui dire de
toute façon? 'Salut, un truc a explosé à des milliers
de kilomètres, je voulais vérifier que tu allais bien'? Ne sois
pas ridicule.*
Une dizaine
de minutes plus tard, elle monta, s'arrêtant quelques secondes au milieu
des escaliers pour se demander si elle n'aurait pas dû aller en patrouille.
Mais elle ne se sentait pas le courage. Elle reprit son ascension, s'arrêta
devant la chambre de Dawn, où l'adolescente s'était endormie
contre un gros ours que ses parents lui avaient offert au temps où
ils étaient ensemble et s'entendaient bien. Un temps oublié
de tous... Elle s'était recroquevillée contre la peluche, en
position ftale, et dormait encore habillée, les sourcils fronçés,
témoins de rêves agités. *Des cauchemars. Bien sûr.
Au moins elle se repose un peu,* pensa Buffy en regardant sa cadette dormir,
avant d'aller s'effondrer sur son lit. La fatigue la rongeait, tout comme
les images impossible à évincer. *Un homme sautant d'une des
deux Tours. Plus de 100 étages de chutes... Un mouchoir blanc agité
depuis une fenêtre de ce qui ne serait bientôt plus qu'un tas
de débris.* Elle rouvrit les yeux, incapable de les fermer sans revoir
ces images, et jeta un coup d'il à son réveil. 9h13. *Peut-être
que je devrais aller en patrouille après tout... Aller créer
la mort...* L'idée qui l'avait tant perturbé à son retour
parmi les vivants la reprit un instant. *Non. Pas ça.*
Le téléphone sonna, et elle décrocha aussitôt celui qu'elle avait installé dans sa chambre, en espérant que le bruit ne suffirait pas à réveiller Dawn. Son père rappelait déjà? Ou quelque chose était arrivé à Tara?
- "Allô?"
- "Buffy." Au fond d'elle-même, elle sut tout de suite que c'était lui, mais son cerveau ne semblait pas saisir l'information. "Je... Bonjour."
- "Bonsoir," répondit-elle doucement. Elle n'ajouta rien, en partie parce qu'elle ne savait pas quoi dire -est ce qu'ils ne s'étaient pas simplement serrés en guise de salut la dernière fois?-, et en partie parce qu'elle voulait entendre sa voix, grave et rassurante à la fois.
- "Je... j'appelais juste pour-pour savoir si tout allait bien. Avec, tu sais, ce qui est arrivé."
Il était mal à l'aise. Plus encore que s'ils s'étaient parlé l'un en face de l'autre, et Buffy se sentait coupable. *Pourquoi? Ce n'est pas de ma faute s'il est à L.A et moi pas...*
- "Je vais bien. Je veux dire, je crois. Giles et les autres m'ont tenu compagnie toute la journée alors ça va. Moi et Dawn on a cru que papa était là-bas, mais heureusement il était en déplacement. Il y a juste Tara qui a une amie sur Manhattan qu'elle n'arrive toujours pas à joindre. Et c'est dur de ne pouvoir rien faire, tu sais? Juste regarder sans pouvoir... rien... faire. " Buffy ralentit en se rendant compte de la métaphore qu'elle venait de faire, et ferma les yeux en pestant contre elle-même. "Pardon. Je ne voulais pas dire ça."
Elle pouvait deviner qu'il avait eu un léger sourire à l'autre bout de la ligne, et cette pensé la réconforta un petit peu.
- "Ne t'inquiète pas. Je veux dire, je comprends. Au premier sens du terme. Cordelia... elle est arrivé ce matin, enfin, elle a déboulée, elle était complètement affolée, elle n'a que la radio chez elle alors elle est venue ici, elle était impossible à calmer. Wesley essayait d'être plus... posé, mais il a de la famille à New York, et il était terriblement inquiet. Il a essayé d'appeler plusieurs fois, mais les communications étaient impossibles."
- "Je sais. On a essayé d'appeler là-bas toute la journée aussi." Elle s'en voulut un instant de l'avoir coupé ; le son de sa voix lui faisait vraiment du bien.
- "Oh. C'est pour ça."
- "'C'est pour ça'?"
- "Je... ça fait plusieurs fois que j'essaie d'appeler depuis ce matin. Ca sonnait toujours occupé."
*Il a essayé de téléphoner tout la journée... et moi qui ne voulais pas le faire.*
- "Oui, c'est ça. On a essayé de contacter New York ou mon père tout le temps."
Ils marquèrent une pause, et un instant Buffy craint qu'il ne s'excuse de l'avoir déranger et qu'il raccroche. Elle voulait continuer à lui parler et à l'entendre, tout en souhaitant au fond d'elle pouvoir encore aller le retrouver dans le grand manoir.
- "Est ce que... Cordelia connaissait des gens à New York?" demanda Buffy, à défaut de pouvoir dire autre chose, de pouvoir lui avouer qu'elle avait envie qu'il vienne pour qu'elle puisse s'endormir contre lui et qu'il la protège des mauvais rêves et de ces images d'horreurs. *Comme Dawn et son nounours.* L'image la fit sourire un court instant.
- "Quelques amies, mais elle a réussi à toutes les contacter par internet assez vite. Les amies de Cordelia ne sont pas vraiment dans le quartier des affaires. Mais elle était... je veux dire, je ne l'avais jamais vu comme ça. Elle regardait la télé sans plus rien entendre d'autre, elle a même fondu en larmes à l'épicerie quand elle a entendu le témoignage de quelqu'un qui a perdu son fils dans un des avions. C'est comme si elle avait été touchée personnellement. Gunn était fâché, Wesley était indigné, même s'il avait peur pour sa famille, mais Cordy... c'est presque indescriptible."
- "Et toi?"
- "Je ne sais pas. Je veux dire, je n'étais pas affecté comme Cordelia, peut-être parce que les Etats-Unis ne représentent pas grand chose pour moi. Je suis Européen, à l'origine... l'Amérique n'est qu'un endroit où j'habite, ce n'est pas comme si j'étais citoyen ou quoique ce soit. Mais... j'avais commencé à croire que les hommes valaient la peine d'être sauvés, c'est pour ça que je me bats tous les jours. Et voilà ce qui arrive. Tu comprends?"
- "Je sais," répondit Buffy tout doucement en s'asseyant sur son lit. "Et c'est pareil pour moi. Je veux dire, depuis que je suis Tueuse, je défends les hommes, j'ai sauvé peut-être des centaines de vie, mais à quoi ça sert? A quoi ça a servit? Il suffit que quelque chose comme ça arrive et c'est comme si je n'avais rien fait. Je suis morte deux fois. Deux fois..." Buffy sentit les larmes lui monter aux yeux de nouveau, mais cette fois elle les laissa couler, et la première goutte salée roula le long de sa joue droite. "Et je suis morte -*morte*, j'aurais pu ne jamais revenir, pour sauver un monde comme ça? Pour qu'on puisse vivre dans un monde comme ça?"
- "Tu te souviens cette fois où ces deux enfants étaient morts, Buffy?"
- "Les Hansel et Gretel moderne? Oui."
- "Je
t'ai dit, qu'on se battait parce qu'il y avait des choses qui en valaient
la peine. Et c'est toujours vrai. Ca me fait mal de voir ça, Buffy.
Ca me fait mal de voir que des gens sont prêts à se tuer eux-mêmes
pour pouvoir en tuer d'autres, et ça en le nom de quelque chose qui
ne veut rien dire. Mais je sais qu'il ne faut pas abandonner, parce que ce
serait leur donner raison. Il y a toujours des gens qui méritent qu'on
se batte pour eux. Toi. Je me bats pour toi, tous les jours, parce que tu
en vaux la peine, je me bats pour Wesley, Cordelia, Gunn, Fred, pour tous
les enfants qui naissent tous les jours et qui méritent de vivre. Et
je sais que c'est pareil pour toi. Peut-être que ça paraît
tout à coup illusoire et inutile, mais ce n'est pas vrai. Tu te bats
pour certaines personnes, pour Willow, pour Xander, pour Dawn."
Buffy avait quitté ses chaussons et s'allongea sur son lit, recroquevillée
sur elle-même comme Dawn, pour garder la tiédeur de son corps,
le téléphone toujours collé contre l'oreille, la réchauffant,
et la voix d'Angel qui semblait résonner agréablement. *Il a
raison. Il a toujours raison...*
- "Je sais... Mais c'est dur à croire des fois. Quand ma mère est morte..."
- "Il ne faut pas penser à ça. Pas aujourd'hui. Ca m'apporte rien. Quand Willow est venue me voir, après que tu..." Sa voix se brisa, et Buffy ressentit tout à coup le besoin de le serrer contre elle. "Après, je m'en suis voulu. Des jours et des jours, et je m'en veux encore souvent. Je me battais pour toi. Peut-être inconsciemment, mais c'est vrai. Et tout à coup on m'apprend que de tout façon ça ne sert à rien, et je m'en suis voulu de ne pas avoir été là, de ne pas t'avoir protégé. J'ai..." Angel s'arrêta, réalisant qu'il était sur le point de dire qu'il avait abandonné son humanité pour qu'elle vive, et que ça n'avait servi à rien. "Mais tu es revenue. C'est mieux qu'un miracle pour moi, c'est un miracle pour le monde entier. Parce que tu te bats de nouveau pour eux, et ils ne se rendent pas compte de la chance qu'ils ont. Et j'essaie de ne plus penser que je t'ai laissé mourir, j'essaie de penser qu'on t'a redonné une chance que tu méritais. Il faut essayer de voir le positif. Je crois."
- "Tu ne m'as pas 'laissé mourir'..."
- "Des fois quand on aime, la réalité est dure à discerner." Le silence s'établit, et Angel se reprit. "Je ne voulais pas dire ça. Je ne voulais pas te mettre mal à l'aise."
- "Non," répondit aussitôt Buffy, qui s'était entourée de ses bras pour avoir plus chaud. "Angel, ça me fait du bien de t'entendre. De te parler. Vraiment. Tu ne me mets pas mal à l'aise... C'est juste que je ne sais pas toujours quoi dire. Tu dis tout bien toi-même." *Angel, je voudrais que tu viennes... que tu me téléphones... plus souvent...*
- "J'espère que tu as compris ce que j'essaie de dire. Je m'embrouille un peu ce soir. Avec ce qui se passe." *Et parce que c'est étrange d'entendre cette voix dont je rêve encore.*
- "J'ai compris. Ce que tu voulais dire. Mais j'ai peur de cette nuit, des rêves que je vais faire. Je peux comprendre que des terroristes ne doivent pas m'empêcher de continuer à protéger Sunnydale. Mais je ne peux pas comprendre pourquoi ils ont fait ça, et c'est ça qui me fait peur. Pourquoi est ce qu'ils en sont arrivés à tuer d'autres personnes pour faire passer un message?"
- "Buffy... je voudrais être à Sunnydale. Je ne viendrai pas, je ne peux pas me le permettre pour l'instant, mais peut-être bientôt, j'espère. Je veux au moins que tu saches que je voudrais être auprès de toi. Pas parce qu'on comprend mieux à deux, mais parce qu'on se soutient. J'ai appris ça maintenant. Je ne peux pas être près de toi, matériellement, mais je le suis quand même un peu. Et il faut que tu sois là pour ta sur, et il faut que tu te reposes sur tes amis. Tout le monde a besoin de ça."
- "Merci."
- "Je voudrais pouvoir faire plus..." Il y eut un court blanc. "Pour les terroristes... je crois que je pourrais rien dire de nouveau. Angelus tuait des innocents pour le plaisir de tuer, mais c'est un démon. Ce serait sans doute plus facile de dire que ces terroristes sont des démons, mais c'étaient des humains... et je ne comprends pas. Quand on a la chance d'être en vie, je ne comprends pas qu'on puisse gaspiller sa vie comme ça, juste pour tuer des innocents. Je crois que personne ne peut comprendre, et peut-être que c'est le problème. On ne soigne pas quelque chose qu'on ne comprend pas."
- "Non... on ne comprend pas...." Elle s'arrêta. Entendre Angel, c'était rassurant et pourtant ça faisait tellement mal... Et toutes ces choses qu'elle n'arrivait pas à lui dire... Et bientôt la voix allait la laisser, et elle resterait seule dans sa chambre... "Angel, reste au téléphone. S'il te plaît. Je ne veux pas retrouver le silence."
- "Je resterai là autant que tu en as besoin."
Buffy eut un sourire triste en repensant à la nuit passée au cimetière.
- "Toujours," se rappela-t-elle.
- "Toujours."
Une larme roula doucement le long de la joue de Buffy, pour aller mourir au bas de son menton, sur la couette. *Ce n'est pas juste, et on ne peut pas comprendre, mais il faut espérer. Un jour ce sera mieux. Si on y croit, un jour ce sera mieux.*